Joel Edgerton « Les réalisateurs talentueux sont ceux qui vous manipulent dans le bon sens »

En tant que membre du jury de la 20ème édition du Festival International du Film de Marrakech, l’acteur, scénariste, producteur et réalisateur australien, réputé pour ses rôles dans les films américains comme Warrior, Gatsby le Magnifique, Exodus, Bright ou encore Red Sparrow, partage avec nous la difficulté de juger un film. « L’art n’est pas une compétition », confie celui qu’on retrouvera bientôt à l’affiche de "The Boys in the Boat", réalisé par George Clooney et de la série "Dark Matter" avec Jennifer Connelly.

En tant que membre du jury, quels sont vos critères pour juger un film ? Quel genre de film vous parle le plus ?

J’ai toujours pensé que l’art n’est pas une compétition, et particulièrement quand vous devez visionner plusieurs films très divers et différents, c’est dur de comparer l’un et l’autre. Ceci étant, c’est très bénéfique pour les jeunes réalisateurs de montrer leurs films, et le fait d’être primé veut énormément dire pour leur avenir en tant que futurs réalisateurs. Et juste le fait de projeter leur film devant un public, c’est une bonne chose.

Pour ce qui est du processus de préparation, c’était plutôt intéressant. Vous savez, chaque réalisateur est très différent, chacun s’intéresse à un aspect particulier chez vous, qui va correspondre à ce qu’il cherche dans le personnage. Il peut s’agir d’un tempérament calme, agité, d’un mouvement, du chaos, de la tranquillité, …peu importe, je crois qu’on est capable de tout : colère, tendresse, … en fait, ça dépend de ce que le réalisateur attend de vous et de la raison pour laquelle il vous a choisi.

Avec « The Stranger » qui est une adaptation du livre de Kate Kyriacou « The Sting : the Undercover Operation that Caught Daniel Morcombe"s Killer, c’était un peu différent car pendant la lecture du scénario, lorsqu’on préparait ce personnage, on a fait beaucoup de recherches sur les vraies personnes impliquées dans l’histoire. Et pour pouvoir incarner ce personnage, j’ai dû perdre énormément de poids. Lorsque le réalisateur m’a montré la photo de Mark, le personnage que j’allais incarner, j’ai vu la photo d’un chien maltraité. L’idée c’était de plonger dans un univers où les personnes était affamées pendant des mois, et ça, c’était l’image qu’il avait de ce personnage pour moi. Et juste le fait qu’il me montre cette photo m’a beaucoup parlé, beaucoup plus que s’il avait discuté longuement et plus profondément avec moi.

Qu’attendez-vous généralement d’un réalisateur ?

J’aime beaucoup les réalisateurs confiants qui savent exactement ce qu’ils veulent, ils sont une telle expérience du cinéma, ils sont créatifs, inventifs, et vous pouvez apprendre énormément avec eux. Mais j’aime aussi ceux qui sont dans un esprit de collaboration, ceux qui savent instaurer un environnement sain sur le tournage, ceux qui accordent de l’importance à l’histoire, tout comme moi d’ailleurs.

Vous avez des réalisateurs comme Paul Shrader par exemple - avec qui j’ai tourné « Master Gardener » - qui ne parlent pas beaucoup sur le tournage. Mais si vous lui posez une question, il ne s’arrête pas, et du coup, vous pouvez avoir une longue conversation avec lui et apprendre énormément de choses. En fait, Son scénario est précis et concis, il est très efficient quand il s’agit de mots ou d’idées. Il a une seule idée de l’histoire et il l’exploite avec quelques personnages, mais il choisit les bons acteurs qui vont matcher avec cette histoire.

Vous êtes aussi scénariste, vous avez réalisé en 2015 votre premier film, The Gift, un thriller psychologique avec Jason Bateman et Rebecca Hall. Quel genre de réalisateur êtes-vous ?

Je ne parle pas beaucoup, cela dit, j’aime avoir une sorte de conversation avec les acteurs. Des fois je suis un peu descriptif, et ce que j’ai appris en faisant mon premier film, c’est que si vous parvenez à avoir de bons acteurs, alors une grande partie du problème est résolue. Au lieu d’imposer mes idées sur le tournage, c’est impératif pour moi de voir ce que les acteurs ont à proposer d’abord, parce que ça facilite énormément les choses et le rendu final est beaucoup plus intéressant.