Obésité et dépression. Un mélange dangereux
Obésité et dépression, une dangereuse corrélation

Le 4 mars marque la journée mondiale de l’obésité. Une maladie qui touche 20% des Marocains et 800 millions de personnes dans le monde. La surcharge pondérale pèse également lourd sur la santé mentale.

« J’ai toujours été obèse. Depuis ma plus tendre enfance, on m’a regardée avec ce mélange de pitié et de mépris empreint de dégout. Que ce soit par mes proches ou par de simples étrangers, j’étais traitée comme une personne de « deuxième catégorie » nous raconte, le verbe ému, Latifa. M, employée et mère de famille. « Lorsque je tombais malade, le médecin se comportait avec moi comme si j’étais responsable de ce qui m’arrivait. Il n’hésitait pas à me sermonner et à me faire culpabiliser par rapport à mon poids, mon manque de volonté et ma fainéantise. Le plus étrange dans tout cela, c’est que j’acceptais d’être traitée de cette manière infâme. J’étais profondément blessée mais je laissais les autres me maltraiter dans une sorte d’autopunition. Un châtiment mérité pour mon obésité » ajoute-t-elle.

Si la jeune femme est arrivée aujourd’hui à surmonter ses sentiments négatifs grâce à une thérapie, elle n’en demeure pas moins affectée. « je me surprends encore à me sous-estimer voire à me dénigrer devant les autres. Le legs négatif et l’influence sont si profonds, mais je me bats pour me reconstituer et prouver que je ne suis pas moins « importante ». Il faut que les autres sachent que mes kilos en trop n’affectent en rien mes qualités de femme accomplie » confie Latifa, qui occupe la fonction de cadre administrative dans une entreprise à Casablanca.

Cercle vicieux

« Entendre des commentaires déplacés durant des années finit par affecter la psyché des personnes obèses. De nombreuses études ont démontré que les troubles mentaux se déclaraient plus fréquemment chez les personnes en surpoids que chez les autres», nous explique Nadia Mouâtassim, psychologue clinicienne. Une corrélation dangereuse prouvée par plusieurs données scientifiques et qui augmente davantage les risques sanitaires liés à l’obésité.

« Dans la méta-analyse de Luppino and Coll, il a été démontré que l'obésité augmente de 55% le risque de développer une dépression sur une vie », explique la psychologue. Une association qui opère cependant dans les deux sens comme le note la clinicienne. « La dépression augmente également de 58 % le risque d'être obèse. Certains mécanismes biochimiques et psychologiques sont communs à ces deux pathologies », note Mouâtassim. Un double fardeau pour les personnes obèses qui devraient, en plus d’affronter les lourdes retombées de la surcharge pondérale sur leur santé physique, vivre avec des troubles mentaux minant leur bien-être moral.

Thérapie combinée

Si classer l’obésité comme une maladie mentale reste toujours en discussion au niveau des spécialistes, l’hyperphagie boulimique (Boulimie) est toutefois considérée comme un trouble du comportement alimentaire avéré. Rappelons que cette pathologie se caractérise par la survenue de crises avec ingestion d’une grande quantité de nourriture sur une courte période et de manière compulsive. Ces crises peuvent rapidement entraîner une prise de poids importante. Selon les études internationales, entre 5 et 30 % des personnes obèses souffrent d’hyperphagie boulimique et sa proportion augmente avec la sévérité de l’obésité.

« C’est un cercle vicieux. On prend du poids, on déprime. On déprime, on mange trop et on prend du poids. La dépression peut ainsi soit être la cause d’une obésité, soit la conséquence. Pour échapper à ce piège, un accompagnement psychologique est nécessaire. Il permettra de pallier le sentiment de culpabilité, de restaurer l’auto perception et l’image de soi tout en détectant les vraies causes de cette prise de poids », conseille la psychologue. Tristesse, perte d’intérêt et de plaisir, sentiments coupables, mauvaise image de soi, sommeil et appétit perturbés, fatigue et concentration diminuée... sont autant de symptômes d’une dépression qui peut parfois s’aggraver en devenant plus sévère et en donnant des idées suicidaires.

« En médecine générale, il est conseillé de pister une maladie psychique chez une personne souffrant d’obésité et de surveiller le poids chez une personne présentant des troubles mentaux. Une thérapie combinée permettra d’améliorer la qualité de vie du patient et de diminuer les risques sur sa santé physique », conclut la clinicienne.

Chiffres

Rappelons qu’une étude du Ministère de la Santé datant de 2019 a révélé que plus de 20% de la population marocaine est en surpoids ou souffre d’obésité. Pire, près de 4 millions de Marocains seraient en situation d’obésité morbide. Aussi l’obésité progresse plus rapidement en milieu urbain que dans le rural avec respectivement 22,8 et 14,9%. Elle a été détectée chez 29% des femmes, soit pratiquement trois fois plus que les hommes (11%). Parmi les causes évoquées par cette étude figurent la malnutrition, la sédentarité, le manque d’activité sportive. La transformation des habitudes alimentaires des Marocains serait également un facteur aggravant (Junk food, fast-foods...).

Au niveau mondial, 800 millions de personnes en souffrent. Selon l’OMS, les conséquences médicales de l'obésité coûteront plus de 1.000 milliards de dollars d'ici 2025. L'obésité infantile devrait augmenter de 60 % au cours de la prochaine décennie, pour atteindre 250 millions d'ici 2030, d’après la même source.