Mourad Zaoui crève l’écran dans « The Forgiven ».
Mourad Zaoui et Jessica Chastain au TIFF 2021-crédit photo Dominik Magdziak.

Installé à Los Angeles depuis 2015, l’acteur maroco-américain Mourad Zaoui nous parle de son rôle dans The Forgiven, le nouveau film écrit, réalisé et produit par le candidat aux BAFTA, John Michael McDonagh.

Projeté dans la section Présentations de gala du Festival international du film de Toronto ( TIFF ) en septembre dernier, le long métrage adapté du roman de Lawrence Osborne met en scène Jessica Chastain, Ralph Fiennes, Matt Smith, Caleb Landry Jones, Christopher Abbott, Ismael Kanater et Said Taghmaoui.

John Michael McDonagh, Ismael Kanater, Jessica Chastain et Mourad Zaouià la première de The Forgiven lors du Festival international du film de Toronto 2021-crédit photo Dominik Magdziak.


« The Forgiven » vient d’être présenté au Festival de Toronto où il a été salué par la critique internationale et longuement applaudi par le public. Quel est votre sentiment par rapport à tout ceci ?

J’ai été honoré que le long métrage ait été choisi pour être projeté au TIFF de cette année. je suis très heureux de partager le film avec un public mondial ; Public qui pourrait aisément s'identifier au personnage que je joue : Hamid. Pour moi, Toronto est plus beau que Cannes ou Venise. C’est une bénédiction.

Parlez-nous un peu du film.

Tourné entre Erfoud, Tanger et Chefchaouen, le film raconte l’histoire d’un couple fortuné David (Ralph Fiennes) et Jo (Jessica Chastain) qui vient en vacances au Maroc et qui voit sa vie basculer après un accident de voiture, lorsque le mari tue accidentellement un jeune Marocain qui vendait des fossiles au bord de la route. Mais au delà de l´intrigue, le long-métrage parle d’incompréhension entre les cultures, de l´hostilité engendrée par la méconnaissance de l´autre. C’est aussi un voyage de découverte de soi et de l’humanité en général.

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Vous interprétez le rôle de Hamid. Qu’est-ce qui vous a séduit chez ce personnage ?

Tout d´abord, faire partie d’un casting prestigieux avec des acteurs récompensés à maintes reprises et un réalisateur candidat aux BAFTA (British Academy Film Awards), est déjà immense en soi. C´est un rêve qui devient réalité. Ensuite j´ai aimé la profondeur de Hamid. Il est l´homme à tout faire des personnages joués par Caleb Landry Jones et Matt Smith (Games of Thrones, The Crown...), mais en fait, Hamid est bien plus que cela. Il est le point d'ancrage du public et la boussole morale du film. Il est religieux mais sans jugement envers les habitants et leurs visiteurs.

Ce qui m’a plu chez lui, c’est son humanité et sa sagesse. Ses répliques sont exceptionnelles, on le voit dans 90% du film. Autre chose, j´ai apprécié que le personnage de couleur ne soit pas un terroriste comme c´est hélas souvent le cas.

« The Forbiden » parle d'un accident de voiture qui va avoir des répercussions sur pleins de gens. Il s'agit d'un choc des cultures, de la manière dont locaux et étrangers se voient et sont perçus les uns par les autres. Les protagonistes ne prennent pas le temps de mieux se connaître et une inimitié en découle. Je pense que cela s'applique également au monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. Cela dit, si nous prenons le temps de mieux nous connaître, nous ferons de cette terre un endroit meilleur. Nous réaliserons également que nous sommes tous pareils et que nous voulons tous vivre dans un environnement plus sûr.

Hamid est un homme religieux, mais il ne permet pas à sa foi d'influencer ses opinions et ses interactions avec ses employeurs ni leurs collègues. Pour lui, sa religion et ses croyances, relève de l´ordre privé et ne doivent nullement influencer sa vie professionnelle.

Par rapport à votre remarque, on voit souvent à Hollywood des gens de couleurs jouer des rôles de terroristes. Est-ce que les rôles que l’on vous propose vont dans ce sens ?

Pas du tout ! Hollywood ne m’a jamais considéré comme « idéal » pour ce type de rôle. Il faut croire que je n´ai pas la tête de l´emploi. Il y a quelques années, j’ai auditionné pour la série « Prison Break » et on m’a dit que mon physique risquait de faire de l’ombre à l’acteur principal. En fait, ils avaient du mal à me caser (rires).

