Droits de l’homme. Questionnements autour du dernier rapport de HRW sur le Maroc
Les watcheurs ont eux-aussi des règles à respecter

Un rapport sur la situation des droits de l’homme dans un pays est une œuvre aussi importante qu’utile et HRW, en tant qu’ONG mondiale indépendante, du moins c’est ce quelle affirme, est une chance pour les peuples qui vivent encore sous des régimes qui échappent à leur volonté. De ce point de vue, on peut avancer que le rapport concernant le Maroc est un document utile aussi bien pour les gouvernants que pour les citoyens.

Le point de départ

On part donc avec les meilleures dispositions pour lire le dernier rapport de HRW sur le Maroc, avec aucune idée préconçue. Pour lire un document censé être objectif, on doit d’abord essayer d’être objectif soi-même.

Or, au fur et à mesure de cette lecture, on se pose beaucoup de questions. Est-ce bien le Maroc que nous connaissons et dans lequel nous vivons?

D’abord on peut demander à l’ONG de nous dire pourquoi elle a concentré son travail sur les cas qu’elle a « étudiés » et comment peut-elle démontrer que les jugements les concernant n’ont pas été faits dans le strict respect de l’indépendance de la justice?

Les faits disent que ces personnes ont été condamnées au terme d’un processus juridique où on les a entendues s’exprimer, déployer les moyens de leur défense et opposer leur version à celle de ceux qui les ont poursuivies.

Le commentaire

Vient ensuite le commentaire et l’analyse. Et là évidemment on ne peut pas dire tout ce qu’on veut puisque l’analyse obéit à des règles et exige des démonstrations méthodiques et scientifiques pour étayer chaque assertion.

Dans le rapport en question, on trouve peu de faits mais des pages de commentaires et d’interprétations libres (libre de toute règle d’analyse) qui vont toutes dans le sens de l’incrimination des autorités marocaines. Toutes les autorités marocaines. On a l’impression qu’on est en présence d’une structure de pouvoir où tout le monde est au gardes-à-vous devant un pouvoir suprême dans une organisation complotiste, avec un « manuel » bien élaboré pour faire taire les voix discordantes.

La réalité est pourtant très éloignée de cette image. Le Maroc a beaucoup avancé dans plusieurs domaines et notamment en ce qui concerne les droits humains. Il reste, c’est vrai, encore du chemin à faire et souvent c’est dû plus à des résistances qui viennent de certaines composantes de la société qu’à un blocage des gouvernants.

Les débats sur le jeûne du ramadan, les libertés individuelles, l’héritage des femmes, le volume de la sono des hauts parleurs des mosquées, sont toujours en cours et personne n’a été emprisonné même si certains de ces sujets touchent à la constitution qui établit que le Maroc est un pays musulman. On peut aussi évoquer le débat, plus récent, sur les relations entre le Maroc et Israël et tout le monde sait à quel point cette question est sensible. Dans ce cadre, les opposants s’expriment, manifestent et là aussi il n’y a pas de barrières.

Polémique déjà vue

S’il serait déplacé de reprocher à HRW son travail sur le Maroc, en revanche, on ne peut pas ne pas être choqué par l’utilisation dans ce rapport d’une terminologie polémique qui cadre mal avec le travail d’une organisation objective et le contenu d’un document scientifique. Ainsi lorsqu’on lit « le Makhzen » on est choqué parce que c’est justement le terme utilisé par les ennemis du Maroc. C’est une réaction automatique, un réflexe. Le Makhzen c’est quoi au juste? En principe une organisation internationale emploierait des termes plus exacts et plus précis. Ou alors, en bons scientifiques, on doit d’abord définir le terme, la notion ou le concept employés afin que les lecteurs sachent de quoi on parle exactement. Autrement, ce serait un discours polémique à l’image de ce qui se fait en politique où l’obligation de la preuve scientifique ne s’impose pas et où on joue plus sur la passion que sur l’esprit cartésien du public cible.

Il y a un autre motif de préoccupation pour un lecteur objectif. Des médias ont été nommément cités et condamnés pour leur proximité du pouvoir. Trois médias exactement. Que leur reproche l’ONG? D’avoir des vues qui coïncident avec celles du pouvoir. Comme si les médias étaient tous faits pour faire opposition. Ce qui n’est pas vrai et les exemples de médias internationaux qui épousent parfaitement la vision des gouvernants sont nombreux y compris dans les pays les plus démocratiques. On ne peut pas militer pour la liberté d’expression pour les uns et l’arracher aux autres. Par principe.

Message pas très codé

Au final, après lecture de ce rapport de 140 pages, on a l’impression que les cas « analysés » et les médias accusés d’accointances avec le pouvoir ont été choisis dans un but précis. Démonter qu’une personne qui milite pour la démocratie au Maroc se trouve bannie de la société et de la politique. C’est pourquoi le lecteur sent, tout au long du rapport, la présence d’un ressentiment particulier qui ne correspond pas à une analyse froide et désintéressée de la situation. C’est dur le constater, mais il est vrai que dans des rapports concernant d’autres pays, des rapports utiles cela va de soi, le ton est moins acrimonieux et moins polémiste.

Les organisations des droits humains sont un acquis pour l’humanité, personne ne conteste leur présence à condition qu’elles se mettent à égale distance entre le pouvoir et l’opposition, entre le gouvernant et le citoyen. De cette manière elles pourront éviter de se faire inonder par les complots des uns et des autres.

Bons procédés

A la fin, comme l’ONG pose des questions aux gouvernements sur les questions des droits humains, elle doit aussi répondre aux questions des médias et des observateurs chez qui subsistent des doutes. Dans ce cadre et tout en veillant à maintenir une ambiance cordiale, on demande à l’organisation de fournir des précisions sur les liens qui existent entre le « Makhzen » et la Justice, d’une part et sur ceux qui existent entre ce même Makhzen et certains médias. Et puis aussi d’affirmer, sans le moindre doute et de manière catégorique, que les faits reprochés aux personnes citées n’existent pas. Que ces personnes sont innocentes.

Dernier point à soulever: L’un des premiers à publier le rapport de HRW sur le Maroc se trouve être Le Monde qui, on en est certain, ne suit pas particulièrement la vision d’une certaine politique étrangère particulière en Afrique qui ne s’est jamais tellement préoccupée des droits humains.