« La galaxie Gutenberg »
Par AbdejlilnLahjomri, Secru00e9taire perpu00e9tuel de lu2019Acadu00e9mie du Royaume

J’ai assisté l'autre semaine au choix du premier prix littéraire francophone Gutenberg décerné au récit poignant et nostalgique de Mme Aicha Benamour Benis intitulé « Les Lettres de Fès (Son Monde à Elle) ». Une reconnaissance bien tardive, qui rend justice à une œuvre dont la lecture vous réconcilie avec la lecture. J'ignorais jusque là l'existence d'une fondation internationale appelée « Les compagnons de Gutenberg » et que cette association avait une branche bien active au Maroc qui regroupait tous ceux qui de près ou de loin avaient affaire aux métiers du livre. Son président, l'infatigable Mohammed Berrada, ancien Sapress, présenta à une assistance compacte et séduite les objectifs de ses compagnons dont le plus pertinent est la sauvegarde du livre et de la lecture. Un appel pathétique dans un pays où on lit peu, on édite peu, on écrit peu, on archive peu.

Mon ami, prêche-t-il dans un désert de non lecteurs ? Il y a peut être plus d'utilisateurs d’Internet, plus de tweeteurs, de facebookeurs que d'amoureux du livre.

Une enquête devrait nous aider à mesurer l'impact du numérique sur nos vies, mais même si cet impact est puissant, comme le signale un observateur de ces transformations rapides de nos mœurs « le e-book ne tuera pas le livre ». Je voudrais rassurer les compagnons de l'inventeur de l'imprimerie : s'il y a eu un avant Gutenberg, il n’y aura pas un après Gutenberg. S’ils avaient pris connaissance de l'entretien de Umberto Eco avec Jean Claude Carrière intitulé « N'espérez pas vous débarrasser des livres » leurs craintes se dissiperaient tant l'entretien nous convainc que « si nous avions cru entrés dans la civilisation des images, voilà que l'ordinateur nous réintroduit dans la galaxie de Gutenberg et tout le monde se trouve désormais obligé de lire ».

Le changement n'est pas dans le fait de lire ou de ne pas lire, il est dans le support du message ou du récit à lire.

Ils seraient rassurés aussi parce que le premier chapitre de cet entretien est intitulé « Le livre ne mourra pas » et ils disent pourquoi. Parce que « le livre est comme la roue, une sorte de perfection indépassable dans l'ordre de l'imaginaire ........que les révolutions technologiques annoncées ou redoutées n'arrêteront pas ».

Ils seraient rassurés surtout parce que le livre est un outil

« flexible », que vous pouvez utiliser dans votre baignoire, ce que vous ne pouvez évidemment pas faire avec votre tablette ni votre ordinateur. Il est certes périssable, mais la tablette aussi.

Qu'ils soient rassurés, enfin, parce que disent ces penseurs

« Passez deux heures sur votre ordinateur à lire un roman et vos yeux deviendront comme des balles de tennis ».

Ils interrogent ainsi les internautes : « Peut-on lire Guerre et Paix » dans un e-book? Nous n'avons pas quitté la galaxie Gutenberg pour entrer dans la galaxie Internet. Et l'ère numérique ne menace en rien l'héritage de cet inventeur. Nos deux penseurs nous rappellent que les nouveaux supports de l'ère numérique sont aussi fragiles « Les cassettes magnétiques ... affirment-ils perdent leurs couleurs, leur définition et s'effacent vite. Les CD ROM sont terminés. Les DVD ne feront pas long feu. Et d’ailleurs, ....il n'est même pas certain que nous disposions dans l'avenir de l'énergie suffisante pour faire fonctionner toutes nos machines. Sans électricité tout est irrémédiablement perdu. .......En revanche nous pourrons encore lire des livres .... ».

Alors pourquoi ne lit on pas ? Ce n'était pourtant pas le sujet de ce petit livre percutant. Je tenterai malgré tout une réponse : Est ce parce que le rythme de la vie est tellement vertigineux qu'il nous prive du temps long que nécessite la lecture ? Mais le genre, la forme du récit ont subi ce vertige et les œuvres massives comme les Frères Karamazov ou la Divine Comédie sont devenues rares. Retrouvera-t-on le chemin de la lecture parce que les récits ont choisi d'être courts ? Ou parce qu'ils traitent dans leur brièveté de thèmes accrocheurs ? Certainement pas. On retrouvera ce chemin délicieux si l'apprentissage devient joie d'apprendre et si l'acte de lire fait partie de l'art et de l’acte d’apprendre.

Mais l'art d'apprendre n’est plus que d'apprendre et la lente érosion du goût d'apprendre menace la saveur inestimable de l'acte de lire « Compagnons de Gutenberg », c'est cette saveur qu'il faut sauver en sauvegardant le goût d'apprendre.

C'est aussi le message que votre bus bibliothèque qui parcourra le royaume portera aux démunis de l'apprentissage et de la lecture.

Et avant eux surtout aux gestionnaires de l'apprentissage et du savoir qui ne lisent plus et ont oublié que faire apprendre, cela aussi s’apprend что такое google adwords