Santé, Ce grand malade

Le Maroc dépense 47,8 milliards de dirhams par an en faveur de son système de santé pour un résultat décevant. Dans le public comme dans le privé, le Marocain se saigne pour se soigner. La proportion des dépenses directes des ménages en santé s’élève à 25,6 milliards de DH. L’OMS recommande que cette contribution ne dépasse pas 20%. Docteur, la Santé est-elle incurable ?

Le 28 juin dernier, Settat a fait ses adieux à Rachida Niouini, une des deux victimes d’une erreur médicale dans une clinique de la ville. Cette séparation douloureuse a ému les habitants de la capitale de la Chaouia et tout le Maroc. Les détails de ce drame décrit parfaitement l’état catastrophique du secteur de la santé, public comme privé, dans le pays.

Settat, dans la plaie du système

14 mai, Rachida, cadre à Royal Air Maroc (RAM) et une autre patiente, enseignante dans la même ville, sont toutes les deux admises dans une clinique de Settat pour accouchement par césarienne. L’opération tourne au drame, les deux femmes sont paralysées. Les familles des victimes pointent du doigt un produit d’anesthésie et elles demandent l’ouverture d’une enquête. Le ministère de la Santé (MS) suspend alors les deux anesthésistes de la clinique concernée, pour avoir violé

le Code de la fonction publique

interdisant les fonctionnaires de l’Etat d’exercer dans le privé, et ordonne une enquête pour éclaircir les circonstances de cette affaire.

Rachida décède au CHU Ibn Rochd à Casablanca. Durant deux semaines, la famille refuse de l’enterrer. Elle demande d’abord de voir les conclusions de l’enquête du département de la Santé. Sauf que les défaillances de la santé font plier la famille, à son corps défendant. La morgue de la plus grande structure hospitalière au Maroc est en mauvais état. Après deux semaines, le corps de la jeune femme se trouve dans un état lamentable. La famille se résigne à récupérer la dépouille de la défunte. L’autre victime se trouve dans un état critique. Après avoir subi deux opérations, elle est toujours paralysée. Aujourd’hui, la société civile locale demande elle aussi de voir les conclusions de l’enquête du ministère. Le ministre promet de publier ces conclusions dès que la mission d’enquête termine son travail. Ces associations tirent la sonnette d’alarme. « Depuis ce drame, la santé est au point mort dans toute la province de Settat » crient-elles à qui veut les entendre.

Si la décision du ministère de suspendre les deux médecins semble à première vue logique, elle a eu de graves conséquences sur les actes chirurgicaux dans l’hôpital provincial de Mohammed V. Faute d’anesthésistes, les patients se font rediriger vers Casablanca pour se faire opérer. Une source locale parle d’une trentaine de personnes qui ont dû faire 100 km, au risque de leur vie pour certaines, dans l’espoir de subir un acte chirurgical. Ironie du sort, l’hôpital de Berrechid, plus proche de

Settat, dispose d’un anesthésiste.

Sauf que ce dernier est au chômage technique. Le bloc opératoire est hors service, depuis plusieurs mois. La santé dans la province de Settat est à l’évidence en très mauvaise santé.

Fin d’une époque

Le cas de Settat est loin d’être une exception au Maroc. Le drame de ces deux familles révèle une nouvelle fois les défaillances, mais aussi la complexité de mettre à niveau le secteur. La difficulté d’accès aux soins, le manque de moyens et la pénurie des ressources humaines sont les premiers arguments avancés, à juste titre, par les différents acteurs comme obstacles majeurs pour un système de santé assurant l’équité d’accès aux soins et la qualité des prestations. Mais ce n’est pas tout. A ces obstacles, il faut ajouter l’absence d’une gouvernance claire, le poids des multiples lobbys et l’incapacité des responsables concernés de se projeter dans le futur pour anticiper les besoins à venir. Après de nombreuses tentatives de réformes non abouties, les hauts cadres du ministère reconnaissent que tout le système doit être revu. Dr. Abdelali Belghiti Alaoui est le secrétaire général de ce département. Le bilan qu’il dresse est catastrophique.

« La crise d’un système se manifeste lorsque des acteurs s’accordent sur le diagnostic des défaillances. Nous y sommes. Le mode de gestion actuel a fait son temps. Le schéma actuel ne permet plus de trouver des solutions aux problèmes du système », s’époumone-t-il. Ses trente ans d’expérience passée dans le secteur lui permettent d’avoir le recul nécessaire pour évaluer les récentes réformes : « Dès qu’ils arrivent, les ministres sont motivés et veulent réformer le secteur. Mais confrontés au poids des défaillances, ils finissent par faire un choix stratégique de réformer une partie du système. Ils choisissent 3 ou 4 priorités en espérant réussir des avancées dans ces pôles de la santé. Jamais, un ministre n’a pu réformer l’architecture du fonctionnement du système. L’heure est venue pour le faire » стоимость рекламы яндекс директ