Médecin condamné pour harcèlement sexuel: Faits avérés ou fausses accusations ?
Réellement coupable ou victime d'accusations fallacieuses ?

Un médecin a été condamné à Oujda à 3 ans de prison pour harcèlement sexuel sur la femme d’un patient. Une affaire qui au-delà du verdict, laisse planer beaucoup de questions sur comment prouver le harcèlement et l'éventuelle utilisation de "fausses accusations" pour régler des comptes.

Les faits

L’affaire a éclaté mardi dernier. Une femme accompagnant son mari souffrant chez le spécialiste ORL a accusé le médecin de harcèlement

sexuel en plein mois de Ramadan. Cette femme a en effet affirmé devant les enquêteurs et plus tard au tribunal que le médecin l’a invité à l’aider pour ausculter l’oreille du mari souffrant. Profitant de la proximité, il l’aurait touché d’une manière inappropriée, affirme la plaignante.

Cette dernière assure d’ailleurs que même après l’avoir repoussé, le médecin a continué de l’harceler en se livrant à des attouchements plus accentués. Toujours selon le récit de la plaignante, elle finit par se révolter contre le médecin et son mari se rend compte finalement de ce qui se trame alors qu’il était en plein examen médical. Inculpé mardi dernier, le médecin a été poursuivi pour « harcèlement sexuel avec récidive, et violence psychologique envers une femme en raison de son sexe ».

Le verdict

Le procès qui a duré 12 heures dans la nuit du vendredi à la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de la ville d’Oujda s’est soldé par une lourde sentence de 3 ans de prison ferme et un dédommagement de 50.000 dirhams au profit de la plaignante, 20.000 dirhams pour son époux ainsi qu’une amende de 10.000 dirhams.

Ceci alors que l’accusé n’a pas cessé de nier les faits. Sa défense a également présenté au tribunal des enregistrements vidéo des caméras de surveillance du cabinet médical de cette « consultation ». Des vidéos qui « ne montreraient pas clairement des actes de harcèlement sexuel » selon des témoins ayant assisté au procès. Un jugement trop dur pour des « faits pas tout à fait établis» comme le proclament certaines voix dénonçant un supposé règlement de comptes contre le praticien ?

« Bien que la loi est claire et ses dispositions bien précises, il convient de prendre en considération les circonstances atténuantes ou aggravantes. Ces dernières permettent en effet aux magistrats, selon les cas, d’apprécier les éléments de preuve en fonction de leurs intimes convictions », nous explique maitre Ahmed Mounjid, avocat au barreau de Casablanca. Ce dernier nous explique les dispositions de la loi 103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Crime et châtiment

« Délit pénal, le harcèlement sexuel dans les lieux publics est puni au Maroc de 1 à 6 mois d’emprisonnement avec une amende de 2.000 à 10.000 dirhams. En milieu professionnel, cette peine est portée au double si l’auteur est un collègue de travail et peut être de 3 à 5 ans et d’une amende de 5.000 à 50.000 dirhams si le harcèlement sexuel est commis par une personne ayant une autorité sur la victime », détaille l’avocat. Dans le cas du médecin d’Oujda, le cabinet médical est-il considéré comme un lieu public ou un milieu professionnel ? Comment s’explique le verdict de 3 ans alors que la plaignante ne travaille pas avec le médecin ?

« Selon l’article 503-1 code pénal, « Est coupable de harcèlement sexuel et puni de l’emprisonnement d’un an à deux ans et d’une amende de cinq mille à cinquante mille dirhams, quiconque, en abusant de l’autorité qui lui confère ses fonctions, harcèle autrui en usant d’ordres, de menaces, de contraintes ou de tout autre moyen, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle », nous explique maitre Mounjid.

« La peine est l’emprisonnement de trois à cinq ans et d’une amende de 5.000 à 50.000 dirhams, si le harcèlement sexuel est commis par un ascendant, un proche ayant avec la victime un empêchement à mariage, un tuteur, une personne ayant autorité sur la victime ou ayant sa charge ou un kafil ou si la victime est un mineur selon l’article 503- 1-2 du code pénal », détaille l’avocat en insistant sur le fait que le juge peut décider « d’après son intime conviction ».

Accusations fallacieuses ?

Si le législateur a prévu tous les cas de figure et les types de harcèlement sexuel, qu’en est-il des « fausses accusations » ? Comment peut-on prouver qu’une personne est « injustement » accusée de harcèlement sexuel ? « Il faut dire que c’est une véritable problématique dans ce type d’affaires. Que ça soit pour les victimes, les plaignants ou les accusés qui s’en défendent, les preuves restent un élément clé qui n’est pas toujours possible de présenter car le plus souvent ce genre d’actes est commis dans des espaces fermés loin des yeux des témoins », nous affirme l’avocat.

« Ceci dit selon les dispositions de l’article 286 du code de procédure pénale, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuves. La victime d’un harcèlement peut en apporter la preuve par tous les moyens témoignages, enregistrements, aveux... », précise l’avocat. Est-ce valable pour une personne qui serait injustement accusée ? « Il faut encore le prouver ! » tranche Maitre Ahmed Mounjid.

Si le médecin d’Oujda a continué de nier les faits tout au long du procès et de crier au complot, sa cause a été toutefois mal servie par ses présumés antécédents. L’accusé aurait déjà fait l’objet de plusieurs signalements pour harcèlement. C’est ce qui ressort du procès. Son comportement « inadéquat » lui aurait valu même des mesures disciplinaires. En 2021, il s’est vu infligé une suspension d’une année par l’Ordre national des médecins. Est-il un harceleur récidiviste incorrigible ou est-il la simple victime d’une machination qui a mis à profit son « passé trouble » pour le piéger injustement ?

En tout cas, au Maroc les accusations fallacieuses et la dénonciation calomnieuse sont réprimées par le Code pénal et punies par la prison. « L’article 445 du code pénal stipule que quiconque a, par quelque moyen que ce soit, fait une dénonciation calomnieuse contre un ou plusieurs individus aux officiers de justice ou de police administrative ou judiciaire, ou à des autorités ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente ou encore aux supérieurs hiérarchiques ou aux employeurs du dénoncé, est puni de l’emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de 200 à 1000 dirhams », nous explique l’avocat. A bon entendeur !