Sugar dating. Pour la Justice norvégienne, ce n'est que de la prostitution
Selon la justice norvégienne, le sugar dating s'apparente à de la prostitution

Alors qu’il séduit de plus en plus de jeunes filles et d’hommes mûrs fortunés, le sugar dating ne serait pas tout à fait « légal »… Du moins selon la justice norvégienne. Qu’en est-il au Maroc ? Eléments de réponse avec la juriste.

Nouvelle mode en matière de relations, le sugar dating ou les rencontres entre des hommes mûrs et fortunés et des jeunes femmes ne passe plus inaperçu. Ascenseur social alternatif, le sugar dating attire de plus en plus de filles en mal de moyens pour accéder à la « belle vie »... mais suscite le débat sur la moralité et surtout la légalité de la pratique.

Sexe contre argent

Phénomène « banalisé » via les réseaux sociaux, cette pratique ne manque pas de séduire de nouvelles « recrues », de sugar baby potentielles. Des «stories » aux vidéos en passant par les photos alléchantes du mode de vie luxueux offert par les sugar Daddy généreux... Ce type de dating donne envie. Pour les néophytes, « Sugar daddy » est un anglicisme argot désignant un homme d'un certain âge, le plus souvent riche et solitaire qui entretient financièrement une femme beaucoup plus jeune que lui, en échange de relations sexuelles. Simple échange de services ou transaction commerciale ?

« C’est de la prostitution déguisée ! Une jolie appellation et un terme trompeur et piégeur qui en cache tout simplement une perversion », nous explique auparavant Maria Bichra, coach de couple. Un avis partagé par la justice norvégienne. Jeudi 3 novembre 2022, la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du pays scandinave, a confirmé la condamnation d'un quinquagénaire. Ce dernier serait entré en contact avec des adolescentes, dont une encore mineur (moins de 16 ans, l'âge de la majorité sexuelle en Norvège), via des sites internet spécialisés. L’homme inculpé aurait affirmé que ses rapports sexuels avec ces filles étaient avec consentement et rentraient dans le cadre du sugar dating.

Un argument rejeté par la Cour suprême qui estime que « l’appellation ou la manière dont les parties sont entrées en contact n'est pas déterminante ». Pour la justice norvégienne ce qui importe « c’est de savoir s’il y avait rétribution en contre partie de prestations sexuelles ». Qualifiant ainsi le sugar dating de « prostitution », interdite d’ailleurs au Norvège depuis 2009, la cour a condamné le quinquagénaire à un an et dix mois de prison ferme.

Que dit la loi ?

Mais qu’en est-il du Maroc où de plus en plus de jeunes femmes troquent leur beauté et leur jeunesse contre de l’argent, des cadeaux et une vie de luxe ? « Lorsqu’il s’agit d’une mineure de moins de 18 ans, nous sommes face à un cas de détournement de mineur », nous affirme maître Zahia Aamoumou, avocate au barreau de Casablanca et activiste féministe. « Selon l’article 475 du code pénal marocain, quiconque, sans violences, menaces ou fraudes, enlève ou détourne, ou tente d’enlever ou de détourner, un mineur de moins de dix-huit ans, est passible d’un emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 200 à 500 dirhams », explique l’avocate.

Aussi dans la section VI des attentats aux mœurs, selon l’article 484 « Est puni de l'emprisonnement de deux à cinq ans, tout attentat à la pudeur consommé ou tenté sans violence, sur la personne d'un mineur de moins de dix-huit ans, d'un incapable, d'un handicapé ou d'une personne connue pour ses capacités mentales faibles, de l'un ou de l'autre sexe ».

Un sugar dating peut ainsi tomber sous le coup de la loi même si la mineure en question est consentante ? « Comme le stipule l’article 475 et la loi en général, une mineure de moins de 18 ans est considérée comme pénalement irresponsable », répond Maître Aamoumou. « Quant aux jeunes femmes majeures pratiquant le sugar dating, elles risquent d’être poursuivies par l’article 490 incriminant les relations sexuelles hors mariage », ajoute la juriste. En effet cette loi, d’ailleurs très controversée, stipule qu’elles sont passibles « d'emprisonnement d'un mois à un an toutes personnes de sexe différent qui, n'étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles ».

Vous avez dit prostitution ?

Mais que dit la loi s’il y a effectivement un échange de prestations sexuelles contre de l’argent ? « La loi marocaine incrimine la prostitution en vertu des articles 497-503 du Code pénal. Si le proxénétisme et la médiation sont condamnables en vertu des articles précités, les personnes prostituées et les clients, eux, ne le sont pas. Pourtant ils risquent d’être poursuivis encore selon les termes de l’article 490 incriminant les relations sexuelles hors mariage », nous explique l’avocate.

Au-delà de la moralité et de la légalité de la pratique, Aamoumou insiste sur l’importance de la sensibilisation et l’éducation juridique des femmes et des jeunes filles. Objectif ? Les protéger des retombées légales mais aussi sanitaires et sociales du sugar dating. « Ces jeunes femmes doivent être informées et sensibilisées par rapport à la protection des maladies sexuellement transmissibles, des risques de poursuites légales mais aussi par rapport aux grossesses indésirables et tout ce qui s’en suit comme problèmes sociaux pour la jeune femme et pour son enfant né hors mariage », conclut l’avocat.