Tanger : Un raqui abuse sexuellement de ses clientes… et les filme
La honte, l'auto-incrimination et la peur de la stigmatisation taisent souvent ce type d’affaires

Une énième affaire d’abus sexuels perpétrés par un raqui a éclaté cette semaine à Tanger. Les victimes ont été, de surcroît, filmées.



Un raqui tangérois a été présenté mardi par la police judiciaire Bni Mkada devant le procureur du roi. Accusé d’abus sexuels par deux sœurs, le raqui est également poursuivi pour charlatanisme et violence numérique.

D’après un communiqué de la Direction générale de la sureté nationale, la police tangéroise a ouvert une enquête judiciaire suite à la plainte déposée par deux sœurs. Les plaignantes accusaient le raqui de les avoir agressées sexuellement alors qu’il prétendait leur procurer un « traitement spécifique » lors des séances de ruquia charîa.

Après l’avoir identifié, les éléments de la police tangéroise ont procédé ensuite à son arrestation en effectuant une perquisition à son domicile. Une opération qui s’est soldée par la saisie d’outils et d’amulettes utilisées à des fins de charlatanisme. La police a saisie également cinq téléphones portables avec un contenu numérique compromettant. Des vidéos relatant les actes et les abus sexuels perpétrés par le raqui contre ses victimes. Ce contenu numérique est soumis actuellement à l’expertise scientifique par les services spécialisés. En garde à vue actuellement, le raqui et ses agissements font l’objet d’une enquête judiciaire sous la supervision du procureur du roi.

Arnaque

Profitant de l’ignorance et la bonne foi de leur clientes, les raquis font régulièrement les titres des médias à cause des différentes affaires d’abus sexuels. Dans les grandes villes comme dans les patelins lointains, de nombreux « pervers sexuels » déguisés en raquis profitent de la naïveté de leurs victimes pour les violer et en abuser sexuellement. Plusieurs jeunes filles et femmes en quête de solutions miraculeuses à leurs problèmes se sont retrouvées piégées par des pseudo-fkih sans scrupules.

Les séances commencent par une simple lecture de versets coraniques, une manière de tranquilliser la victime trop crédule avant de profiter de ce moment de faiblesse et parfois d’inconscience pour abuser d’elle. Si les conditions, les lieux et les noms diffèrent, le scénario reste toutefois le même. Des faits qui défraient périodiquement la chronique en laissant planer beaucoup de questions quand au nombre réel des abus perpétrés en toute impunité lors de séances fermées de ruqia. L'auto-incrimination, la peur de la stigmatisation et la honte taisent souvent ce type d’affaires.

Ruqia, le vrai du faux !

Si d’après certains Oulémas, le Prophète Mohamed a reconnu les bienfaits de «l’incantation» et son pouvoir d’apaisement des âmes, pour le chercheur Abdewahab Rafiqui, « ruqia », comme tout autre traitement spirituel, est une question culturelle qui n’a aucun rapport avec la religion. «Ruqia était une pratique très courante en Arabie avant l’avènement même de l’islam. Le prophète a validé à un certain moment la pratique d’une « ruqia » contre la morsure d’un scorpion sans pour autant en faire une pratique islamique aux vertus reconnues », nous explique auparavant le chercheur en études islamiques. Ce dernier tranche d’ailleurs en affirmant que « Le coran n’est pas un traitement médical. Personnellement, je ne connais aucun texte religieux vérifié et reconnu qui en parle et qui l’instaure en tant que traitement».

Effet placebo certain et autosuggestion puissante, la ruqia s’apparente parfois à une exploitation lucrative de la religion voire à de l’arnaque, comme nous l’affirme Dr Mostafa Massid, psychologue clinicien. « Les raquis profitent de la vulnérabilité psychique des gens et savent les manipuler en s’appuyant sur la puissance de la suggestion. Cette dernière active le mécanisme psychologique de l’auto guérison », nous explique le praticien. « Utilisée par des charlatans, ce mécanisme risque d’avoir des conséquences dramatiques sur la santé mentale et physique de leurs clients », met en garde le psychologue.