Prévention de la torture. La DGSN et le CNDH passent vite de l’engagement à la réflexion-action
Vue du séminaire initié par la DGSN et le CNDH

Aussitôt après l'officialisation de leurs engagements conjoints, la DGSN et le CNDH ont initié, mardi 20 septembre à Kénitra, un vaste brainstorming sur les normes et pratiques de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pendant l'interpellation, l’audition et la garde à vue.

Cinq jours seulement après la signature par Abdellatif Hammouchi et Amina Bouayach d’une convention-cadre de partenariat et de coopération institutionnelle dans le domaine de la formation, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) co-organisent un séminaire sur la prévention de la torture. «Les normes et pratiques de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pendant l'interpellation, l’audition et la garde à vue» en a été l’axe ventral.

S’inscrivant dans le cadre de la mise en œuvre immédiate des engagements conjoints actés par le directeur général de la DGSN-DGST et de la présidente du CNDH, ce séminaire, dont la séance d’ouverture a été présidée par l’ambassadeur itinérant chargé des questions des droit de l’Homme, ancien président du Conseil consultatif des droits de l’Homme, Ahmed Herzenni, avait pour objectif principal de débattre des bonnes pratiques de mise en œuvre des garanties légales et procédurales efficaces de prévention de la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants, qui pourraient se produire durant l’interpellation, l’audition et à la garde à vue.

L’évènement a été marqué par la présence d’experts nationaux et internationaux, de représentants de la DGSN, de la Gendarmerie Royale, du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, de la présidence du ministère public, du ministère de la Justice, de diverses ONGs, d’universitaires, des institutions nationales des droits de l’Homme et d’autres parties prenantes concernées.
Le séminaire a été décliné en deux sessions. Consacrée aux «Garanties légales et judiciaires pour la prévention de la torture», la première a été présidée par l’ancien ministre de la Justice et ancien ambassadeur représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies, Mohamed Aujjar. La deuxième a été focalisée sur les «Mécanismes et mesures de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». Elle a été présidée par la Secrétaire générale de l’Association pour la prévention de la torture (APT), Barbara Bernath.

Dans son ensemble, la journée d’étude a permis en particulier aux participants de discuter des garanties légales et judiciaires pour la prévention de la torture, au niveau national et international, échanger sur la mise en œuvre de mesures pratiques pour prévenir la torture, les traitements cruels, inhumains et dégradants, sensibiliser au rôle des mécanismes de monitoring et de plaintes et partager leurs bonnes pratiques de gestion et de suivi. Ces réformes, a poursuivi Dkhissi, «ont permis à notre pays de promouvoir un système institutionnel à même de renforcer et de consacrer les principes et valeurs des droits humains».
«La DGSN, conformément aux dispositions de la Constitution de 2011 (...), a élaboré une vision complémentaire et intégrée en matière des droits humains et du respect des libertés à travers la mise en place d’un plan d’action visant à prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains, ou dégradants pendant l’interpellation, l’audition et la garde à vue». Et de poursuivre : ce plan d’action «repose sur la consolidation et l’appui aux outils de transparence et de déontologie, ainsi que la modernisation des structures et méthodes de travail de la sûreté nationale et le soutien aux capacités de ses fonctionnaires».
Il s’agit également, a expliqué Mohamed Dkhissi, d’instaurer le principe de reddition des comptes, d’améliorer la formation de base, continue et spécialisée en l’adaptant aux normes internationales et aux dispositions légales nationales, tout en renforçant la coopération sécuritaire internationale et régionale.
A cet égard, a relevé le préfet de police, la DGSN a accordé une importance particulière à la consécration et au renforcement des droits et libertés dans la pratique policière, en particulier lors des investigations judiciaires, en émettant une nouvelle génération de notes de service qui mettent l’accent, de façon continue, sur l’exécution exemplaire des différentes garanties légales accordées que ce soit aux suspects, aux victimes ou aux témoins.
Il en est de même, a-t-il souligné, pour les procédures préventives relatives à l’interpellation et au placement en garde à vue ou sous observation en se focalisant sur la nécessité d’appliquer les principes d’impartialité, de neutralité et de fermeté dans l’application de la loi tout en rejetant toutes les formes de corruption ou de discrimination.
«La DGSN, dans toutes ses composantes, poursuit son action soutenue érigée en modèle de respect de la dignité et de préservation de l’humanité des individus soumis aux mesures de la garde à vue dans le cadre d’une gouvernance sécuritaire globale et complémentaire», a cocnlu Dkhissi.
De son côté, en prenant la parole à l’ouverture de ce séminaire, la présidente du CNDH a souligné que la formation et la consolidation du respect des droits humains dans la fonction policière est «une pierre angulaire et un baromètre très crédible pour évaluer la situation des droits de l'Homme dans tout pays».

