« Le Pacte de Sel ». Un documentaire poignant sur les Marocains expulsés d’Algérie

Née en Algérie dans une famille marocaine, la réalisatrice et productrice franco-marocaine Rahma Benhamou El Madani a présenté mardi 6 juin 2023 à Casablanca son documentaire "Le Pacte du sel", une oeuvre profondément intimiste sur les familles marocaines chassées d'Algérie.

Si la quête de soi et de ses origines ont toujours été présents dans les oeuvres de la réalisatrice Rahma Benhamou El Madani, le Vivre ensemble apparaît dans son documentaire « Le Pacte de Sel » comme un nouvel aspect de son approche de l’immigration.

Chassée elle-même de son village natal algérien en Oranie lorsqu’elle avait à peine 6 ans, Rahma El Madani revient après des années d’absence sur sa terre natale, à la rencontre de ceux qui se souviennent…, « de personnes qui gardent en mémoire le temps d’hier et qui m’en parlent », dit-elle. A la recherche d’un vivre-ensemble perdu, la réalisatrice essaie de panser les plaies d’un passé douloureux : « De nombreuses familles marocaines, expulsées de ce village, sont installées à Oujda au Maroc, juste de l’autre côté de la frontière. Je retrouve la trace de l’une d’elle pour me parler de souvenir mais aussi de blessure et de comment elle se guérie », confie-t-elle.

Ce documentaire raconte l'histoire de votre famille mais aussi celle de l'immigration entre deux pays voisins. C'était important pour vous de parler de ce sujet ?

Ce film est une quête qui a démarré en 2001 lorsque j’ai réalisé « Du côté de chez soi ». Dans ce premier film, j’avais filmé mes parents en France et au Maroc pour qu’ils me parlent de leur émigration.

Puis avec mon film Tagnawittude, j’ai pu aller en Algérie pour filmer les gnaoua algériens, et j’ai grâce à mon producteur Rachid Diguer pu obtenir également une autorisation de tournage pour le film « Le pacte du sel ».

Il était nécessaire de voir où j'étais née pour comprendre toutes les histoires que j'entendais dans ma famille. Je rappelle que je suis l'avant-dernière d'une nombreuse fratrie. Je n'ai donc gardé que de vagues souvenirs de mon village natal. Ce sujet est vital car j'ai découvert que dans l'Oranie, là où je suis née, toutes les familles sont algéro-marocaines. J’ai pu enfin retrouver l'imaginaire de ma famille et comprendre beaucoup de choses.

Comment avez-vous construit votre documentaire ?

C’est particulier, un film documentaire intimiste. Il est à la fois facile de savoir ce qu'on cherche à filmer, mais il est aussi difficile de laisser de côté l’intime pour rester cinéaste. Dans mon cas, la caméra est un vecteur essentiel et j’ai décidé de filmer mes parents, puis de construire mon film du point de vue simple, celui du retour puis de la mémoire.

J'ai toujours eu conscience que ce village était important à filmer. J’ai ensuite été aidée par les personnes qui m'ont accueillie. J'ai eu cette chance de ne jamais me sentir de trop. C'est important dans le documentaire de bien comprendre où est sa place et je remercie ceux qui m'ont de suite pris en charge au quotidien dans ma recherche.

C’est aussi une sorte de plaidoyer en faveur de la liberté de circulation et du vivre-ensemble ?

La liberté de circuler tient une place importante dans mon histoire et dans mon cinéma. Il s'agit bien sûr de passeport, de frontière mais la pire barrière est celle des esprits. Et c'est ce qui me pousse à faire des films, casser les barrières et les idées reçues. Le titre de mon film est un clin d’œil à ce vivre ensemble. Ce pacte entre deux pays voisins, je l'ai vécu et je continue de le vivre. Il ne s"agit pas juste d’un titre pour un film. Nous sommes tous sur cette terre pour vivre ensemble pacifiquement et évidemment la symbolique de la terre est importante dans mon film.