Comment les réseaux sociaux manipulent-ils nos opinions ?
Les réseaux sociaux favorisent certains types de contenus au détriment d’autres. Quel en est l'impact sur nos opinions ? Comment s’organise la désinformation ? Faut-il adopter une politique de régulation plus forte ou plutôt favoriser la libre concurrence des informations ? Avis d’un expert.
Résultats d’élections inattendus, hostilités entre des groupes politiques ou tensions sociales qui surgissent et s’intensifient sur les réseaux sociaux...C’est un fait, les réseaux sociaux ont acquis une importance majeure dans différents domaines. Ils influencent les opinions dans les débats de société, et sont utilisés par beaucoup comme outil de manipulation des masses. En tout cas c’est que fait savoir le mathématicien, et directeur de recherche au CNRS David Chavalarias. Rencontré en marge de la semaine de la science organisée par l’UM6P, l’expert confie l’objectif de ses recherches, est de comprendre en quoi les environnements numériques qui sont déployés sur des plateformes comme facebook, google, youtube...qui concernent des milliards d'utilisateurs, peuvent influencer notre manière de faire, peuvent agir sur la société et influencer la circulation l'information.
Risques encourus
«Les réseaux sociaux Twitter, Tiktok et Facebook sont des lieux où, soit des acteurs arrivent à fédérer des communautés assez larges et à les entraîner dans des directions souvent contraires à ce que dit la science, les enfermant ainsi dans des sortes de bulles d’information », explique Chavalarias. D’après lui, les environnements numériques ne sont pas passifs. Il s’agit plutôt d’environnements où la circulation de l’information est organisée suivant des critères généralement économiques ou autres, dont l’objectif est de créer des groupes de plus en plus polarisés et hostiles qui pourraient même dérégler les démocraties. « Les plateformes de réseaux sociaux usent et abusent de ces principes pour sélectionner ce que vous, internautes, voyez sur vos écrans. Et elles ne le font que dans un seul but : gagner de l’argent », insiste Chavalarias ajoutant que « ces nouvelles technologies ne sont ni bonnes ni mauvaises en soi. Ce qui est problématique, c’est la manière dont les gens se les approprient ».
Le chercheur indique par ailleurs, si certains développent des agences entières pour créer des armées numériques et manipuler ainsi les populations, c’est parce que les infrastructures numériques sont vulnérables et développés que de mauvais principes.
Réguler les espaces numériques
Pour sortir de cette impasse que nous imposent les environnements numériques, Chavalarias propose plusieurs pistes et actions à développer au niveau individuel, collectif et institutionnel. Selon lui, il faut réguler les espaces numériques. Comment ? le chercheur cite ici l’exemple de l’espace aérien. «Au début, on ne se préoccupait pas de savoir si c'est important de réguler l’espace aérien parce que les avions n'existaient pas. Après, et pour éviter les collisions, il fallait réguler. Il faut donc adopter le même principe et réguler un espace dont on ignorait les impacts sur la vie des personnes et des sociétés », préconise-t-il ajoutant qu’il faudra aller vers des plateformes qui sont plus ouvertes mais laisser les chercheurs analyser ce qui se passe, pour pouvoir tirer les sonnettes d'alarme et développer des solutions souveraines au niveau des pays, au niveau des villes, des groupes d'individus...pour pouvoir communiquer de manière sereine et dépasser les risques encourus. «Pour facebook par exemple, il suffit de changer une ligne de code sur l’anglet de des recommandations et vous changez la vie de 2,8 milliards de personnes. Donc nous sommes face à des plateformes qui entraînent des risques systémiques, d’où la nécessité de la régulation.