Matthieu Boré rend hommage à la Nouvelle Orléans ! (Interview)

Avec son New Orleans Funk Brass Band, le crooner français à la voix sensuelle a fait swinger le public du Tanjazz qui a eu lieu du 20 au 24 septembre 2018. Un répertoire mêlant « Mardi Gras songs », gospels et plusieurs compositions originales dans la veine de Fats Domino, d’Allen Toussaint et des Meters, et qui nous plonge au cœur du « Vieux carré » !

 

Après 6 ans, vous revenez à Tanjazz pour sa 19e édition. Quel est votre sentiment ?

 

Je suis ravi de pouvoir jouer à nouveau ici au Palais Mly Hafid. C’est lieu magique, chargé d’histoires. Ce qui m’avait plu la dernière fois, c’est que j’avais trouvé une ambiance très internationale, moi, qui ai vécu longtemps non loin de Genève et donc, j’avais retrouvé cette même approche du monde.

 

Il y a 15 ans, vous aviez rendu hommage à Fats Domino. C’est un peu la suite ?

 

Oui, exactement. Au cours de ces 15 ans, je me suis rendu compte que la Nouvelle Orléans, c’est vraiment une sorte de paradis musical, il n’y a pas beaucoup d’endroits comme ça sur la planète, autant de mélanges se font, autant de musiques se mélangent, et où chacun peut trouver sa place. Et donc, j’ai continué à travaillé et à approfondir la culture de cette ville, j’ai commencé avec Fats Domino mais j’ai voulu aller plus loin, et le spectacle à Tanjazz c’est un peu « le Fats Domino après », la suite ; il y a eu les artistes que j’ai travaillé comme Allen Toussaint, les Brass Band, Dr John, The Meters, …c’est une musique qui a quelques années mais qui est tellement moderne, pour moi, ça reste une musique actuelle, d’ailleurs, les gens qui ont un peu de mal à trouver des affinités avec le jazz adorent écouter du New Orléans Funk !

 

C’est votre manière à vous de démocratiser le jazz en le rendant populaire et plus accessible aux jeunes ?

 

Ce qui m’intéresse, c’est qu’il n’y ait pas qu’une catégorie de gens qui écoute cette musique, et parfois, on aimerait qu’il y ait plus de jeunes.

 

En tant qu’artiste, qu’est ce qui vous attire dans cette musique, vous qui avez commencé avec le Rock ?

 

Oui, mais j’avais fait des études classiques avant, j’ai commencé à jouer au piano à 7 ans, donc, j’ai fini mes études avec Gershwin et Claude Debussy, du coup, j’avais déjà eu une approche du jazz.

 

Pourquoi le jazz ?

 

Déjà, il y a une esthétique visuelle, c’est vrai que les années 30 et 40, à travers le cinéma américain, évoquent des années merveilleuses esthétiquement, les gens s’habillaient bien, les voitures étaient belles, c’est la classe ! J’ai aussi découvert un modèle d’écriture et une richesse de mélodies que je n’avais retrouvées nulle part ailleurs ! Après, vous avez la Pop anglaise, …mais si vous prenez les compositeurs des années 30, tous les standards de Jazz, pour moi, en termes de chansons, c’est juste ce qui s’est fait de mieux.

 

Pensez-vous que c’est plus dur pour un artiste français de chanter ce genre de musique ? Parce qu’il y a la culture derrière ?

 

Oui, bien sûr. Je joue beaucoup avec des musiciens anglophones pour ne jamais perdre le fil et j’ai l’orgueil de croire que si ce que je faisais était pourri, ces musiciens  américains me le diraient, c’est une sorte de garant d’être dans la culture et la tradition. Les Américains sont suffisamment ouverts, ils me laissent faire cette musique comme un Français qui aime passionnément cette musique. Et puis, il y a un peu de moi dans la Nouvelle Orléans, elle était française jusqu’à ce qu’elle soit vendue par Napoléon en 1803. Pourtant, je n’ai jamais été à la Nouvelle Orléans ! Cette musique m’a apporté beaucoup de choses, ce mélange de cultures indienne, africaine, européenne, …je l’entends, ça me nourrit et ça me ravit.

