Matt Dillon : « Je suis intransigeant en tant que réalisateur »

Nominé aux Oscars pour le film culte « Crash », l’acteur et réalisateur américain venu présenter une masterclass à la 20ème édition du FIFM, nous parle de son expérience en tant que réalisateur pour son documentaire sur le musicien cubain « El gran Fellove » ainsi que de son rôle dans « Maria » de Jessica Palud où il incarne Marlon Brando.

Vous allez interpréter Marlon Brando dans « Maria » de Jessica Palud, le biopic sur Maria Schneider. Pourquoi avoir choisi de jouer ce personnage ?

Le scénario était bien écrit, et je pense que la voix de Maria Schneider sera enfin entendue, et à mon sens, c’est bien. J’éprouve énormément d’amour et d’affection pour Marlon Brando et c’est quelqu’un qui m’a profondément touché et ce, depuis mes débuts en tant qu’acteur, je dirais même qu’il a toujours été avec moi en quelque sorte. Et ce film en particulier m’a beaucoup touché, vu la nature du personnage. Il ne s’agit pas d’un film sur Brando, ça concerne plutôt l’actrice française déchue Maria Schneider et de son histoire après la scène polémique dans le film « Le Dernier Tango à Paris » de Bernardo Bertolucci.

Brando est un personnage immense, fascinant et courageux, et pour l’aborder, j’essayais de me mettre dans sa peau et imaginer ce qu’il aurait pu faire dans certaines situations et comment il aurait pu réagir... Brando est probablement l’une des personnes les plus intéressantes dans l’histoire moderne. C’était un penseur indépendant, c’est pour ça que j’ai accepté de jouer ce rôle, sans oublier que je suis quelqu’un qui aime relever des défis. Le fait de le jouer en français a été un autre challenge pour moi, et comme Brando parlait très ben français, j’ai dû apprendre la langue. En tout cas, je me suis amusé à incarner ce personnage, après, les gens vont juger le rendu final.

Vous êtes aussi passé derrière la caméra pour réaliser le documentaire sur l’artiste cubain « El gran Fellove ». Pourquoi avoir choisi ce chanteur ? et comment avez-vous vécu l’expérience ?

Tout d’abord, je suis un grand fan de musique et surtout de la musique afro-cubaine. Et j’ai été dans épris de la musique africaine pendant très longtemps. J’ai donc encouragé à l’époque des musiciens de jazz et de musique latine, d’aller le rencontrer en personne et d’enregistrer un album avec lui et c’est ce qu’ils ont fait. C’était en 1999, et je n’avais pas beaucoup d’informations à son sujet, j’avais écrit un scénario pour le réaliser comme une fiction, et j’ai passé environ 3 semaines au Mexique et un peu à Los Angels, en train de filmer ce chanteur, le connaitre un peu plus, parce que j’adorais sa musique et j’aimais énormément ce qu’il faisait, mais je ne savais pas comment transformer cela en film. En fait, je me suis retrouvé avec des rushs et je ne savais pas vraiment quoi en faire ni comment les exploiter, et même si c’était de belles séquences, et je les ai laissés de côté jusqu’à récemment. J’étais conscient que ce genre d’exercice n’allait pas être facile pour moi, parce qu’il n’y avait pas d’informations au sujet de ce musicien.

Vous savez, il y a beaucoup de documentaires à propos de meurtres, de disparitions, ou concernant des sportifs avec des gagnants ou des perdants… des histoires vraiment sensationnelles. Mais quand vous faites des recherches concernant l’héritage d’une vie humaine, c’est beaucoup plus dur surtout pour quelqu’un comme moi, parce que je suis un vrai passionné de disques musicaux, un féru de la musique cubaine et je voulais faire ce genre de documentaires mais pas tout le monde éprouve le même intérêt que moi pour ce genre de musique, ni ce genre de chanteurs. Alors j’ai dû apprendre à comment réaliser un documentaire : d’abord, il fallait maitriser et saisir le côté émotionnel et le mettre en avant pour créer la connexion avec le personnage avant de s’attaquer au volet informationnel que les gens pourraient absorber une fois qu’ils seront connectés émotionnellement avec les protagonistes.

En tant que réalisateur, je n’aime pas faire des concessions, je suis généralement quelqu’un d’obsessionnel et j’aime que les choses soient faites exactement comme je les imagine.

Est-ce que vous allez réitérer l’expérience ?

Oui, j’ai adoré réaliser, j’adore réaliser et je le referrais. Quand j’ai fini mon film, j’étais fier du résultat, c’était un film personnel, je peux accepter les critiques des gens, qu’ils l’aiment ou pas, je peux vivre avec. