« L'Mektoub »: Chikha Vs Cheikh
Une attaque frontale du cheikh contre le personnage central de "chikha" dans "L'Mektoub"

Les déclarations d’un cheikh salafiste à propos du feuilleton « L'Mektoub » continuent de susciter des réactions partagées entre indignation et approbation…



« C’est un feuilleton immoral qui présente une « chikha » ( chanteuse ) comme un modèle à suivre. L' héroïne ne cesse d’ailleurs de répéter qu’elle est fière d’être la fille d’une danseuse. On veut tout simplement banaliser cette anomalie. Les créateurs du feuilleton prétendent que c’est la réalité marocaine, je leur réponds que c’est leur réalité à eux et non la nôtre ! », c’est en ces termes que le cheikh salafiste aux milliers d’adeptes, s’est attaqué au feuilleton marocain «L'Mektoub » diffusé quotidiennement sur la deuxième chaine en ce mois de ramadan.

Dans une vidéo qui a enregistré 552.000 vues en deux jours, le cheikh a livré une critique « moralisatrice » virulente contre la production télévisée, ses créateurs, ses téléspectateurs mais également contre tous « ceux qui passent le mois de ramadan à s’amuser au lieu de prier et de se recueillir ». Une attitude moralisatrice et des préjugés qui ont provoqué une onde de choc sur les réseaux sociaux. Partagées entre indignation et approbation, les réactions se sont multipliées en créant un véritable buzz axé sur « le Cheikh et la Chikha ». Réagissant à son tour sur son mur facebook, le chercheur en sciences islamiques Abdelouahab Rafiqui alias Abou Hafs, a estimé que l’approche du cheikh salafiste était « trop prétentieuse ».

« Je regarde « L'Mektoub » parce que j’aime me divertir par la fiction, c’est aussi simple que cela. Je n’y cherche ni instruction, ni savoir. Je ne regarde nullement ce type de feuilletons en prétendant « découvrir la source du mal » comme peuvent l’affirmer certains », ajoute Abou Hafs. « Si vous êtes de ceux là, il faut effectuer une petite visite de temps à autre sur Pornhub pour découvrir comment opère le mal, le degré de débauche là-dedans et les positions anti-islamiques proposées ! » ironise Abou Hafs.

Affirmant apprécier le scénario et les prestations des acteurs marocains d’«L'Mektoub », l’ex précepteur salafiste riposte avec virulence aux attaques du cheikh contre le métier de chikha. « Cela a toujours constitué une composante de notre patrimoine musical et culturel. Ces artistes forment une catégorie importante de notre société et personne n’a le droit de les exclure. Si on les évoque à travers des personnages de fiction, c’est plutôt une bonne chose ! » argumente Abou Hafs.

Sexisme

Livrant une critique multidimensionnelle du feuilleton, ce dernier insiste sur le caractère réaliste du personnage de Hlima. « Cette chikha n’est ni ange, ni démon. Tout comme les autres composantes de la population, c’est un personnage qui se bat pour survivre. Une mère dévouée qui a trimé toute sa vie pour élever seule sa fille, une femme fidèle à la mémoire de son défunt mari et à ses amies d’infortune ; mais qui n’hésite pas à encourager sa fille à se marier avec un homme beaucoup plus âgé uniquement parce qu’il est fortuné » note Abdelouahab Rafiqui.

Accusant le cheikh moralisateur de sexisme confirmé, Abou Hafs s’adresse à lui en lui demandant : « Pourquoi ne pas s’attaquer au personnage du malfrat du quartier qui est toujours représenté dans ce type de séries ? Est-ce un bon modèle à présenter à nos enfants et nos jeunes ? Mais non, vous ne l’avez pas fait car c’est un homme et qu' une chikha est une cible beaucoup plus facile et « logique » pour le misogyne que vous êtes ! » matraque-t-il.

Rafiqui n’oublie pas non plus de pointer du doigt la schizophrénie des spectateurs qui applaudissent les propos du salafiste et regarde assidument le feuilleton. Ce dernier a d'ailleurs battu tous les records d’audience de l’histoire de la télévision nationale. Dans un clin d’œil final, Abou Hafs note que « ce sont ceux-là mêmes qui font que les sites pornographiques restent les plus consultés au Maroc pendant le mois de ramadan. C’est dire la profondeur de cette hypocrisie sociale » conclut-il.