Les frontière permissives de RSF
Pierre Haski le président de RSF. Un travail utile mais pas infaillible

Savoir qu’un journaliste est en prison est toujours dramatique, lorsque ce journaliste a été sanctionné pour les travaux qu’il a réalisés dans le cadre de sa profession. C’est intolérable et on ne peut trouver aucune excuse ni à ceux qui l’ont condamné ni à ceux qui jubilent devant cette situation aussi douloureuse, révoltante qu’inacceptable. 

Lorsque Reporter Sans Frontières soutient les journalistes qui subissent les pressions et l’oppression des gouvernements de leurs pays on ne peut que saluer cette initiative et applaudir les journalistes qui reçoivent des prix pour leurs actions de défense de liberté d’expression et de la démocratie.

Néanmoins, parfois, on est étonné d’apprendre que RSF a accordé un prix à un journaliste qui n’a pas été condamné pour son travail journalistique, mais pour un crime de droit commun.

Là, on trouve des difficultés à comprendre le mécanisme et la dynamique qui est derrière. La question tombe rapidement: Est-ce que RSF est au courant de l’affaire? Est-ce qu’elle a été abusée? Ou alors, poursuit-elle d’autres objectifs que nous ignorons ? L’étonnement est total puisqu’il s’agit en premier lieu d’éthique et d’intégrité.

Une éthique qui semble plutôt élastique pour une discipline qui doit se baser sur les faits rien que les faits. Or, les défenseurs du journaliste avancent le fait que son jugement a été monté de toute pièce. Ce qui sous entend une complicité entre la police, le procureur et le juge.

Autrement dit, c’est une négation directe de la séparation des pouvoirs et une accusation directe à la Justice marocaine.

Dans ce cas, RSF aurait dû établir la culpabilité de cette justice et démontrer par une enquête, comme elle seule sait le faire, qu’il y a eu coup monté contre le journaliste pour le faire taire. Tout le monde se serait mis de son côté. Sans la moindre hésitation.

La Justice marocaine a certes des défauts, mais elle fonctionne et les justiciables ont tous les recours qui leur garantissent leurs droits. Le Maroc n’est pas une république bananière.

Il y a une autre question beaucoup plus troublante. En distinguant un journaliste condamné pour viol que dit RSF aux victimes de cet acte?

RSF agit comme si la victime n’existe pas et n’a aucun droit. On imagine ce qui se serait passé en Europe dans un cas pareil. Certainement, les médias se seraient tous rangés derrière la victime. Mais oui, ici la femme, on n’y touche pas. Le sempiternel mépris des « autres qui ne sont pas comme nous ». Une arabe, maghrébine, africaine ne peut peut-être pas prétendre aux protections réservées aux femmes européennes ou américaines. N’y a-t-il pas une vision méprisante envers ces femmes?

Un viol est acte ignoble quel que soit son auteur et on a vu des présidents et des hommes très haut placés condamnés parce qu’ils ont pris trop de libertés avec les femmes. Un pays qui se respecte ne peut pas tolérer que les femmes soient maltraitées et au Maroc le dispositif de protection est solide grâce à des décennies de lutte des femmes marocaines. Pour elles, il n’est pas question de laisser sévir les violeurs et on a vu leur mobilisation à l’occasion d’affaires dont les auteurs ont été sévèrement jugés.

Arès tout, RSF a le droit de délivrer les prix à qui elle veut, du moment que le président est en même temps président du jury... On vous parle de séparation des pouvoirs. Le président du jury aurait dû être une personne étrangère à l’association, connue pour son intégrité et sa compétence. Mais là aussi, on passe.

Cela dit, il n’est pas question de nier l’apport utile de RSF à la profession, au contraire. Hélas, on ne peut pas en dire autant dans cette affaire en particulier.