 

Vous êtes issus d’une famille musicienne. C’était pour vous une évidence d’emprunter cette voie et de devenir chanteur ?

 

J’ai fait du piano classique à 7 ans, parce que quand on vient d’une famille de musiciens, tous les enfants font du piano. Et donc, j’ai rué vers les brancards et les bars parce que j’en avais assez de la musique classique, j’ai voulu forger mon propre style et j’ai beaucoup travaillé pour y parvenir.

 

Vos influences ?

 

Elles sont tellement diverses, Ella Fitzgerald, je suis archi fan de Gospel, et de toute la musique noire américaine, je suis aussi fan de Pop anglaise. La voix me touche énormément : une femme qui chante du Fado à Lisbonne me mettrait dans le même état qu’un bluesman à Chicago ! Ceci étant, les styles m’intéressent peu, ce qui m’importe c’est l’émotion que vous transmettez en tant qu’artiste et celle que vous recevez du public. Un de mes grands souvenirs était lorsque je me suis retrouvé dans une fête de jeunes serbes pendant la guerre en Yougoslavie, ils s’étaient tous retrouvés dans un appartement où il n’y avait pas de meubles, tout le monde étaient assis par terre, ils chantaient des chansons de variété serbes, je n’ai pas tenu 30 secondes, j’ai fondu en larmes, c’était d’une beauté, j’ai senti toute la détresse d’un peuple et en même temps, la tradition harmonique, mélodiquement, c’est d’une richesse infinie… J’adore aussi la musique mexicaine.

 

Vous êtes aussi compositeur. Est-ce que c’est facile de créer ?

 

Composer, c’est à la fois très simple et très complexe, il faut attendre le bon moment et en même temps, si vous attendez trop longtemps, vous risquez de ne rien faire. Il faut provoquer et si ça ne marche pas, il faut insister, ne pas se dégoûter. Après, on apprend à se connaître soi-moi, à se motiver soi-même, parce que la composition, c’est un travail d’introspection. En tant que créatif, c’est à nous de se donner des challenges et d’essayer de les atteindre.

 

Votre rêve ?

 

J’ai pleins de projets d’album. Mon nouvel opus sur la Nouvelle Orléans sort en janvier. J’en ai un autre où je travaille mes compositions avec un quatuor à cordes. Depuis 3 ans, je veux surtout travailler ma musique, inventer des chansons, cela dit, ce n’est pas compliqué de saupoudrer des chansons des autres pour agrémenter et enrichir des projets. Je ne désespère pas de faire un jour un album en français, parce que ça swing différemment, mais je pense avoir trouvé l’astuce. Les maisons de disques me demandent souvent si je peux jouer la même chose en français mais on ne peut pas traduire du Beatles en français, Ça n’a aucun sens ! Le résultat sera différent parce que mes références en français sont : Charles Trenet, Serge Gainsbourg, Georges Brassens, Jackie Higelin…

 

Des artistes avec qui vous voulez faire des duos ?

 

Les plus belles rencontres sont celles auxquelles vous ne vous y attendez pas ! Je crois aux gens qui s’attirent, il y a des gens à qui on dit bonjour et d’autres à qui on parle toute la nuit ! La musique c’est d’abord la relation humaine, il y a d’abord la connexion intellectuelle puis le coup de foudre, ce côté chimique qui ne s’explique pas ! Souvent, je joue avec des musiciens sans se parler parce qu’on ne parle pas la même langue mais ça match entre nous !

 

Vous connaissez un peu la musique marocaine ?

 

Je connais la musique Gnaouie, j’ai beaucoup aimé la fusion entre Jamie Page de Led Zepling et les Gnaouas à Marrakech.