Scandale «Predator files». Emmanuel Macron serait-il au service de vendeurs de logiciels espions ?

Le président français se trouve au cœur d’un nouveau scandale. Macron aurait apporté une aide directe à des vendeurs de matériel d’espionnage ayant servi à pister des opposants et des activistes dans des pays étrangers, selon l’enquête internationale «Predator files» menée par un consortium de médias européens.

Publiées par Mediapart, les premières parties de la série «Predator files» donnent le tournis. On y apprend que Nexa, une entreprise française spécialisée dans la fabrication de logiciels espions, «a bénéficié d’un accès direct au président Emmanuel Macron et même fait appel à son ancien conseiller Alexandre Benalla comme intermédiaire en Arabie saoudite». Vendant ses services et ses logiciels à des pays qui cherchent à traquer des personnes légalement dérangeantes, cette société fait l’objet d’enquêtes judiciaires en France, non encore abouties, ce qui ne l’a pas empêché d’entretenir de bonnes relations avec le pouvoir français. «Il se trouve que le numéro 3 du groupe, Renaud Roques, a participé en 2017 à la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron», révèle Médiapart.

Coïncidence, relèvent les enquêteurs, deux mois après l’élection de Macron, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a autorisé Nexa à « passer des marchés […] au niveau confidentiel défense» avec le GIC, l’organisme rattaché à Matignon qui supervise les écoutes effectuées par les services secrets, en dehors des procédures judiciaires.

Un an plus tard, Nexa obtient un rendez-vous avec Emmanuel Macron et son conseiller Alexandre Benalla, puis fait appel à ce dernier pour l’aider à vendre ses produits à l’Arabie saoudite.

Il a été aussi révélé par le consortium d’enquêteurs que la France s’est elle-même dotée en 2007, en même temps que la Libye de Mouammar Kadhafi, du logiciel espion de Nexa nommé Eagle lorsque cette entreprise s’appelait Amesys. Si cette transaction a été conclu dix ans avant l’avènement de Macron, la même société a approvisionné, il y a juste 3 ans, le maitre de l’est libyen, le maréchal Haftar, de matériels de surveillance.

Auparavant, notent les enquêteurs, «un document interne montre que dès 2014, Nexa a remporté des contrats avec plusieurs ministères français et avec la DGSE (les services de renseignement français pour l’étranger), qui aidait aussi la société à vendre ses produits à l’export». Le régime algérien est lui aussi dans le coup. «En 2016, le directeur général de Nexa, Renaud Roques raconte qu’il va s’envoler pour Alger avec une sonde de surveillance d’Internet en bagage en soute en mentant sur sa nature ‘‘serveur’’». 

 

Grâce aux appuis haut placés, Alexa s"est renforcé en rejoignant le consortium Intellexa et a pu diversifier au fil du temps ses clients parmi lesquels se trouvent, en plus de la France, d’autres pays européens dont la Suisse, l’Autriche ou encore Allemagne, au même titre qu’Oman, Qatar, Congo Brazzaville, Kenya… Tous ces États prétextent du besoin impératif de la lutte contre le terrorisme pour s’adonner à l’espionnage, sauf que le principal argument de vente avancé par Alexa  est «toujours très explicites sur le volet "interception massive”».

Cet extrait de la plaquette commerciale détaillant les questions auxquelles la « surveillance » d’Eagle peut répondre est on ne peut plus explicite : «Quelle est la vie numérique de votre population ? Contacts, amis, fournisseurs, partenaires… Qui est en relation avec qui dans votre pays ?»

D’autres révélations de «Predator files» seront publiées le long de la semaine. Elles sont le fruit d’enquêtes menées par quinze médias internationaux, coordonnées par le réseau européen d’investigation EIC, sur la base de documents confidentiels obtenus par Mediapart et Der Spiegel.

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