Visas français. Le Maroc pourrait appliquer la règle de réciprocité si...
Le Maroc devrait penser à la réciprocité. L'amitié ne peut pas à sens unique

Le visa est une question de relation entre nations. Il reflète l’image que se fait un pays sur un autre. Ce n’est donc pas seulement une question administrative. Dans un monde idéal, tout le monde devrai pouvoir appliquer la règle de la réciprocité. Certains ne le peuvent pas. Il y a des raisons à cela.

La France réduit de moitié le nombre de visas accordés aux Marocains. Rien à dire, la France est souveraine chez elle. Elle a le droit de décider conformément à la vision qu’elle se fait de ses intérêts.

En 2019, avant la pandémie donc, la France a délivré 346.000 visas, soit 3,5% de plus qu’en 2018 qui avait enregistré 334.016 visas. 2018 était aussi en hausse de 3,2% par rapport à 2017. On pense à la fortune que ramasse la France dans ce business. Même les frais des visas refusés ne sont pas remboursés. Le comble.

Mais en 2020, il n’y aura plus que 98.627 visas, soit 247.373 de moins. En 2021, le nombre a été encore réduit à 18.579 visas.

Pourquoi les Marocains demandent-ils des visas français? Pour diverses raisons, tourisme, études, affaires, travail, regroupement familial...

En revanche, les Français peuvent venir au Maroc sans visa. On peut se réveiller le matin et décider, en prenant son café, de faire un saut à Tanger, Marrakech ou Agadir, réserver à distance et commander un taxi. Rien de plus facile.

On peut donc dire qu’il y a une asymétrie dans cette « amitié » maroco-française. La question est de savoir pourquoi.

Le tourisme est un secteur important dans l’économie marocaine, disent les professionnels qui justifient ainsi toutes les mesures incitatives qu’ils exigent de l’Etat. Or, la contribution de ce secteur au PIB est que de 7%, ce qui n’est vraiment pas énorme. Et donc pour 7% du PIB le Maroc s’interdit d’imposer le visa aux Français et appliquer une des règles les plus admises en diplomatie, la réciprocité.

Or, le tourisme est un secteur fragile, très sensible aux événements politiques, naturels, sanitaires...

A cause de la pandémie du Coronavirus, il y a eu 78% d’arrivées de touristes en moins à fin novembre 2020. Evidemment, les recettes ont suivi le mouvement. Elles ont chuté de 59,5% au terme des neuf premiers mois de 2020. Les professionnels, parlent de secteur sinistré, de catastrophe nationale et le gouvernement a dû intervenir pour régler les salaires des employés du secteur.

C’est une activité fragile qui devrait pousser le gouvernement à mettre en place la stratégie qui permettrait de ne pas trop compter dessus. Cette stratégie pourrait en même temps libérer la diplomatie du lobby touristique qui ne verrait pas d’un bon oeil l’imposition de visas aux touristes européens qui constituent le plus gros des arrivées.

Or, on constate que, dans le projet du nouveau modèle de développement, le tourisme continue à jouir d’une grande importance et les investisseurs du secteur auront de belles décennies d’avantages et de faveurs de plus en plus consistants.

A un certain moment, il faut penser aussi à la dignité des Marocains. Oui, un pays a le droit d’imposer un visa aux Marocains. Oui, le Maroc a le droit d'appliquer rigoureusement la règle de réciprocité. Il n’y a aucune méchanceté à le faire. Quand un responsable français vient nous parler de l’amitié maroco-française, on ne suit pas très bien. L’amitié est un concept aérien, insaisissable qu’on consomme à toutes les sauces, il ne veut absolument rien dire.