Révélations exclusives. L’étonnant modus operandi du réseau des faux médecins dentistes démantelé mercredi par le BCIJ

 

 Le BCIJ a procédé ce mercredi 24 mai, sur la base d'informations précises fournies par la Direction Générale de la Surveillance du Territoire, à l'interpellation de sept individus s'activant dans les villes de Salé et de Meknès. Deux anciens détenus dans le cadre de la loi antiterroriste sont parmi ce «groupe des 7». Toute la bande est aujourd’hui sous enquête judiciaire pour ses liens présumés avec un réseau criminel spécialisé dans le faux et usage de faux, l'escroquerie et l'usurpation d'une fonction régie par la loi aux fins de s'accaparer des deniers publics, de pratiquer la profession de médecin et de chirurgien-dentiste sans autorisation ou document légal et de porter atteinte à la sécurité sanitaire des citoyens.

 Les premiers éléments de cette enquête confirment, selon des éléments obtenus par L’Observateur du Maroc, que deux suspects ont usurpé, avec la complicité de trois médecins dentistes interpellés dans le cadre de cette même affaire, la fonction de médecin dentiste et pratiqué toutes les opérations y afférentes dans des cliniques à Salé. Ils soumettaient leurs victimes à des interventions chirurgicales en violation flagrante des lois régissant l'exercice de cette profession, ce qui a causé des maladies et des complications graves à plusieurs d'entre elles, comme le soulignait le BCIJ dans le communiqué d’annonce du démantèlement de ce réseau.

Selon nos sources, le principal promoteur de ce réseau est un prothésiste dentaire qui s’est illégalement improvisé médecin dentiste. Opérant depuis 1994, il a pu tirer de gros bénéfices de son exercice illégal de la médecine dentaire au point qu’il a pu ouvrir quatre cabinets à Salé qu’il gère lui-même en se faisant aider par des complices. Ces derniers ne sont pas non plus habilités à lui assurer cette aide étant non diplômés ni qualifiés pour le faire légalement. En contrepartie, le faux médecin dentiste «en chef» distribuait de généreuses commissions sur le chiffre d’affaires réalisé. 

Grâce aux gains ainsi accumulés, en 2019, deux autres faux cabinets dentaires se sont ajoutés, également à Salé, aux quatre déjà ouverts dans cette ville. Cette fois-ci, le meneur du réseau s’est associé à un ancien vrai chirurgien-dentiste, sauf que celui-ci a été radié par l’ordre des médecins dentistes au début de la même année 2019. Cette combine permettait au médecin radié d’empocher, lui aussi, de généreuses commissions. 

Dans leur aveuglement, les faux médecins et vrais malfrats se permettaient non seulement d’effectuer des soins légers, d’extraire des dents ou de prescrire des médicaments, mais aussi à procéder à des interventions chirurgicales. Mais le crime n’étant jamais parfait, certaines opérations ont mal tourné et certaines victimes opérées ont eu des complications ayant nécessité d’autres interventions dispensées gratuitement de la part des faux cliniciens pour éviter qu’ils soient démasqués. 

L’expérience dans l’illégalité poussant toujours à davantage de témérité, le réseau s’est encore agrandi en 2023 en ouvrant un autre cabinet dentaire au quartier Al Amal, encore une fois à Salé. La richesse illégalement amassée se voit à travers le haut standing de ce cabinet qui est doté du nec plus ultra des équipements. Le médecin chirurgien banni par la profession s’était assuré la complicité d’un ancien collègue, toujours en exercice, pour utiliser son nom par procuration, moyennant commission, son cachet ainsi que son identifiant unique pour pouvoir «légaliser» les actes effectués dans la nouvelle adresse. De la sorte, les feuilles de soins de la CNSS pouvaient être renseignées, cachetés et signés, sans que personne ne s’aperçoive de la combine. 

L’avidité du gain a tellement aveuglé les meneurs du réseaux qu’ils ont commencé, à la mi-2022, à falsifier des dossiers médicaux pour empocher encore plus de gains indus auprès notamment de la CNSS et de la CNOPS. Selon nos sources, 3000 faux dossiers médicaux valant plus de 10 millions de dirhams auraient été ainsi établis par le réseau démantelé. La CNSS en avait bloqué 800 qui totalisaient 2 millions de dirhams. 

L’enquête se poursuit, sous la supervision du parquet compétent, et pourrait révéler d’autres détails sur ce réseau qui a fini par tomber grâce à la vigilance de la DGST. 

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