Addiction. Une maladie éligible aux soins remboursables
L'addiction est une maladie selon l'OMS

En mettant à jour la liste des addictions les plus répandues parmi les Marocains, le Conseil Économique, Social et Environnemental recommande la reconnaissance de l’addiction comme une maladie couverte par l’assurance maladie.



Intitulée « Faire face aux conduites addictives : Etat des lieux et recommandations », cette nouvelle étude menée par le CESE se penche sur les différentes conduites addictives ainsi que les nouvelles tendances chez les Marocains. Présentée par Ahmed Reda Chami, Président du CESE, l’étude a également permis de noter l’avis du Conseil sur le phénomène de l’addiction, sa vision par rapport au traitement légal de la problématique, ainsi que sa prise en charge médicale.

D’après les résultats de cette auto-saisine, le Maroc n’échappe pas à la tendance mondiale et connaît à son tour une recrudescence des conduites addictives liées à l’usage de substances psycho-actives de diverses natures (tabac, sucre, alcool, drogues, etc.). Mais pas que. « On enregistre la pratique de certaines activités potentiellement addictogènes comme les paris, les jeux d’argent, les jeux vidéos, Internet.. » notent les auteurs de l’étude. « La revue des différentes manifestations des conduites addictives révèle que le phénomène y est répandu et multiforme » précise Ahmed Reda Chami.

Des chiffres inquiétants

Une situation plutôt préoccupante à en croire les données et les indicateurs soulevés par le CESE. Ainsi on compte au Maroc plus de 6 millions de fumeurs dont 500.000 ont moins de 18 ans, plus de 9% des jeunes en milieu éducatif ont déjà consommé au moins une fois du cannabis. A peu près 18.500 personnes s’injectent des drogues, 57% des personnes atteintes d’hépatite C sont des consommateurs de drogues. Côté jeu d’argent, ils sont 3,3 millions à jouer de manière assidue. Nouvel arrivé sur la liste des addictions en expansion : L’usage addictif des écrans, jeux vidéos et internet, qui touche particulièrement les adolescents et les jeunes.

« Toutes ces addictions atteignent gravement ceux qui en dépendent et altèrent leur intégrité psychique et leur santé » note le rapport. Avec leurs coûts élevés, ces addictions ont des effets potentiellement préjudiciables sur la vie des individus. « Une épreuve affectant profondément l’équilibre relationnel des individus et de leurs familles, mais préjudiciant également l’état sanitaire et moral de la collectivité nationale et, par extension, le potentiel de développement économique et social de notre pays », ajoute le président du CESE.

Recommandations

Un coût très élevé qui nécessite une révision du Code pénal comme le plaide le CESE. « Cela permettrait l’application systématique des dispositions légales obligeant les consommateurs de stupéfiants à suivre un traitement. Ceci en parallèle du durcissement des peines contre les réseaux de trafic de drogues et de substances illicites » recommande-t-on auprès du CESE. Les auteurs de l’étude n’ont d’ailleurs pas oublié la manière de financer cette prise en charge médicale des consommateurs de stupéfiants. Ils proposent de consacrer une part pérenne (10%) des recettes de l’Etat provenant d’activités légales pouvant entraîner une dépendance tels que le tabac, l’alcool, les paris hippiques, les loteries et autres paris sportifs afin de financer le traitement, la recherche et la prévention. Selon le CESE, ces activités génèrent un chiffre d’affaires de plus de 32 milliards de dirhams, soit près de 9% des recettes fiscales et 3% du PIB.

« Par ailleurs, les conduites addictives ne sont pas suffisamment reconnues et prises en charge par les organismes de protection sociale, ni traitées comme des maladies alors qu’elles sont définies comme telles par L’OMS » affirme le CESE. Une situation qui devrait changer comme le préconise le Président du Conseil via des mesures et des réformes fondamentales. Pour commencer, le CESE recommande de reconnaitre les addictions, avec ou sans substances, comme des maladies éligibles aux soins remboursables. En termes légaux, réviser et actualiser le cadre légal de la couverture médicale. Ceci afin d'en clarifier la nature et de préciser la typologie des troubles addictifs considérés comme des maladies nécessitant des traitements. Aussi réviser le code pénal en rendant systématique l’application des dispositions ouvrant droit à l’injonction thérapeutique pour les consommateurs de drogues et en renforçant les sanctions contre les trafiquants de substances illicites.

Le CESE recommande également de lancer un plan national de prévention et de lutte contre les addictions en milieu professionnel. Et de mettre en place une autorité nationale de surveillance et de régulation technique et déontologique des établissements et sociétés de paris et de jeux dans le but de prévenir et de lutter contre les addictions. Parmi les propositions avancées par le Conseil, figure aussi la reconnaissance de la discipline et du diplôme universitaire d’addictologie. Ceci tout en adoptant les statuts des autres métiers en lien avec cette discipline (psychologues, ergothérapeutes, etc.) en vue de développer les ressources humaines et la prise en charge médicale. Le Conseil préconise également le renforcement des ressources de l’Observatoire Marocain des Drogues et Addictions (OMDA) et la généralisation de l’accès aux traitements par substitution aux opiacés dans l’ensemble des établissements pénitenciers. « Cela tout en garantissant la possibilité d’accès aux soins à toute personne dépendante détenue qui en exprimerait le souhait » conclut le CESE.