Le film a été très bien accueilli à Toronto. Peut-on dire qu’il y aura un avant et un après « The Forgiven » ?

Je crois que c’est une évidence. J’étais à une soirée lors du TIFF et en rentrant à l’hôtel, un membre de la sécurité m’a dit qu’il y avait des gens qui m’attendaient, je croyais que c’était juste les photographes, mais en fait il y avait une quinzaine de personnes sur place qui voulaient prendre des photos avec moi. J´étais ravi de découvrir que j’avais des fans au Canada. Cela m´a beaucoup touché.

Comment avez-vous préparé votre rôle ?

Ici c’est à l’acteur de faire ses choix par rapport au personnage. J’ai travaillé avec un ami réalisateur et scénariste Patrick Viktor Monroe et j’avoue que c’était très instructif.

Contrairement à ce que l’on peut croire, Hollywood vous donne toujours votre première chance. Un acteur va avoir un 1er casting, un 1er rendez-vous avec une grosse agence, mais cela ne veut pas dire qu´il va en avoir un deuxième. Pour ma part, je devais soit assurer, soit dire Adieu à mon rêve américain. J’ai dû lire le scénario 200 fois, je connaissais mes répliques par cœur et mes scènes à l’endroit comme à l’envers, c´est vous dire...

Le film a été adapté du roman de Lawrence Osborne. Qu’a pensé l’auteur de votre représentation ?

J’ai eu une conversation avec Lawrence Osborne qui avait vu le film et j’avoue que son avis m’a beaucoup ému. Il m’a dit qu’il avait adoré mon incroyable performance, que j’étais parfait dans le rôle de Hamid et que cela n’aurait pas pu être mieux. Il m’a même dit que ma façon de jouer avait rendu le personnage meilleur.

Comment s’est passé le tournage avec le réalisateur John Michael McDonagh ?

Vous savez, dans les productions hollywoodiennes, on lit le scénario en boucle, encore et encore avec le cast, on met les points sur les « i », on discute des idées que l’on a envie de changer et sur le plateau chacun fait son boulot.

Au début, quand j’ai décroché le rôle, tout le monde m'a dit à propos de John : « Il est très dur». En fait c'est un génie qui est resté ouvert à toutes les idées que j'ai eu. Il était également serviable et solidaire. Ce fut un plaisir de travailler à ses côtés et j'ai hâte pouvoir recommencer.

The forgiven Ralph Fiennes et Jessica Chastain


Ça vous a fait quoi de jouer avec de grosses pointures du cinéma comme Jessica Chastain, Ralph Fiennes, Matt Smith ou Chris Abbott ?

Comme je l´ai dit avant, c´est un rêve devenu réalité. Je suis fan de tous ces acteurs et particulièrement de Jessica Chastain. Elle est très généreuse et très professionnelle.

J’ai toujours vu Ralph Fiennes exceller dans ses rôles à la télévision, et le fait de pouvoir le voir de près était juste incroyable. Je me demandais comment il pouvait être si intense tout en donnant cette impression de facilité. Il m’a complimenté lors d´une scène et m’a dit « qu’il adorait ce que je faisais ».

Matt Smith est aussi une personne incroyable, il a une belle âme. C'est un acteur extrêmement talentueux. J'ai été impressionné par Caleb Landry Jones et Chris Abbott. J'étais à la fois leur collègue et leur fan, et les regarder travailler m'a aidé à améliorer un peu mon jeu. D’ailleurs, lorsque vous travaillez avec des acteurs de ce calibre, ils vous poussent à exceller.

On était tous très concentrés sur le tournage, chacun savait exactement ce qu’il avait à faire, du coup, cela s’est super bien passé avec tout le monde. Et en général, il y avait une ambiance assez bon enfant sur le plateau.

Avez-vous rencontré quelques difficultés lors du tournage ?

Pas spécialement. J´ai eu ce rôle après 5 ans de galère à Hollywood. Il y a quelques années, je n’aurais pas été aussi bon, parce que je pense qu’au Maroc les acteurs sont un peu gâtés, vu qu´ils travaillent tout le temps. C’était donc un vrai privilège de me retrouver sur un plateau de tournage après tout ce temps. Je me suis donné corps et âme et l´effort a payé.

