Prix des carburants. Vent de fronde contre l’envolée 
Difficile de prévoir jusqu'où ira la hausse des prix

Liés au cours du pétrole, les prix des carburants flambent. Et la tendance pourrait se poursuivre. Citoyens et transporteurs sont exaspérés. Et le gouvernement est appelé à agir pour limiter la casse. 

Les prix des carburants ont connu une nouvelle hausse dans le sillage d’une augmentation du cours mondial du pétrole. A la veille de Aïd Mawlid, la hausse a été de 0,35 cts pour le super sans-plomb (SSP) et 0,30 cts pour le gasoil. Résultats : le litre de gasoil coûte au bas mot 10,09 dirhams, alors que le prix de l’essence atteint environ 12 dirhams. Une hausse substantielle qui dure depuis des mois déjà. Et la tendance se poursuivra, comme le prévoit Jamal Zrikem, président de la Fédération nationale des gérants et propriétaires des stations-service (FGNPS), dans « le sillage de cours du pétrole soutenus par la reprise de la demande mondiale ».

Une explosion du budget carburant

En effet, les cours du pétrole ont atteint des niveaux jamais vus depuis 2014. En neuf mois, le prix du baril de pétrole s'est envolé de 65%. En cause, la reprise économique mondiale avec le redémarrage des industries énergivores. Certains analystes prévoient une hausse pouvant aller jusqu'à 100 dollars le baril. Difficile de prévoir alors jusqu'à quand la hausse des prix à la pompe va se poursuivre. Les automobilistes sont inquiets. Interrogés par l’Observateur du Maroc et d’Afrique, certains déplorent une explosion du budget carburant. «Avec cette augmentation du prix de l’essence, et l’obligation d’aller travailler en présentiel, je me vois forcée de limiter mes déplacements le week-end par exemple pour équilibrer. Avec 600 Km parcourus par mois, faites le calcul », explique ce responsable commercial au sein d’une entreprise de vente de matériel médical.

La double peine des transporteurs

Hormis les citoyens, les professionnels du transport sont en colère aujourd’hui. Le Syndicat national du transport routier (SNTR) est monté au créneau pour dénoncer cette hausse des prix des carburants. Même son de cloche du président de la Fédération nationale du transport (FNT) au sein de la CGEM, Abdelilah Hifdi. Selon lui, le secteur fait face à une double peine : cherté de la matière première et sous-tarification de la prestation. Concrètement, « la part du gasoil dans le chiffre d’affaires d’une entreprise de transport est situé entre 38 et 50% selon la vétusté du véhicule, le parcours, la charge... cette hausse des prix des carburants est donc contraignante pour les professionnels d’un secteur qui souffre d’une sous-tarification provenant du problème de la dérégulation », détaille Hifdi. Et contrairement au pavillon étranger qui lui, jouit de la récupération d’une partie du gasoil, comme le stipule des directives européennes, les transporteurs nationaux eux, ne bénéficient d’aucune subvention dans ce sens. «Cela fait plus de 20 ans que nous militons pour la mise en place du principe du carburant professionnel à l’instar d’autres secteurs, mais, à ce jour, cette doléance ne trouve pas une oreille attentive », regrette Hifdi qui ajoute par ailleurs que le carburant professionnel est équivaut à 1 ou 2DH par litre de gasoil consommé à raison de 40 litres par véhicule qu’il soit destiné au transport de marchandises ou de voyageurs.

Le même professionnel évoque la problématique de la TIC sur le gasoil. «La TIC sur le gasoil est estimée à 2,42 DH par litre consommé. Et donc le secteur du transport est celui qui paie le plus d’impôts dans ce sens. Il est même l’un des principaux pourvoyeurs de recettes dans le budget de l’Etat avec une part de 15% », martèle celui qui a demandé une audience avec le nouveau ministre de transport pour trouver une issue, d’autant plus que le NMD et le livre blanc de la CGEM pointent du doigt ces problématiques auxquelles font face les transporteurs aujourd’hui.

La grogne des propriétaires de stations de service

Pour leur part les propriétaires des stations-services mènent des opérations de lobbying auprès des parlementaires aussi bien chez les partis de la majorité que de l’opposition. D’après Jamal Zrikem, plus les prix des carburants flambent, plus l’impôt augmente, et plus leur marge est impactée. Comment ? «Ce ne sont pas au niveau des stations de service que se calculent les prix. Nous appliquons les prix fixés par les compagnies pétrolières, moyennant une marge fixe qui ne dépasse pas 0,40 cts. Donc, ce qu’il faut comprendre c’est que les propriétaires des stations de service ne profitent ni de la hausse ni de la baisse des prix », rétorque Zrikem qui dénonce au nom de sa profession, l’injustice relative au calcul de la cotisation minimale basée sur le chiffre d’affaires et non pas sur les bénéfices enregistrés. «Les marges de bénéfices des stations de service sont fixées et se limitent au volume acquis auprès des sociétés de distribution et non pas sur la base du pourcentage du chiffre d’affaires », précise t-il.

Autrement, « cette hausse des prix du baril à l’échelle mondiale qui a été répercutée au niveau national, a impacté le chiffre d’affaires des distributeurs, mais sans qu’elle n’entraine une hausse de bénéfices », insiste Zrikem qui déplore aussi le fait que la DGI recourt à des contrôles fiscaux à chaque fois que le prix du pétrole augmente. Le président de FGNPS, qui prédit une tendance haussière encore pour la période à venir, ne voit d’autre solution qu’une intervention de la part du gouvernement pour limiter cette envolée qui impacte sévèrement l’activité et le budget des citoyens prônant un retour à la fixation des prix et au plafonnement. Reste à savoir ce que compte faire le gouvernement.