Moscou veut tirer sur YouTube pour punir Google
La guerre entre Google et la Russie risque de s'intensifier

La guerre opposant Moscou aux géants du numérique prend une nouvelle dimension. Suite à la suspension par Google des comptes allemands de la chaîne télévisée étatique Russia Today (RT), la Russie a menacé, ce mercredi 29 septembre, YouTube de blocage.

Débloquer nos comptes où nous bloquerons les vôtres. C'est le message lancé par l'autorité russe des télécommunications Roskomnadzor. Cette entité annonce, ce mercredi, avoir demandé à Google, maison-mère de YouTube, "de lever dans les plus brefs délais les limites imposées aux chaînes YouTube RT DE et Der Fehlende Part".

Le site de vidéos de l'américain Google a bloqué hier, mardi 28 septembre, les deux comptes allemands de RT, les accusant d'avoir violé les règles de YouTube en diffusant de "fausses informations" sur le coronavirus puis en ayant voulu contourner une suspension de téléchargement.
C'est "un acte d'agression d'information sans précédent de la part de YouTube", a estimé le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué diffusé dans la nuit de mardi à mercredi, accusant les autorités allemandes d'avoir "évidemment encouragé, voire insisté" sur cette décision.

Selon cette source, il s'agit de la preuve de "la poursuite d'une guerre d'information contre la Russie" et de "faire taire" un média dérangeant les autorités allemandes.

Dans ce contexte, "la prise des mesures de représailles symétriques à l'encontre des médias allemands en Russie (...) semble non seulement appropriée, mais aussi nécessaire", menace la diplomatie russe.

RT, qui émet notamment également en anglais, français et espagnol, est considéré comme faisant partie des efforts de propagande déployés par le Kremlin à l'international. RT sous-entend que la suspension initiale, et qui devait être levée mercredi, visait à handicaper son fonctionnement à l'approche des législatives allemandes du 26 septembre.

La Russie ne cesse d'accuser les pays, médias et plateformes occidentales de mener une guerre russophobe de l'information.

Les Occidentaux estiment eux que la Russie pilote sur les réseaux sociaux des campagnes de désinformation ou d'influence pour semer la discorde dans leurs sociétés ou à des fins d'ingérence électorale, comme lors de la présidentielle américaine de 2016.

La Russie a ces derniers mois accru ses pressions sur les grandes plateformes digitales, accusant celles-ci d'être à la solde d'intérêts occidentaux.

Dernier épisode en date, elle a forcé Google et Apple à bloquer juste avant les législatives russes du 19 septembre des contenus liés à l'opposant incarcéré et bête noire du Kremlin, Alexeï Navalny, un acte que l'intéressé avait qualifié de "complicité" avec la censure de Vladimir Poutine.

Des sources au sein des entreprises avaient indiqué avoir cédé car leurs employés en Russie risquaient d'être arrêtés.

Les réseaux sociaux sont des espaces de liberté d'expression sur lesquels s'appuient les adversaires du Kremlin.

Mais dans la foulée d'une répression plus large de l'opposition et des médias, Moscou réclame désormais que les géants numériques modèrent les contenus en Russie en fonction de normes russes très restrictives.

La Russie s'est dotée en 2019 d'une loi pour le développement d'un internet souverain. Les autorités démentent vouloir bâtir un réseau national sous contrôle, comme c'est le cas en Chine, mais c'est exactement ce que craignent ONG et opposants.

Les réseaux sociaux sont en outre déjà obligés de stocker en territoire russe les données de leurs utilisateurs russes.

Enfin, les géants du numérique devront sous peu ouvrir des représentations officielles qui seront responsables de "toute infraction au droit russe".

Riposte officielle russe