Vous êtes également à l’affiche de « Zanka Contact » (Burning Casablanca), le dernier film de Ismaël El Iraki. Parlez-nous un peu de votre rôle et en quoi vous a-t-il séduit ?

Le rôle a été écrit pour moi, bien qu’il soit complètement à l’opposé de ce que je suis dans la réalité. C’est une sorte de psychopathe, un personnage sadique, sanguinaire, sans pitié, sans empathie et sans humanité. Tout le contraire de « Hamid ».

C’est ma seconde collaboration avec Ismaël après « H’rech » et il m’a donné carte blanche sur le set de tournage. J’ai toujours été fan de lui, de ses films, de ses personnages. Je l’ai toujours considéré un peu comme le « Tarantino 2.0 » et d’ailleurs le Président de la Mostra de Venise 2020 l’a comparé au cinéaste.

J’ai aussi accepté d’incarner ce personnage parce que comme tous les acteurs, on a envie de se glisser dans la peau du bad guy. J’ai déjà joué des rôles similaires dans « The End », « Akhir romanssiyin », ... « Zanka Contact » est juste un film tarantinesque, je trouve que Ismaël est le 1er réalisateur marocain qui n’a rien à envier aux plus grands. Son film a été primé partout à l’international. Malheureusement, les producteurs l’ont beaucoup sous-estimé, on ne lui a pas donné assez de temps pour tourner certaines scènes, du coup, on a fait avec les moyens du bord et on s’est donnés à fond pour sortir quelque chose de bien.

Mourad Zaoui dans Zanka Contact-Burning Casablanca de Ismael El Iraki.
Mourad Zaoui dans Zanka Contact - Burning Casablanca de Ismael El Iraki.


Vous vous êtes récemment lancé dans la production ?

Oui, je suis en train de produire mon 1er film « Dominique » dans lequel je joue un petit rôle. C’est un film d’action/thriller américain (une histoire de drogue, de famille...) qui devait être tourné entre New York et Los Angeles, mais je suis en train de convaincre mes partenaires de changer le scénario pour le tourner entre Marrakech et Casablanca. Le budget est de 7 millions de dollars et le tournage est prévu vers la fin 2022.

Le film raconte l’histoire d’une jeune fille à moitié marocaine dont le père est un grand trafiquant de drogue. Elle va quitter le Maroc et se retrouver mêlée à des histoires de Mafia et d’Interpol en Europe, avant de revenir se « planquer » au pays.

On a des acteurs de différentes nationalités : française (Anne Parillaud), italienne, allemande, américaine... et je dirais que ce film n’est que le début de plusieurs projets que je suis en train de ramener au Maroc.

Pourquoi passer d’acteur à producteur ?

Ça m’est tombé entre les mains et c’est une opportunité que je ne pouvais pas refuser. C’est ma première expérience en tant que producteur et je tiens à ce que les chefs de poste ne soient pas étrangers mais Marocains : chef opérateur, chef maquilleuse, chef costumier, production designer ... On a un savoir-faire et du talent ici, il faut les utiliser.

Le boulot de producteur, c’est beaucoup de coups de fil, de rencontres et d’arguments. C’est excitant et j’avoue que j’aime bien être impliqué dans l´ensemble du processus de création du film.

Des projets ?

J’en ai plusieurs: « Pharaoh », une série télévisée historique sur la vie de Nefertiti. On est en train de finaliser le scénario et de voir où est-ce qu’elle va être diffusée (Netflix, Amazon...). Je suis acteur et producteur exécutif dessus.

Je joue le rôle de Hormheb, le général des armées de Nefertiti qui va devenir lui-même Pharaon. C’est un peu Games of thrones dans le désert. Les extérieurs sont tournés au Maroc et j´essaie de voir s’ils peuvent tourner l’intérieur dans les studios marocains.

Pour la 1ère saison, on n’aura que des réalisatrices : Susan Beir (Revenge, Bird Box, After the wedding, Brothers...), Michèle MacLaren, (Breaking Bad et Game of Thrones), Reed Morano (Handmaid’s Tale), Denise Gordon (My lucky star, Hell on wheels). Pour la saison 2, on aura Alik Sahkarov (Rome, Ozark, House of cards, Game of Thrones et Miguel Sapochnik (Game of thrones).