Libertés individuelles : Le sexe divise les Marocains
Pour ou contre les relations sexuelles hors mariage ? Les Marocains sont divisés...

Les résultats mitigés d’une étude sociale confirment cette dualité de perception des libertés individuelles par les Marocains. Tandis que 80% des sondés jugent que la virginité est synonyme de vertu et de bonne éducation, 50% estiment que les relations sexuelles hors mariage sont une liberté individuelle à respecter.



Alors que le débat à propos des libertés individuelles continue de s’amplifier, une enquête récente menée par la plateforme Menassat révèle les différentes facettes de la perception et la représentation populaire du corps, du sexe et des libertés individuelles en générale.

« Libertés individuelles au Maroc : représentations et pratiques » est en effet l’intitulé de cette nouvelle enquête présentée par le centre de recherches et d’études sociales Menassat, établi à Casablanca. Ainsi 76% des personnes sondées ne nient pas la pratique courante de relations sexuelles hors mariage. Assez répandue mais pas acceptable pour autant si l’on en croit les données de cette étude. En effet, 80% des interrogés jugent que la virginité est garante de bonnes mœurs, de bonne éducation et de religiosité.

« Il y a certaines constantes que les mentalités n’arrivent pas à dépasser malgré l’apparente émancipation sociale. La virginité en est un bon exemple. On a beau prétendre être moderne et ouvert, lorsqu’il s’agit du corps de la femme et de relations sexuelles hors mariage, on s’attache aux mêmes idées et on reste fidèles aux mentalités traditionnelles voir aux préjugés ancestraux », commente Hassan Wahbi, Chercheur Doctorant en Sociologie du genre. D’après ce dernier, cet attachement trans-temporel et trans-générationnel à la virginité est une manière de sauvegarder le contrôle patriarcal sur le corps de la femme. « Trêve de liberté ! L’émancipation de la femme en général est perçue comme un danger, une menace pour les sociétés profondément patriarcales. La virginité n’est en effet qu’un symbole du maintien de cette emprise ancestrale » analyse le chercheur.

Des propos que les résultats de l’étude tendent à confirmer. Ainsi près de la moitié des personnes interrogées, qui notons-le sont des femmes et des hommes, estiment que la façon dont les femmes s’habillent n’est pas une liberté individuelle. Si pour la majorité, le port du hijab reste principalement motivé par une conviction religieuse, 38 % des femmes interrogées expliquent ce choix par la volonté d’éviter le harcèlement sexuel dans la rue. « Nous restons toujours dans le même schéma : Le corps de la femme est une « propriété » des autres : du père, des frères parfois même des cousins dans une structure plus tribale, du mari, du fils... La manière de s’habiller, de se montrer et de se comporter ne concerne pas uniquement la femme mais toute la famille et les autres composantes de la société. Nous ne sommes pas très loin de « la tribu » et son emprise malgré les airs modernes qu’affiche notre société. Celles qui osent défier ce contrôle peuvent être brimées et remises à leur place par l’harcèlement, la violence verbale ou physique ou même l’exclusion » explique le Sociologue-Chercheur.

« L’exemple tout récent de la fille de Tanger le confirme. Osant porter une robe courte dans la rue, un jeune se permet de la lui soulever et de filmer son acte de surcroît. Le plus surprenant c’était le grand nombre de personnes qui ont cautionné son comportement et l’ont soutenu en masse sur les réseaux sociaux, en incriminant la jeune fille », commente Wahbi. Ce dernier se focalise dans ses travaux sur les rapports sociaux entre les sexes et les problématiques liées au genre. Les résultats de l’enquête de Menassat vont d’ailleurs dans le même sens en révélant que 50 % des Marocains interrogés se disent favorables à la pénalisation des relations sexuelles hors mariage. Surprenant lorsque l'on apprend que la majorité reconnait la pratique courante du sexe hors mariage dans notre société. Aussi 70 % affirment ignorer le contenu du controversé article 490 du code pénal. Ce même article pénalisant toutes relations sexuelles hors mariage. En revanche, 27,2 % seulement rejettent l’application dudit article impliquant peine de prison et autre amende.

Quant à la question épineuse de l’homosexualité, près des deux tiers des sondés rejettent son affichage dans l’espace public. Ceci alors que 30 % déclarent connaître personnellement des personnes homosexuelles. « Malgré la représentation et l’attitude négative envers la question de l’homosexualité, il existe une relative tolérance comportementale dans les relations avec cette catégorie », soulignent les auteurs de l’étude. Rappelons que cette enquête a été menée sur un échantillon de 1312 personnes, réparties à parts égales entre hommes et femmes, dans les différentes régions du Royaume.