Les 6 troubles mentaux les plus répandus chez les Marocains
La dépression vient en tête des troubles mentaux chez les Marocains

Invité  par l’émission « Avec Ramdani » sur la deuxième chaîne, Pr Driss Moussaoui livre un diagnostic détaillé de l’état de santé mentale des Marocains.



Un Marocain sur deux soit 48% des Marocains souffrent de troubles mentaux, selon un rapport du ministère de la Santé datant de 2019. Inquiétant ? « On est tous exposé à un moment ou un autre de notre vie aux aléas de la vie et par conséquent à des problèmes psychiques. L’état mental d’une personne n’est pas un long fleuve tranquille. Personne n’est alors à l’abri », rassure Pr Driss Moussaoui, président de la Fédération internationale de la psychothérapie, lors de son passage dans l’émission « Avec Ramdani », sur la deuxième chaîne.

C’est grave docteur ?

Si la stigmatisation de la maladie mentale reste assez répandue dans la société marocaine, le psychiatre note toutefois une sacrée évolution dans la perception de la maladie mentale et le traitement médical. « Les Marocains ont commencé à cerner l’importance de consulter un psychiatre ou un psychologue. Le poids de la stigmatisation commence à s’alléger. On commence à consulter plus malgré la ténacité des croyances traditionnelles », ajoute le spécialiste. Aller chez un psychiatre lorsque son moral n’est pas au beau fixe ou lorsque sa santé mentale commence à se dégrader, ce n’est pas toujours un réflexe automatique chez les Marocains. « Il y a aussi les alternatives de « bricolage» tels la "roquia" ou le fait de se tourner vers la religiosité, les prières et autre », remarque Redouane Ramdani. « Ce type de « traitement improvisé » peut parfois aider un malade si le trouble mental n’est pas aussi grave. Mais lorsqu’on est face à une maladie psychique lourde nécessitant un suivi médical spécialisé, ce bricolage ne peut pas aider et il peut parfois aggraver la situation », soutient le spécialiste.

Un avis médical spécialisé qui n’est pas toujours possible pour tout le monde. Alors que l’OMS recommande 2,5 psychiatres pour 100.000 habitants, au Maroc, ils ne sont que 450 thérapeutes pour plus de 36 millions de Marocains. « On ne consulte pas chez un psychiatre par manque de moyens financiers mais aussi par manque de structures hospitalières et par manque de ressources humaines qualifiées (Médecins et infirmiers), que ça soit dans le privé ou le public », énumère l’invité de Ramdani, en diagnostiquant une problématique complexe et multidimensionnelle affectant profondément l’état de la santé mentale dans notre pays.



Ce dont on souffre le plus

Quant aux troubles mentaux les plus répandus chez les Marocains, Pr Moussaoui affirme qu’ils sont les mêmes sévissant partout dans le monde. « A leur tête, vient la dépression qui touche 26,5 % des Marocains. Un mal assez répandu, parfois détecté par la personne touchée mais rarement traité », note le spécialiste. Une situation qui n’est pas l’apanage des Marocains. Moussaoui fait une comparaison avec les Américains ou encore les Français dont 50% ont déjà souffert au cours de leur vie de dépression et de troubles mentaux sans pour autant avoir consulté ou traiter chez un spécialiste.

Réalisée en 2007, par le ministère de la Santé en collaboration avec l’OMS, une étude énumère les troubles mentaux touchant le plus les Marocains. En plus des troubles dépressifs (26,5%), l’étude nome les troubles anxieux (9%), les troubles psychotiques (5,6%), la schizophrénie 1, l’abus d’alcool (2%) et la dépendance alcoolique (1,4 %).

Allez consulter !

Le président de la Fédération internationale de psychothérapie conseille d’ailleurs de consulter absolument un spécialiste « lorsque le fardeau devient tellement lourd qu’on n’arrive plus à sortir de son lit », « lorsqu’on ne dort plus », « lorsqu’une femme commence à tabasser ses enfants », « lorsqu’une femme ou un homme ne pense qu’à divorcer en accusant l’autre de tout ce qui lui arrive de mal », « lorsque le lieu de travail devient synonyme d’enfer et que l’esprit est obsédé par une seule idée : Démissionner »... « Lorsque vous arrivez à ce stade, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide auprès de sa famille, prendre une semaine pour bien réfléchir et faire une introspection », conseille Pr Moussaoui. « Mais si vous n’y arrivez toutefois pas, il faut absolument consulter un psychiatre », tranche le spécialiste.



Pour ceux qui manquent de moyens pour payer une consultation à 400 ou 500 dhs la séance, Moussaoui vous oriente vers les médecins généralistes. « Tous les médecins généralistes sont formés et bien outillé pour détecter les troubles mentaux et dépressifs et les traiter », affirme le médecin. D’après ce dernier, de 40 à 50% des malades qui consultent chez un médecin généraliste (avec ou sans symptômes physiques) souffrent en effet de troubles mentaux.

Etat des lieux

Rappelons qu’au Maroc, si le nombre des malades mentaux ne cessent de croître depuis quelques années, les infrastructures médicales, la prise en charge, les ressources humaines ne suivent nullement. Aggravant la situation davantage, l’ignorance des maladies mentales et la stigmatisation des malades freinent l’aboutissement des programmes de santé mentale, tout en limitant l’accès aux soins comme l’affirme Dr Jallal Toufiq, directeur de l’hôpital psychiatrique universitaire Arrazi de Salé, dans un entretien accordé à la MAP. Ce dernier évoque d’ailleurs la flagrante pénurie des ressources humaines comme étant un facteur majeur de la problématique de la santé mentale dans notre pays.

N’arrangeant nullement la situation, la pandémie Covid-19 est venue aggraver la situation davantage. N’échappant guère à la tendance mondiale, la crise sanitaire a fini par plomber le moral des Marocains. Certains passent carrément à l’acte. En 2020, le nombre des suicides a enregistré une hausse de 300% par rapport aux années précédentes, selon les chiffres des services de la Protection civile de la région Casablanca-Settat. Les séquelles d’un confinement et d’un reconfinement mal vécus, l’isolement, l’activité économique paralysée, les relations humaines et la vie sociales mises en veilleuse ont été profondément affectées par cette épreuve inhabituelle.