Hommes/femmes : La guerre continue sur les réseaux sociaux
Homme/femme: Le langage des sourds

Hommes et femmes marocains ne sont pas prêts d’enterrer la hache de guerre. Sur les réseaux sociaux, les attaques et les ripostes de part et d’autre prennent les allures d’un profond conflit de genres.  

La guerre continue sur les réseaux sociaux entre femmes et hommes marocains. Après le lancement du groupe facebook antiféministe appelant au boycott du mariage avec les femmes actives, c’est au tour des femmes de riposter. En quelques jours seulement, un groupe baptisé « Des Marocaines contre le mariage avec les pauvres » attirent quelques 30.000 abonnées. Des femmes actives et des femmes au foyer qui laissent exploser leur colère contre la misogynie, les préjugés et les attaques frontales de leurs congénères masculins.

Je t’aime, moi non plus !

« Ce groupe est une réponse aux attaques hostiles de ceux qui manquent de confiance en soi, des mâles faibles qui se cachent derrière les groupes et qui sont incapables d’assumer la responsabilité du mariage comme de vrais hommes », expliquent les administratrices du groupe. Se présentant comme une espace d’expression pour les femmes, le groupe a été envahi en quelques heures par des centaines de publications relatant des histoires tristes de femmes battues, maltraitées ou victimes de violence physique, psychique et économique.

« Ma mère était cadre dans une grande entreprise mais mon père l’a obligé à démissionner. Il lui a promis de subvenir à tous nos besoins. Or, quelques mois après, il a commencé à lui manquer de respect puis à la battre tout en lui faisant du chantage. Il nous a ensuite coupé les vivres pour la soumettre. Ma mère a du demander de l’argent à mon grand père pour éviter que l’on meurt de faim mes frères et moi. Je suis traumatisée et je hais l’idée du mariage à cause de l’expérience douloureuse de ma mère », raconte une membre du groupe.

Un récit parmi des centaines d’autres décrivant des relations toxiques, des abus de différentes natures que ces femmes sont obligées de subir "car n’ayant pas la force de quitter leurs bourreaux", comme l’affirment-t-elles. « C’est pour cela que nous insistons sur l’importance de faires des études, d’avoir un emploi et une carrière. C’est la garantie d’une vie digne sans nul besoin d’un homme », commente une internaute en se targuant de indépendance financière.

Refusant de jouer les seconds rôles dans le couple, les membres du groupe féministe réclament le respect et surtout le droit de choisir : Leur carrière, leur futur conjoint et la manière de vivre et de gérer leur mariage. « Fini le temps des sacrifices et des concessions ! Nous sommes actives, nous sommes libres et nous avons le droit de choisir un homme capable d’assumer la responsabilité financière et émotionnelle et qui est capable de nous respecter comme femme et comme épouse », répètent-elles en chœur.

Red Pill

Rappelons qu’un groupe facebook baptisé « Des Marocains contre le mariage avec les femmes actives » a été lancé il y a une semaine en attirant plus de 60.000 membres en quelques jours. Un succès phénoménal pour un groupe qui a pour objectif principal : Le boycott des femmes fonctionnaires et employées en général. Une philosophie qui rejoint la vision du mouvement anti- féministe Red Pill qui séduit de plus en plus de jeunes marocains révoltés par « l’emprise féministe ».

« Ne te laisse plus manipuler par les femelles et leurs manigances. Tu es le mâle Alpha, les femmes doivent être à ton service et non pas le contraire ! Reconnais enfin ta véritable valeur ! », C’est en ces termes choquants que le mouvement « Red Pill » made in Morocco se définit et s’adresse aux adeptes de cette idéologie misogyne.

Des attaques et des ripostes dans le cadre d’une guerre de genres qui se déclenche de temps à autres sur les réseaux sociaux pour « exorciser » les conflits hommes-femmes de la vie réelle. « C’est l’effet de meute. Chaque individu a une histoire sentimentale personnelle qui est en rapport étroit avec son éducation. Chacun a un model parental qui influencera ses relations futures avec le sexe opposé. Ce sont des valeurs qui sont transmises par les aînés de la famille (père, mère, grands parents...) et qui dicteront son comportement avec autrui », nous explique auparavant Maria Bichra, love coach. « Sur les réseaux sociaux et les groupes, les anomalies prennent de l’ampleur car exaltées par l’effet de meute. On se sent protégé par le groupe, de ce fait on se donne du courage et on se permet des agissements qui deviennent extrêmes parfois », ajoute la coach.

Fracture

Un « semblant de pouvoir» doublé d’une « éternelle incompréhension » entre homme et femme qui donnent lieu à un profond conflit. « Mon travail auprès des couples marocains, m’a permis de constater l’ampleur du fossé séparant les partenaires. Manquant affreusement d’outils pour communiquer avec l’autre, ce dernier est souvent représenté d’une manière erronée», explique la love coach.

Méconnaissance, irrespect, manque de confiance en soi et en l’autre, désamour... Beaucoup de relations homme/femme au Maroc sont minées de l’intérieur. D’après Maria Bichra, les Marocains auraient besoin d’une véritable rééducation à l’amour dans son sens absolu : Amour de soi et amour de l’autre. Pour Mustapha Massid, psychologue clinicien et auteur de plusieurs livres, « cette guerre est très significative car reflétant une réalité humaine caractérisée par ce conflit qui existe entre hommes et femmes depuis la nuit des temps », nous explique le clinicien.

D’après ce dernier, le contexte marocain n’est pas épargné par ce malaise psycho-social. « La grande animosité entre genres dans le contexte marocain a trouvé un espace propice à sa déflagration sur les réseaux sociaux », note le spécialiste. Une fracture entre homme et femme qui a toujours existé aussi bien chez nous qu’ailleurs comme l’affirme Dr Massid. « La cause étant souvent une religion mal interprétée, un héritage ancestral et des croyances erronées dont on n’arrivent pas à se défaire. Ceci sans parler de l’influence des autres cultures favorisée par la grande ouverture virtuelle », conclut le psychologue.