Enseignement : Le grand déclin de l’école publique
L'écart entre l'enseignement public et privé se creuse davantage et la pandémie a aggravé la situation

Seulement 9 % des élèves lauréats de l’école publique peuvent se targuer d’avoir un niveau satisfaisant en mathématiques, langues et sciences…. C’est l’un des chiffres choquants annoncés, mardi 30 novembre, par le Conseil Supérieur de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique.



Sommes-nous en train de vivre la fin de l’enseignement public dans notre pays ? À en croire les résultats de l’enquête relative au Programme National d'Évaluation des Acquis des Élèves, annoncés par le Conseil Supérieur de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique, la situation est plus qu’inquiétante. Des chiffres et des constats alarmants qui confirment la dégradation qualitative de l’enseignement public et creusent davantage l’énorme écart de niveau entre le public et le privé.

Deux tiers

Menée dans le milieu rural et urbain, cette étude a porté sur l’apprentissage de 36.808 élèves dans l’enseignement public, privé et dans les écoles communales. Les élèves concernés sont ainsi répartis : 18.025 élèves en 6ème année primaire étudiant dans 600 établissements et 18.883 élèves en 3ème année secondaire collégiale, distribués sur 550 établissements. Pour la première catégorie, l’évaluation s’est penchée sur leur niveau dans quatre matières à savoir l’arabe, le français, les mathématiques et les sciences de la vie et de la terre. Pour ceux de la 3ème année collège, elle a porté sur cinq matières l’arabe, le français, les mathématiques, les sciences de la vie et de la terre et la physique-chimie.

« Il faudrait noter qu’à partir des résultats du PNEA-2019, à peu près un tiers des élèves des niveaux étudiés n’ont pas acquis les ressources suffisantes pour poursuivre leur scolarité » notent les auteurs du rapport. Ces derniers mettent d’ailleurs l’accent sur l’impact de la crise sanitaire sur la qualité de l’apprentissage. « La pandémie a compliqué la situation en ralentissant le fonctionnement des écoles et des collèges » explique le rapport. Rappelons que cette enquête a été réalisée en 2019, bien avant la pandémie Covid-19. N’arrangeant nullement les choses, la crise aurait ainsi profondément altéré la qualité de l’apprentissage dans les écoles marocaines, toutes catégories confondues, selon le Conseil.

Grand écart

Ces conclusions sont d’ailleurs confirmées par les chiffres annoncés ce mardi 30 novembre. Ainsi d’après les résultats du PNEA, seuls 42% des élèves du public ont un niveau satisfaisant en langue arabe contre 65% dans l’école privée. Le niveau en français et en mathématiques est encore plus faible avec respectivement 27% et 24% dans le public contre 64% et 52% dans le privé. En fin de collège, la tendance se confirme et l’écart se creuse davantage entre le public et le privé.

Seuls 8 à 9% des élèves de l’école publique ont un niveau satisfaisant dans les matières scientifiques. Des chiffres qui sont d’autant plus choquants que dans le privé on enregistre une moyenne de 50% (entre 38% et 62%). Pour mieux cerner l’ampleur de la situation, il faut savoir que l’écart entre l’école publique et privée représente l’équivalent de 4 ans de scolarisation. Un sacré fossé qui pénalise les élèves du public et fait qu’un écolier de 5ème en privé a le même niveau ou mieux qu’un collégien de 3ème année dans le public. Ceci ne révèle pas une supériorité du privé qui devrait présenter de meilleures performances, mais surtout la chute vertigineuse du public.

« La conclusion qu’on peut tirer de cette analyse des scores est que, dans l’ensemble, il y a une faiblesse globale des acquis et qu’une bonne partie des apprenants n’a pas réussi à assimiler une part du programme prescrit. Ceci reflète un déficit au niveau des apprentissages. Seule une infime minorité est performante et maîtrise la totalité du programme prescrit » diagnostique le rapport qui se penche également sur les différenciations en termes de genre et d’emplacement géographique. « Si les résultats ne reflètent que quelques différenciations dans les acquis, entre les filles et garçons en faveur des filles, ils montrent cependant qu’il y a une différence notoire entre les acquis des élèves du milieu rural et ceux du milieu urbain », notent les auteurs du rapport.

Les facteurs de la crise

L’enquête soulève également la question des écarts régionaux qui s’aggravent selon les matières et touchent principalement la langue française et les mathématiques. « Ce qui ressort de manière saillante des résultats du PNEA-2019, c' est la différence entre le public et le privé en faveur du privé. Cet état de fait s’explique par l’importance du niveau socio-économique des familles et son impact sur les acquis » soutient-t-on dans le rapport.

Tentant d’expliquer cette réalité, le rapport note l’importance du préscolaire et de l’accompagnement précoce des élèves, notamment par le soutien scolaire. Un autre facteur est également mentionné par le rapport : La compétence des enseignants, leur expérience et leur formation continue qui sont des éléments déterminants dans le niveau d’apprentissage. «Cela pourrait s’expliquer par sa faiblesse, son inadéquation, et par le fait que très peu de formations sont organisées au profit des enseignants. Dans les rapports internationaux, l’importance de la formation continue a toujours été démontrée » ajoute le rapport en rappelant l’impact des infrastructures, des conditions de travail, du milieu social, de l’environnement scolaire, des ressources humaines qui sont autant de facteurs déterminants de la qualité finale de l’apprentissage. « Cette crise peut représenter une menace sérieuse pour le développement de l’éducation, mais peut également constituer un moteur pour créer un sursaut salutaire vers un changement de paradigme d’enseignement » conclut le rapport.