Les fonctions paternelles et maternelles sous la loupe

Rubrique animée par Moubarak Mamoun Dribi

Auteur chercheur en science du comportement et psychanalyse

Le lien entre un enfant et sa mère n'a rien à voir avec celui qu'il pourrait avoir avec son père. Le premier conditionne et structure le second. Il est quasiment un tout ou presque. J'aime souvent comparer cet amour qui lie l'enfant à sa maman par les ingrédients qui composent un plat en cuisine. Si l'amour maternel en constitue la plus grande majorité, son vis à vis paternel en est le sel. Cet ingrédient n'est pas des moindres, quand on connaît le rôle capital qu'il joue dans l'alchimie culinaire et gustative... Son rôle pourrait paraître minime, mais en réalité l'un complète l'autre de manière harmonieuse et subtile. Les enfants possèdent le lien avec leur maman. Ils sont en terrain conquis. Cela les rassure, les stimule et les épanouit. Elle a beau crier, gronder ou punir, rien n'y fait. Elle est toujours perçue comme étant aimante et protectrice. Celle qui pardonne toujours.

Si je trouve cela sublime et magnifique, j'y vois aussi de grands risques de voir naître des comportements fusionnels. En effet, nul ne peut tenir à long terme en amour sans s'essouffler. Savoir prendre du temps pour soi, ne pas se laisser déborder et marquer les limites aux enfants n'est pas chose facile. Les deux fonctions de père et de mère se supportent

mutuellement. La faillite de l'une d'elle peut nuire gravement aux enfants et peut entraver à long terme leur maturité et leur accès à l'autonomie. Ce qui rend si complexes ces rapports affectifs, c'est la confusion qui y règne souvent entre plusieurs registres. Celui des besoins, des désirs, des demandes, des frustrations et surtout des contradictions. L'enfant est entier, il n'est pas dans le faux. Il est vrai même quand il commet une erreur. C'est pour cela que le travail avec eux et si plaisant. Ils bougent vite (en esprit surtout) et changent de position et d'attitudes de manière surprenante. Pour peu qu'ils soient en assurance et qu'ils voient qu'il y a apprentissage et plaisirs sains. La place de la maman est prépondérante dans l'équilibre de la personnalité de l'enfant. Tout père raisonnable devrait donc assurer cette triangulation : papa, maman, enfant. S'il est bon de voir naître et se développer des relations étroites entre l'homme de la famille et sa fille par exemple, il faudra se garder de parasiter les liens intenses qui unissent les enfants à leur mère. Malheureusement dans certaines familles, l'épouse n'est perçue que comme une procréatrice, besogneuse. Dénigrée dans sa personne, elle s'éteint souvent en silence. Les tournesols privés des rayons du soleil s'effondrent et se recroquevillent. Les répercussions ne seront visibles que bien plus tard, quand arrivé à l'âge adulte, la vingtaine bien entamée, mais incapable de s'assumer dans l'autonomie.

Le père a pour vocation de relancer le désir et d'introduire la notion de droit

Le père est l'étranger que l'enfant découvre et apprend à connaître. Il attire sa curiosité et sa passion. Il l'emplit aussi d'inquiétude et d'attente. Le père ne concurrence jamais sa femme au niveau de l'amour des enfants. Il est dans l'abnégation de sa personne, plein d'altruisme et de bonne servitude. Il attire à lui par la patience et la fermeté. Il sait jouer dans la finesse et l'humour. Il ne cherche pas à combler son manque d'affection par la présence de ses enfants. Il est leur ami sans être leur complice. Le père cultive la notion de respect et de droiture qu'il incarne dans son être plus que dans ses mots. Il sait faire silence et accepte de fermer les yeux quand il le faut, non par peur mais pour épargner à l'autre les supplices d'une critique trop acerbe. L'amour du père est capital pour les enfants, il leur permet d'appréhender d'autres choses. Il les initie à la notion de droit et de limites, ce qui ne signifie pas que la mère en est incapable. Mais comme je le soulignais, elle est celle que l'enfant connaît et aime de toutes ses forces. C'est presque une possession, mais elle est nécessaire et inévitable surtout durant les trois premières années de la petite enfance. C'est par la conjugaison de leurs deux fonctions que père et mère parviennent à hisser l'enfant hors de ce cocon qu'est la relation fusionnelle avec la maman. La triangulation est fondamentale à ce niveau-là. L'enfant en général, mais surtout celui en bas âge est totalement lié à l'expression d'amour entre ses parents. Sans pour autant sombrer dans l'exhibitionnisme.

Savoir pardonner pour réussir dans la mise en jeu fonctionnelle

Si la droiture est une denrée précieuse, la compassion et le pardon sont le couronnement de toute personnalité qui tend à réaliser un équilibre juste et harmonieux. Or cette réussite passe par le couple. Chacun tout seul dans son coin n'aura aucun problème avec personne. Et pour cause ! On est en mode solitaire. Mais dès que l'on se met avec un conjoint, la coordination s'impose. Mais elle est vite agrippée par les malentendus et les aléas de la vie. Tout échec ou malaise, qui persiste et dure dans le temps, constitue pour les êtres intelligents une remise en cause de leurs manières d'être et de faire. Si bien souvent la recherche de la facilité amène un certain nombre de personnes à faire la projection sur l'autre de ses propres difficultés,

la sagesse impose de revoir ce qu'il en est de sa part personnelle d'abord. Les fonctions de mère et de père sont faites de bonne intelligence où l'un apprend de l'autre sans s'aliéner. Savoir pardonner les ratages pour n'en garder que les bons enseignements permet de mettre en jeu une culture institutionnelle au sein de la vie familiale. Sans toutefois tomber dans le formalisme ou le clivage sans fin. Si nos familles modernes souffrent aujourd'hui c'est certainement pour diverses raisons dont, surtout, l'absence de ces connaissances дать рекламу