Exploitation sexuelle : Les garçons plus touchés 
Entre le marteau et l'enclume, les garçons victimes subissent les abus sexuels et la pression sociale

Plus de la moitié des victimes d’exploitation sexuelle au Maroc sont des garçons et la pauvreté extrême reste le principal facteur de risque… Ce sont  les révélations d’une nouvelle enquête réalisée par l’association « Meilleur Avenir pour nos enfants » en collaboration avec ECPAT international.



Contrairement à ce que l’on peut croire, les garçons sont les victimes privilégiées des abus sexuels au Maroc. C’est ce que vient de révéler une enquête choc réalisée par l’Association Meilleur Avenir pour nos enfants (AMANE) en collaboration avec l’ONG ECPAT International.

Cette étude menée auprès des travailleurs sociaux de première ligne en lien avec des enfants victimes de violences sexuelles au Maroc nous apprend que 54% des dossiers d’exploitation et d’abus sexuels touche des garçons. Pire encore, les garçonnets âgés de 6 à 10 ans sont les plus touchés par la violence sexuelle. D’après les résultats de l’enquête, 40% des garçons de cette tranche d’âge avaient été exposés plus souvent à ce type d’abus et plus encore que les garçons des autres groupes d'âge.

Formes d’exploitation

Concernant les formes d’exploitation les plus répandues, les travailleurs sociaux ont indiqué que le matériel sexuel auto-généré et réalisé à des fins de trafic reste la forme les plus courante, que les victimes soit des garçons ou des filles. 19% du total des travailleurs sociaux interrogés ont indiqué avoir eu à traiter des cas où des garçons avaient généré et partagé des images et/ou des vidéos sexuelles d'eux-mêmes. Tandis que 17% de ces travailleurs avaient géré des cas de garçons victimes de traite à des fins sexuelles.

Quant à la contrepartie de cette exploitation sexuelle des garçons, l'argent vient en tête dans 47% des cas, la sécurité (15%), des biens (15%), un abri (6%) et autres (18%). Concernant le profil des exploitants sexuels, l’enquête révèle qu’ils sont principalement des hommes (67%). Ceci même si des femmes sont également signalées (33%). La majorité de ces délinquants sexuels sont de nationalité marocaine (63% dans le cas des garçons victimes et 70% dans le cas des filles).

Le loup est dans bergerie

Autre fait choquant révélé par cette étude de terrain : Les garçons sont souvent agressés sexuellement par des proches. Les grands auteurs d'exploitation et d'abus sexuels sont des membres de la communauté âgés de plus de 18 ans (47%), des amis de la famille (36%), des membres de la famille âgés de plus de 18 ans (36%), un parent/beau-parent (31%) ou une personne en position d’autorité (25%).

Tentant d'identifier les principaux facteurs prédisposant les garçons à l'exploitation et aux abus sexuels, l’enquête pointe du doigt la vulnérabilité socio-économique. Ainsi 58% des travailleurs sociaux indiquent que l'extrême pauvreté était le principal facteur de risque d'exploitation sexuelle des garçons. Viennent ensuite, le fait de vivre, de travailler ou de passer du temps dans la rue (36%), l'abandon scolaire (31%), la migration des familles (28%) et la migration des garçons pour le travail (17%).

L’omerta

Lorsqu'ils ont été interrogés sur les facteurs de risque liés au contexte culturel : 81% des travailleurs ont laissé entendre que le tabou entourant les organes sexuels et la sexualité aggravait la vulnérabilité des garçons à l'exploitation sexuelle. Ceci contribuait à passer les crimes sexuels sous silence. La stigmatisation et la honte auxquelles les victimes sont souvent confrontées (64 %) aggravent la situation sans parler des croyances des normes sociales selon lesquelles les garçons sont forts, non vulnérables et capables de se protéger eux-mêmes (44 %). La masculinité devient ainsi une source de pression et un frein à la dénonciation des crimes sexuels. Le garçon victime s'identifiant comme hétérosexuel se tait par crainte d’être perçu par les autres comme homosexuel (17 %).

Réalisée en 2021 dans le cadre de l’Initiative mondiale pour les garçons, cette enquête s'est basée sur une revue documentaire et une recherche primaire sur le terrain auprès de 36 travailleurs sociaux. L'Initiative mondiale pour les garçons a permis en effet de réaliser des rapports d’analyse dans 10 pays à savoir la Belgique, la Bolivie, la Gambie, l’Hongrie, l’Inde, le Maroc, le Pakistan, le Sri Lanka, la Corée du Sud et le Thaïlande.