Élections 2021. Les jeunes candidats(es) séduiront-il les jeunes électeurs ?
Les jeunes montrent qu'ils ont une conscience politique, mais ils la traduisent rarement en participation politique effective

Du côté des candidats, les partis qui comptent dans le pays ont visiblement accordé une plus grande place aux jeunes. Ce rajeunissement marquant les listes électorales changera-t-il la donne concernant le taux de participation des jeunes électeurs ?

Les jeunes ne sont pas de grands mordus de politique dans sa forme conventionnelle. Certes, ils ont pour la plupart des avis sur tout, mais ils préfèrent plutôt les exprimer via les réseaux sociaux que depuis une tribune partisane. Le jour du vote, ils sont aussi les moins nombreux parmi les inscrits aux listes électorales à fournir l’effort d’aller voter.

Ce phénomène n’est pas exclusivement marocain, mais il prend dans le royaume des proportions qui contrastent avec la pyramide démographique nationale, marquée par sa jeunesse, puisque l’âge moyen dominant dans le pays se situe autour de la trentaine.

Même dans le contexte, très particulier, de 2011 ayant connu une forte mobilisation pour l’inscription dans les listes électorales à la veille du référendum sur la constitution, une nouvelle preuve de cette désaffection avait été donnée. C’est ce que relève David Goeury. Ce membre actif de Tafra et du laboratoire Médiations de Sorbonne Université relève que 16% des moins de 25 ans s’étaient inscrits pour participer au processus référendaire.

Pour bien montrer le rapport des jeunes au vote, le chercheur se réfère à une enquête qualitative, effectuée entre fin 2013 et les premiers mois de 2014, auprès de plus de 500 jeunes dans les villes de Rabat, Inezgane, Agadir, Marrakech, Tiznit. «La majorité des non votants déclarent ne pas se reconnaître dans les candidatures ou ne pas se reconnaître dans leurs idées», relève-t-il.

Parmi ceux qui ne votent pas et ne déclarent pas non plus un intérêt pour la politique, les réponses prennent la forme d’une condamnation des représentants élus qui n’agiraient que «pour leur propre intérêt», poursuit l’expert.

Même la liste nationale, dédiée momentanément aux jeunes lors des précédentes législatives, n’a pas changé la donne. Pourtant, elle a été mise en place comme mesure incitative pour attirer cette catégorie à la participation active dans la vie politique du pays. «Le problème réside dans l’offre politique qui est en décalage avec les attentes des jeunes», tranche le chercheur. Ce dernier estime que loin d’être attirées par les partis politiques, les jeunes générations sont plutôt sensibles aux contextes locaux et aux discours politiques qui s’y déploient, sans pour autant s’inscrire dans une dynamique électorale. «Des 22 millions de Marocains en âge de voter, seuls 15 millions sont inscrits sur les listes électorales et uniquement 6 millions participent effectivement aux élections. Ce qui donne lieu à un taux de participation de 22%», a fait remarquer Omar Cherkaoui. Ce professeur-chercheur s’exprimait le 23 mai 2019 à Rabat lors de la première conférence organisée par l’Observatoire marocain de la participation politique dont on n’entend plus parler depuis. Lors de la même conférence, Mohamed Boudden, chercheur sur les questions de la jeunesse, a relevé que l’âge moyen au sein des partis politiques est de 63 ans. «Ce qui n’est pas du tout représentatif de la société marocaine», a-t-il fait remarquer.

Autre indicateur significatif, les jeunes sont sous représentés dans les deux Chambres du parlement où, en plus, l’âge moyen des représentants de la nation se situe bien au-delà de la cinquantaine.

Différentes enquêtes de terrain menée sur la participation politique des jeunes quantifient à seulement 4% le taux des jeunes qui prennent part aux manifestations organisées par les formations politiques, aux grèves et autres mouvements sociaux.

Autres chiffres frappants qui est souvent ressorti : 1% des jeunes du pays adhèrent à un parti, toutes tendances confondues, et seuls 9% sont engagés, plus ou moins, dans une action sociale. Soulignant la pluralité et la diversité des jeunes marocaines, il donne comme exemple de l’activisme politique des jeunes, leur participation massive aux manifestations ayant eu lieu à Jerada, à Sidi Ifni et à El Hoceima. Il fait aussi remarquer qu’on voit poindre chez les moins de 30 ans les valeurs d’écologie et du libéralisme, voire de communautarisme identitaire, sur la question de l’amazighité par exemple.

Le chercheur renvoie la balle aux partis politique qui, selon lui, n’arrivent toujours pas à construire un discours intelligible qui puisse intéresser les jeunesses. Et d’ajouter : «On ne peut s’adresser de la même façon à une jeunesse urbaine dont les préoccupations majeures sont liées à l’emploi, au coût du logement, au transport et autres, comme on le ferait pour une jeunesse rurale qui pourrait être mobilisable autour d’un projet et un leader communautaires...»

Comme d’autres chercheurs, Goeury prévient de la «marginalisation politique» ressentie notamment par les 25-35. «Ces derniers sont les plus critiques, voire les plus radicaux dans l’expression de leur désenchantement des décisions politiques prises dans le pays», alerte-t-il. «Ils ne supportent plus leur position dans la société et se sentent trahis. Ils revendiquent, à leur façon et en dehors des organisations formelles, une vraie place sociale», conclut-il en invitant les formations politiques à leur ouvrir les portes... pour de vrai.

Revirement ?

En attendant les statistiques officielles, à première vue, la plupart des partis politiques en lice semblent avoir donné plus de place aux jeunes sur leurs listes électorales. Le PPS, le RNI et d’autres partis font même de la jeunesse de certains de leurs candidates et candidats comme point central de leur campagne électorale. On verra bien si cet effort conduira à la mobilisation des jeunes électeurs le 8 septembre, surtout que trois élections auront lieu le même jour : législatives, communales et régionales.

La concurrence sera rude. Selon les données provisoires relatives aux candidatures déposées pour l’élection des membres de la Chambre des représentants, publiées par le ministère de l’Intérieur au terme de la période consacrée au dépôt des déclarations de candidature, le nombre des listes de candidature présentées à l’échelle nationale au titre de l’ensemble des circonscriptions locales et des circonscriptions électorales régionales s’élève à 1.704, pour un total de 6.815 candidatures, avec une moyenne nationale de plus de 17 candidatures par siège, selon la même source.

Le nombre des listes de candidature présentées au titre des circonscriptions électorales locales est de 1.472 listes comptant 5.064 candidats, avec une moyenne de 17 candidatures par siège, contre 4.742 en 2016. Le nombre des candidatures aux circonscriptions électorales régionale s’élève à 1.769, soit une moyenne de 20 candidatures par siège.