Mariage des enfants : Des posters en exposition et un fléau toujours aussi répandu
Plus de 150 millions de filles seront mariées d’ici 2030 selon le FNUAP (Ph. UNICEF)

Des posters de mobilisation contre le mariage d’enfants sont exposés actuellement au siège de la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc (BNRM) à Rabat. Une initiative du  Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) qui s’inscrit dans le cadre de la campagne I DON’T contre le mariage d’enfants.



Organisée par le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) en partenariat avec la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc, une exposition des affiches de mobilisation contre le mariage d’enfants se tient actuellement à Rabat avec le soutien d'Affaires mondiales Canada.

Fléau

Un phénomène qui résiste aux différentes tentatives d’éradication, le mariage des enfants continue de faire des « victimes » au Maroc. Selon les derniers chiffres annoncés par le ministère public, 27.623 demandes d’autorisation de mariage de mineures ont été déposées auprès des tribunaux du royaume en 2019. Des chiffres inquiétants et un fléau qui persiste malgré « les grands efforts déployés par le Maroc en matière d'amélioration des conditions de l'enfance et de lutte contre le mariage des mineurs », comme l’affirme Aawatif Hayar, la ministre de la Solidarité, de l'insertion sociale et de la famille auprès de la chaine M24, en marge de cette exposition.

Cette dernière a d’ailleurs évoqué la problématique des mariages sans autorisation qui touchent principalement les filles dont l’âge moyen est de 17 ans. Une problématique d’une grande priorité dans la réforme du Code de la famille en gestation et dont le traitement devrait inclure les aspects juridiques et sociaux comme le soutient la ministre.

85% des mariages autorisés

« Une violation des droits de l'enfant qui affecte sa santé physique et psychologique », estime de son côté Mounir Bensalah, le secrétaire général du Conseil national des droits de l'homme. Le mariage des mineurs a été en effet au centre d’une récente enquête du CNDH en partenariat avec le FNUP/Maroc. Selon les résultats de cette étude, les tribunaux marocains auraient accordé l’autorisation du mariage des mineurs pour 85% des demandes entre 2011 et 2018. Aussi, les filles mineures sont concernées dans 99% des autorisations accordées, entre 2007 et 2018.

Un état des lieux qui reste en flagrante contradiction avec l’interdiction du mariage des mineurs par l’article 19 du Code de la famille. « Le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l'âge de la capacité matrimoniale prévu à l'Article 19 ci-dessus, par décision motivée précisant l'intérêt et les motifs justifiant ce mariage...», stipule l'article 20 du Code de la famille.

Causes

Constatant que l’exception est devenue la règle, cette enquête s’est penchée sur les principales causes avancées par les juges marocains pour justifier leur autorisation de ce type de mariage. Parmi les raisons qui ont été recensées par l’étude, on cite le respect des traditions et des us locaux, l’abandon scolaire et la vulnérabilité socio-économique.

Un constat confirmé par Aawatif Hayar qui estime que le motif économique serait à l'origine du mariage des filles mineures. La ministre a rappelé à cette occasion la convention de partenariat conclue par son département avec le ministère de l'Éducation nationale, du préscolaire et des sports. Objectif ? Lutter contre le décrochage scolaire des filles et offrir une aide sociale et une médiation familiale pour la réintégration scolaire des mineures.

700 millions enfants mariées

Revenant à la charge, le représentant du CNDH a appelé à renforcer la protection juridique des droits des enfants en activant l’instauration du Code de l’enfant. Nullement limité au Maroc, le mariage des enfants est un phénomène mondial comme l’affirme Luis Mora, représentant du FNUAP au microphone de M24. D’après ce dernier, au niveau mondial, le nombre de filles mariées avant l'âge de 18 ans est estimé à 700 millions.

« Une situation qui compromet leur accès à l'éducation, à la santé et au bien-être tout en affectant leur intégration socio-économique », regrette Mora. Pour sa part Nell Stewart, l'ambassadrice du Canada au Maroc, a rappelé l'importance de ce type de partenariats entres les autorités marocaines, les Nations Unies et la société civile dans la lutte contre le fléau. D’après l’ambassadrice canadienne, pour éradiquer le mariage des enfants il faudrait s’attaquer au problème « à la racine ».

Prévisions alarmantes

« En s’attaquant aux violences contre les femmes et les filles, la pauvreté et l'accès à l'éducation... Ce sont autant de facteurs qui contribuent à l'exacerbation du fléau », ajoute Stewart. Dans le monde, une fille sur cinq est mariée avant ses 18 ans. D’après le FNUAP, le mariage d’enfants ne faiblit pas suffisamment vite. « Si l’on n’intensifie pas les efforts pour y mettre fin, plus de 150 millions de filles seront mariées d’ici 2030 », prévoit le fond onusien.

Les prévisions du Fonds des Nations-Unies pour l’enfance (UNICEF) ne sont pas rassurantes non plus. Une lourde menace pèse sur la lutte contre le mariage des mineurs à cause des lourdes répercussions de la pandémie de Covid-19. D’après l’UNICEF, les progrès réalisés en la matière durant ces dernières années sont en train de partir en fumée. Dix millions de mariages d’enfants supplémentaires risquent d’être conclus d’ici la fin de la décennie selon l’agence onusienne.