La réforme de la dernière chance

Retoucher sans améliorer semble être le sport favori au sein du secteur de la Santé. Depuis 1959, ce département a piloté trois réformes et 11 plans sectoriels, sans grands résultats. Louardi et son équipe réussiront-ils à renverser la vapeur ?

Marrakech, le 1er juillet, jour de l’ouverture de la Conférence nationale sur la santé. El Houssaine Louardi, ministre de la Santé et les directeurs de ce département ont les yeux qui brillent de satisfaction d’avoir pu réunir tous les acteurs du secteur. « Pour la première fois, le personnel de la Santé se sent fier d’appartenir à ce secteur », nous confie Dr Belghiti, SG du ministère. Le défilé de ministres, de directeurs d’offices publics, de gestionnaires de caisses d’assurances, de présidents des

Ordres professionnels du secteur, de grands noms de l’industrie pharmaceutique, avec en sus une forte présence de partenaires internationaux (OMS, Union Européenne, Banque mondiale, etc...). Tout le monde a fait le déplacement ou presque. Seul bémol, le boycott d’une partie des syndicats de la Santé (CDT, UGTM, FDT, SNESUP, Syndicat national des cliniques privés au Maroc, Fédération des syndicats des médecins dentistes privés et Syndicat national des médecins du secteur libéral). Mais d’autres syndicats étaient de la

partie, parmi eux l’UMT, l’ODT, UNTM, des représentants de pharmaciens, le collège des médecins spécialistes...

La Lettre royale aux participants à la Conférence de Marrakech a été un signal fort. Elle a été lue par Louardi, en présence du chef du gouvernement Abdelilah Benkirane. A travers cette lettre, le souverain a rappelé que « le secteur de la santé dans notre pays a connu des réalisations aussi importantes que variées ». Sauf que le roi Mohammed VI considère que « ces réalisations restent en deçà de nos ambitions dans ce domaine. Nous saisissons donc l’occasion de cette conférence pour réaffirmer Notre volonté constante d’inscrire la promotion du secteur de la santé parmi les grands chantiers essentiels du pays ». Le ton de la réforme est donné dans un contexte politique et social en mutation. Le droit à la santé est désormais inscrit dans la Constitution (art.31). Un nouveau contexte démographique se construit (maîtrise de la fécondité, urbanisation accélérée et vieillissement de la population) et la transition épidémiologique a pris une vitesse de croisière. 75% des cas de décès dans le pays sont dus à des maladies non transmissibles (diabète, cancer, difficultés cardiovasculaires ou respiratoires, entre autres). Les principaux défis à relever par le système de santé marocain ont été définis par le Livre blanc, proposé par le département de la Santé : Centrer les soins sur les problèmes et les attentes des citoyens,

lutter contre les exclusions et

promouvoir la santé, anticiper les

réponses aux défis pour la santé des mutations de la société marocaine et construire un système de santé durable et efficient. Cette réforme fera-t-elle mieux que les précédentes ? Pour rappel, la 1ère phase a été conduite de 1959 à 1981 et a

permis la mise en place du système de Santé national. La 2e, de 1981 à 1994, a connu une première réforme. La troisième, de 1994 à 2012, s’est distinguée par une frénésie d’ambition de réforme, deux projets ont été mis en place grâce à 3 plans sectoriels z

Prix du médicament Baissera, baissera pas ?

32% des dépenses en prestations du ministère de la Santé sont consacrées aux médicaments. Le budget alloué à ce poste a progressé de 67% entre 2002 et 2012 pour atteindre 1,6 MMDH. L’effet RAMED se fait sentir déjà sur les achats du ministère qui seront de l’ordre de 2 MMDH en 2013. Pour réduire ce coût, des négociations sont en cours avec les industriels depuis octobre 2012. Pour Louardi, ces pourparlers ont trop duré. «Nous avons pris du retard sur ce dossier, on ne peut continuer à négocier indéfiniment. Des décisions seront prises», promet le ministre de la Santé. Et d’ajouter : «Le prix du médicament est cher au Maroc. On ne peut pas le nier». Pour illustrer ses propos, le ministre rappelle les négociations qu’il a eues avec un labo pharmaceutique : « Je me demande comment un labo peut réduire le prix d’un de ces produits de 83% et il continue toujours à faire du profit ». Et de conclure :

«Il nous faut une politique du médicament qui dépasse la question des prix. Toute la réglementation, datant des années 60, doit être revue».

RH Pénurie et déséquilibre régionaux

Le Maroc connait une pénurie aigue du personnel de santé (voir les indicateurs publiés page 18 ). Ce déficit en RH devrait s’aggraver avec le départ prochain à la retraite de quelques 7.000 membres du corps médical public. A cela s’ajoute une concentration géographique de ce corps sur l’axe Casa-Kénitra. Le ministère propose des mesures urgentes comme les PPP profitant de la faible occupation des structures publiques, utilisées à seulement 61%, la contractualisation, la révision des statuts professionnels, la reconnaissance de la spécificité du secteur et l’intéressement financier pour améliorer le déploiement des RH. L’autre grande mesure proposée par Louardi est l’ouverture des capitaux des cliniques privées aux investisseurs, ce qui demande une révision de la loi 10-94 sur l’exercice de la médecine. Cette proposition reconduite par les deux derniers ministres de la Santé suscite la colère des médecins et des représentants des cliniques privées. купить наушники для компьютера