«La prévention de la torture et d’autres traitements cruels n’est ni un luxe intellectuel ni un favoritisme de façade, mais est au cœur du quotidien de tous les membres et institutions de la société, 24 heures sur 24, et 7 jours sur 7», a ajouté Amina Bouayach.

«Chaque écart ou bévue nous interpellent sur le sens partagé de la responsabilité de prévenir la torture», a soutenu la présidente du CNDH, notant que «c’est là que réside l'importance stratégique de la coopération institutionnelle». La présidente du CNDH a également rappelé que la création du Mécanisme national de prévention de la torture il y a trois ans a constitué un «tournant» dans l’édification de l’Etat de droit au Maroc, et représente un «pilier fondamental» dans les efforts visant à renforcer les garanties de respect des droits humains et la mise en œuvre de la feuille de route en matière de droits de l’Homme tracée par la Constitution de 2011.
Dans ce cadre, l’objectif sera d’augmenter le nombre de visites effectuées par ce mécanisme national pour atteindre 100 visites en 2024, a-t-elle révélé, qualifiant de «très positif» et d'«encourageant» le bilan dudit mécanisme qui a enregistré un taux d’interaction avec ses recommandations allant de 80 à 90%, que ce soit avec les établissements pénitentiaires, la DGSN ou la Gendarmerie Royale.
Ce mécanisme est également en train de préparer des visites successives à plusieurs tribunaux, aéroports et hôpitaux psychiatriques pour évaluer le niveau d’application de ses recommandations, a précisé Bouayach.
Pour sa part, le professeur résident de droit international des droits de l’Homme à l’American University - Washington College of Law (WCL), Juan E. Mendez, a salué «les efforts du Maroc visant à renforcer les garanties qui protègent les individus des abus dans l’usage d’autorité, en particulier pendant une enquête criminelle».
Mendez a cité les amendements apportés ces dernières années au Royaume à la procédure pénale, notamment après sa visite au Maroc en 2013. Le président délégué du Conseil supérieur de la police judiciaire (CSPJ), Mohamed Abdennabaoui, a lui aussi mis en avant les efforts consentis par le Conseil en vue de renforcer les capacités des magistrats dans le domaine de la lutte contre la torture.
Dans une allocution lue en son nom par la directrice du pôle affaires judiciaires du CSPJ, Latifa Taoufik, Abdennabaoui a affirmé que l’application des mécanismes des droits de l’homme dans le domaine de la lutte contre la torture nécessite de se familiariser avec leurs techniques.
«Le CSPJ, dans le cadre de ses attributions constitutionnelles, a œuvré à rehausser l’efficacité de la prestation des juges et de perfectionner leurs compétences», a indiqué Abdennabaoui, notant que ce travail procède d’une ferme conviction quant à l’importance de la formation continue des magistrats, qui sont investis par la constitution de la responsabilité de protéger les droits, les libertés et la sécurité judiciaire des personnes, et de garantir leur droit à un procès équitable.
L’autorité judiciaire a accumulé de nombreuses bonnes pratiques judiciaires au niveau des différentes juridictions du Royaume, dans des affaires liées à la consolidation des principes constitutionnels fondamentaux de respect des conditions d'un procès équitable, a-t-il souligné, ajoutant que le Conseil réaffirme sa pleine implication dans tous les efforts déployés pour renforcer le système juridique et judiciaire du pays dans le domaine de la lutte contre la torture.
Abondant dans le même sens, le Procureur général du Roi près la Cour de Cassation, président du Ministère public, El Hassan Daki, a affirmé que le Maroc, dans le cadre de la protection et la promotion des droits humains, a présenté, en début de semaine, les outils de ratification par le Royaume du Protocole facultatif de la convention internationale de lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Et d’ajouter que les efforts déployés par le Royaume dans le domaine des droits de l'homme traduisent de manière «tangible et réaliste le grand dynamisme du Royaume du Maroc et son interaction positive avec la communauté internationale des droits humains, que ce soit au niveau de la consécration constitutionnelle ou juridique ou de la mise en œuvre».