Sahara marocain. Le gaz à effet de guerre

Malgré la grande pression exercée par les hydrocarbures et le gaz sur les gouvernements, il n’en demeure pas moins que ces derniers ne se contentent pas d’assurer le quotidien en garantissant à leurs peuples et leurs entreprises un approvisionnement régulier. Cela reste toujours indispensable pour éviter toute crise. Mais depuis la guerre russe en Ukraine, l’Europe se trouve au centre d’un conflit universel. Une autre lecture est indispensable.

Les Européens pensent à l’avenir. A moyen terme, ils pensent aux nouvelles découvertes de gaz un peu partout sur le globe et les perspectives sont plutôt bonnes. A condition néanmoins de parvenir à l’exploitation. C’est un fait, là où il y a du gaz, il y a un problème politique majeure. Il y en a en mer Méditerranée au large d’Israël, du Liban, de Syrie, d’Egypte et la partie maritime des territoires palestiniens, accaparée par les islamistes.

Il y en a aussi en Afrique du moins en ce qui concerne le gaz du Nigéria que l’Europe voudrait bien voir arriver. Sauf que là, il y a deux solutions, l’une, problématique, passe par le Niger et l’Algérie, l’autre plus sécurisée passe par le Maroc après les pays de l’Afrique de l’Ouest y compris donc la Mauritanie.

Pour la première solution, il y a deux écueils impossibles à dépasser. D’abord la région est infestée de groupes terroristes qui ne permettent pas de construire la moindre infrastructure dont un gazoduc. Ensuite, le gaz devra passer par l’Algérie, pays instable dans ses relations politiques et économiques avec les pays destinataires finaux, en Europe et qui fait face au mouvement kabyle d’indépendance.

Manoeuvres

Le pays ferme le robinet chaque fois qu’il a un malentendu avec un client et rappelle ses ambassadeurs au moindre frémissement diplomatique. Il l’a déjà fait avec son gaz et rien ne garantit qu’il n’en fera pas de même avec le gaz qui transitera par son territoire. Solution peu sûre d’autant plus qu’elle a la particularité d’être fortement influencée par la Russie qui veut étouffer l’Europe en la privant de son gaz.

Quant au tracé du gazoduc Nigéria-Maroc, il présente plus d’intérêt parce qu’il bénéficiera à 14 pays et qu’il est plus sûr et plus stable. Les pays concernés respecteront leurs engagements quelque soit l’ambiance politique, puisque la CEDEAO s’engage aux côtés des pays concernés . Ainsi, l’Europe pourra s’approvisionner en toute quiétude. Mais alors, la Russie serait débordée et cela ne lui plairait pas. C’est là qu’on va comprendre à quoi servent les séparatistes du Polisario qui veulent installer une république dans les provinces du Sud du Maroc, limitrophes de la Mauritanie.

L’Algérie fait tout son possible pour brouiller le Maroc et la Mauritanie pour couper le chemin du gaz vers le Maroc et l’Europe. Le Polisario, apparaît ainsi comme on aurait pu le voir depuis que la Russie a pris les choses en main en Algérie. Auparavant, il servait comme agent perturbateur des relations maroco-algériennes, qui a, notamment, permis à la France de jouer à sa guise sur ce terrain, tirant profit de cette rupture.

Une affaire européenne

Aujourd’hui, le Polisario est monté en grade. Il est désormais l’agent russe qui va coincer la France en Afrique. Et, comme tout le monde l’a remarqué, là où il y a la France, il y a la Russie. Et ce pays a gagné des positions intéressantes au Mali, en République centre-africaine, notamment, sans parler de l’Algérie. La France subit aussi l’assaut économique de la Chine, de son voisin l’Allemagne et de la Turquie, tous déterminés à tailler le maximum dans le cake français. Avec beaucoup de succès d’ailleurs puisque la part de marché de la France s’est beaucoup réduite en Afrique et surtout en Afrique francophone.

C’est pourquoi il serait peut-être urgent d’analyser le conflit autour du Sahara marocain dans ce contexte. Un, ce ne sont pas des habitants des provinces du Sud du Maroc qui veulent se séparer de leur pays. Deux, ce n’est plus l’Algérie qui est l’ordonnatrice de ce conflit. Elle l’a vendu à la Russie pour se contenter du rôle de l’exécutant qu’elle joue à la perfection en multipliant le actions hostiles au Maroc: Fermeture des frontières et de l’espace aérien, rappel d’ambassadeur, déclarations incendiaires dans les médias officiels et dans la revue de l’armée qui appelle le Maroc, « l’ennemi classique », nomination d’un envoyé spécial au Sahara, limogé à la veille du sommet de la Ligue arabe, qui risque de ne pas avoir lieu à la date du premier novembre.... Sans parler des centaines de youtubeurs qui passent leur temps à attaquer le Maroc.

Que conclure de tout cela? Tout simplement que l’affaire du Sahara est aussi une affaire européenne. Et ce n’est pas seulement une question de sécurité énergétique. Toute perturbation en Afrique du Nord se répercutera sur l’Europe. On pense bien sûr à l’immigration africaine illégale, mais aussi aux tensions au sein même de l’Europe, surtout dans les pays à forte présence maghrébine, comme la France, la Belgique, la Hollande, l’Espagne...

Une pièce dans l'échiquier

Pour le moment, le malentendu bénéficie plutôt bien à ces pays du moment que les Maghrébins restent dispersés et donc sans force. Séparés, il sont mieux gérés. On leur crée de petits conflits de temps en temps, comme la question des masquées, afin de les occuper et approfondir leurs désaccords. Il faut comprendre qu’une politique qui réussit aujourd’hui n’est pas garantie de la pérennité de son succès. Les peuples changent.

Ayant espéré pendant des décennies que la France et l’Europe les aident à se développer, les peuples africains ont fini par se lasser et comprendre que leurs « sauveurs » n’étaient pas là pour eux et qu’ils se sont trop enrichis à leurs dépens. Ils ont alors été bien préparés pour écouter les discours d’autres « sauveurs », dont la Russie. Comprendront-ils que personne ne les sauvera et que chaque pays cherche ses propres intérêts? Car après tout, l’Afrique n’est pour la Russie et la Chine notamment qu’une pièce dans la grand échiquier mondial.

Maintenant la question: Qu'est-ce qui est le plus nocif, le gaz à effet de serre ou le gaz à effet de guerre?