Transformation digitale. Ce que recommande la CGEM
Chakib Alj, président de la CGEM.

Dans le nouveau modèle de développement, le Maroc s’est fixé l’objectif de porter la part du numérique dans le PIB à 5% à horizon 2030. Pour atteindre cette ambition, le président de la CGEM propose une feuille de route. 

«Dans un environnement marqué par l’incertitude où la seule constante est le changement, le digital est apparu comme un moyen sûr de s’adapter, de passer outre les crises et de se réinventer », lance d’emblée le patron des patrons à l’occasion de la conférence internationale organisée par le conseil en partenariat avec l’agence nationale de réglementations des télécommunications et l’agence du développement du digital autour de la thématique de la «transformation digitale : entre régulation et compétitivité ». Chakib Alj ajoute aussi que «les multiples transformations que nos sociétés et économies connaissent actuellement, résultantes de crises successives présentent évidemment d’importants défis, à plusieurs niveaux, pour les entreprises et pour les consommateurs, mais sont porteuses d’opportunités et de grandes perspectives de croissance ».

Aujourd’hui, le numérique représente 15,5% de l’économie mondiale et se développe à un rythme effréné. Il est prévu que cette part soit portée à 25% du PIB mondial à horizon 2025. « Le Maroc doit participer à cette tendance », insiste Alj surtout que l’ambition affichée en 2030 est que le numérique atteigne 5% du PIB.

Pour atteindre cette ambition, le président de la CGEM propose un ensemble d’actions à mettre en place. Il s’agit d’abord de l’émergence d’un écosystème FinTech, avec la généralisation du paiement mobile et transferts Peer to Peer, comme cas d’usage prioritaires et ce, en mettant en place un régime provisoire permettant la création d'espaces de sand-boxing avec des dispositifs de test et de soutien de nouveaux services financiers ou modèles d’affaires, exercés en conditions réelles. « Celles-ci devront être soumises à un encadrement et à une surveillance particulière », relève le professionnel ajoutant que l’intégration et l’inter-opérabilité des plateformes de paiement sont aussi des prérequis nécessaires ;

Alj préconise aussi la mise en place d'un écosystème EdTech, permettant l’accès à une éducation de meilleure qualité et l’accompagnement de la réforme de ce secteur, en renforçant la notion d'achats publics en termes d’innovation, ainsi qu’en accélérant le déploiement des solutions d’apprentissage numérique, dans le cadre de partenariats public-privé. Il met l’accent également sur la mise en place d'un écosystème HealthTech indispensable pour réussir le chantier de généralisation de la protection sociale et ce, à travers l'adoption par les ministères de tutelle d'une démarche d’Open Innovation avec la digitalisation de toutes les procédures administratives.

Selon Alj, le Maroc accuse un retard important en matière de financements tech et de développement de l’innovation, ce qui va à l’encontre du poids économique et géostratégique du pays sur le continent Africain, qui devrait normalement le placer parmi les leaders dans ce domaine. En chiffres, en 2021, plus de 5 milliards de dollars ont été levés par les startups en Afrique. Les startups de pays comme le Nigéria, l’Afrique du Sud et l’Egypte ont réussi à lever respectivement 1,8 milliards de dollars, 832 millions de dollars et 652 millions de dollars en 2021. «Au Maroc, seulement 33 millions de dollars ont été levés par les startups soit 0,6% du total des montants levés en Afrique, sachant que le Maroc représente 4,4% de l’économie Africaine. Ce constat doit nous interpeler », déplore Alj mettant l’accent par la même occasion sur la concurrence accrue qui existe entre les différentes places financières africaines, qui cherchent à se positionner en tant que hubs technologiques et à attirer les investisseurs internationaux et les talents, en déployant des mesures incitatives pour les retenir et les faire prospérer. Le Maroc est en 12ème position dans ce sens.

Améliorer l'accès au financement

Evoquant la nécessité de l’amélioration de l’accès au financement, Alj recommande d’encourager l’investissement des "business Angels” à travers des dispositifs fiscaux incitatifs ou encore en favorisant le développement d’une industrie de capital risque, capable d’attirer des investisseurs internationaux et d’ériger la destination Maroc en véritable hub continental. Il suggère aussi d’exonérer les fonds d’investissement de la TVA sur les frais de gestion, pour être en ligne avec les pratiques internationales, d’augmenter le plafond d’investissement «défiscalisé » à un minimum de 2 millions de dirhams et d’agir pour une réglementation des changes en faveur des startups à vocation internationale et des fonds d’investissement, qui financent ces startups.

Un autre enjeu cité par le président de la CGEM, est le gap de compétences numériques, notamment en matière de développement d’applications, d'intelligence artificielle, de production de contenu numérique et de traitement de données. «Avec près de 230 millions d'emplois en Afrique qui nécessiteront des compétences numériques d'ici 2030, la perte de talents technologiques est devenue une problématique majeure. Chaque année, 70.000 professionnels qualifiés quittent le continent », alerte Alj ajoutant que le Maroc est le premier pays en Afrique du Nord et le second en zone MENA, après le Liban, à subir le phénomène de la fuite des cerveaux avec 600 ingénieurs hautement qualifiés quittant le Royaume chaque année.

Sur ce point, Chakib Alj note « qu’avec un besoin en profils spécialisés en technologies numériques estimé à environ 15.000 par an pour les prochaines années et pour atteindre plus de 50.000 par an, à horizon 2030, le Maroc n’a pas d’autres choix que de développer l’offre de formation en la matière et d’œuvrer pour la rétention de ses talents ».