La descente aux enfers
Le président Tebboune ne bouge pas sans son big boss Chengriha

L’Algérie vient de boucler son processus «très démocratique» avec les élections des conseils communaux et des wilayas. Comme pour les présidentielles, les législatives et le référendum, le taux de participation, bien qu’intensément dopé est resté très faible. Cela aurait pu passer et le pouvoir militaire algérien aurait bien pu expliquer sa déroute. Sauf que dans le pays kabyle, il n’y a pas eu de participation du tout. Ainsi, cette région n’a ni président, ni représentants au Parlement. 

Les Algériens ont vite découvert l’énorme fraude électorale et ils n’avaient pas à mener de profondes enquêtes pour y arriver. Il suffisait de lire les rapports des bureaux de vote. Ainsi, dans plusieurs localités et wilayas, les citoyens se sont retrouvés avec quelque résultats résumés comme ceci : total des voix exprimées 34; premier parti 300 voix; deuxième parti 200 voix. Les opposants algériens ont révélé plusieurs cas de cette grossière manipulation.

Bien entendu, les opposants qui ont pu en parler sont tous réfugiés politiques en Europe. Critiquer les élections de l’intérieur du pays conduirait directement aux salles d’interrogatoire des terribles services de sécurité, qui ne trouvent aucun intérêt à passer par la justice, même si cette dernière ne leur refuse rien.

En Algérie, depuis la prétendue indépendance, le vrai pouvoir est entre les mains des sécuritaires. Ils interviennent partout, à commencer par l’école où il faut apprendre aux petits enfants, encore innocents, que l’Algérie est menacée par son « ennemi classique » le Maroc, par l’impérialisme, le sionisme... Il faut aussi leur apprendre à respecter la mémoire des 1,5 million, 5 millions, 11 millions (personne ne le sait au juste) de martyrs.

L’Algérie est le seul pays au monde où les morts vivent mieux que les vivants. Impossible de critiquer cette philosophie martyriste. Le martyr c’est tout. Ainsi, lorsque les citoyens font la queue pour acheter un sachet de lait ou une bonbonne de gaz (dans le pays du gaz), ils doivent rester fiers de leurs martyrs qui ont chassé la France.

Les Algériens qui ont échappé à cet endoctrinement savent néanmoins que la France avait le dessus sur le plan militaire. Qu’importe, on insiste et c’est d’autant plus facile d’incruster cette idée dans les petites têtes que le pays est fermé. Il n’y a qu’une source d’information, le quartier général de l’armée qui dispose de tous les services de police et de justice. La mainmise de l’armée n’a pas besoin d’être démontrée. On la voit chaque jour. Le président, une fois installé, ne peut pas bouger sans le chef d’état-major. D’ailleurs il ne bouge pas beaucoup, ni à l’intérieur ni à l’extérieur du pays. Le seul déplacement qu’il a pu faire était en Allemagne pour des raisons de santé. Il y a une raison à cela. Aucun chef d’État au monde ne voudrait s’afficher avec un président illégitime qui n’a d’ailleurs aucun pouvoir. Par contre, pour des événements purement militaires, c’est le chef d’état-major qui se déplace, même pour des rencontres de chefs d’États.

La gouvernance militaire, basée sur l’immuable idée de l’ennemi extérieur, permet aux militaires de se maintenir en place, certes, mais plonge le pays dans un marasme économique et social sans équivalent en Afrique. 90% des recettes en devises et 60% des recettes du trésor proviennent du pétrole et du gaz. Le pays ne produit rien d’autre et quand il produit quelque chose, c’est souvent pour couvrir une petite partie du marché local.

Pourtant, l’Algérie ne manque pas de ressources et de compétences. Mais les militaires qui veulent être les seuls maîtres à bord ont fait fuir toutes ces compétences qui excellent ailleurs dans leurs domaines respectifs.

Malgré cette défaillance, le régime militaire algérien a une seule obsession : le Maroc. Les réussites économiques du voisin d’Afrique du Nord intensifient les critiques contre le pouvoir. Quand un Algérien vient au Maroc, il est subjugué par ce qu’il voit et le fait savoir à des concitoyens qui se rendent compte à quel point on les a maintenus dans le dénuement alors qu’à côté, sans pétrole et sans gaz, le Maroc est devenu le premier exportateur de voitures en Afrique, développe des industries diverses allant de l’aéronautique aux semi-conducteurs. Comment est-ce possible? On n’arrive pas à comprendre.

Les Algériens n’ont plus assez de temps pour réfléchir à tout cela. Ils doivent batailler chaque jour avec le quotidien. Et c’est ce que veut ce régime sédimentaire. Or, ce n’est pas très compliqué. Il s’agit d’allouer intelligemment les ressources du pays dans le cadre d’une vision stratégique à long terme. Malgré la propagande soutenue qui veut convaincre les Algériens que la monarchie est l’asservissement du peuple, les Algériens constatent le contraire. Les Marocains ne sont ni asservis, ni oppressés ni manipulés, alors que le régime républicain sous lequel ils souffrent surveille le moindre de leurs gestes, la moindre de leurs réflexions,

Pourtant, qu’est-ce que nous aurions réussi ensemble !