Canada : Logement contre sexe
Sexe contre logement

Dans une enquête explosive, le Journal de Montréal dévoile l’autre face de l’inflation et de la crise du logement au Canada. Se loger en échange de services sexuels ou comment des personnes vulnérables sont forcées à se prostituer pour éviter la rue.

On l’imagine mal mais même dans une société aussi riche que celle canadienne, des femmes et même des hommes en situation précaire sont forcés d’offrir des prestations sexuelles pour éviter la rue. C’est ce qu’affirme Julie Leblanc, organisatrice communautaire au Centre d'éducation et d'action des femmes (CÉAF) au Journal de Montréal. « Aucune femme n’est à l’abri de cette situation dans notre société. On le voit dans nos sondages, elles viennent de tous les milieux», matraque Leblanc.

Effet de la crise

Des propriétaires ou des locataires qui profitent des personnes vulnérables, il y en a légion au Québec. D’après le journal, le phénomène en forte expansion n’a d’ailleurs pas manqué d’alerter plusieurs organismes. Ces derniers s’alarment par rapport au lourd impact de l’inflation écrasante et la crise sans précédent du logement. « Ils craignent une hausse de personnes vulnérables qui devront accepter des gestes de nature sexuelle contre un loyer à moindre coût afin d’éviter de se ramasser à la rue », rapporte le Journal de Montréal.

De plus en plus visibles sur les interfaces dédiées au logement, les adeptes de cet échange de faveurs ne s’en cachent plus comme l’explique l’auteur de l’enquête, le journaliste Francis Pilon. « Dans les petites annonces, on voit qu’il y a des personnes qui ne se cachent même plus d’offrir une chambre contre des relations sexuelles tellement la crise est forte», confirme Marjolaine Deneault, du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ). Si d’après cette dernière, le phénomène n’est pas tout à fait récent, il est toutefois exacerbé par la rareté des logements et les budgets de plus en plus serrés des ménages précaires.

Propositions indécentes

Pour confirmer ces propos, le journal canadien a lancé sur facebook Marketplace, deux fausses annonces d’une étudiante et d’un étudiant en soins infirmiers. Ludivine et Thomas y cherchaient une chambre à louer pour la somme maximale de 700$ par mois, dans le Grand Montréal. En quelques heures, plusieurs « prétendants » ont mordu à l’hameçon en envoyant leurs « propositions indécentes » aux deux pseudo-étudiants. « Ils ont reçu en moins d’une journée plus d’une dizaine de messages d’hommes âgés leur offrant un lit contre des services sexuels explicites ou implicites. Dans tous les cas, le logement était à louer pour une fraction du prix ou offert gratuitement », rapporte le journal. Si certains tentaient de rester « courtois » tout en exprimant leur intérêt, d’autres y vont directement en désignant la contre partie attendue. « Un ingénieur a carrément suggéré à l’étudiante de devenir son « sugar daddy » et de tout lui payer », ajoute le journalise.

Des offres difficilement déclinables par des personnes vulnérables vivant dans la précarité économique comme le soutient Marjolaine Deneault du RCLALQ. « Dans un contexte avec beaucoup de logements, peut-être que la personne refuserait l’offre du propriétaire demandant des services sexuels. Mais dans un contexte de pénurie, la personne n’a peut-être pas le choix», analyse-t-elle. Selon la plateforme Rentals.ca, le prix moyen d’un logement à Montréal avec une seule chambre dépassait les 1500$ en juillet 2022. Une grosse somme que tout le monde n’a pas les moyens de payer. Pour limiter ce troc « injuste », Julie Leblanc du Centre d'éducation et d'action des femmes (CÉAF) réclame l’intervention de l’Etat. « Il faut plus de logements sociaux financés par l’État pour les gens à faible revenu. Mais le gouvernement de François Legault a coupé dans le programme AccèsLogis à cet effet. C’est un drame historique», conclut Leblanc.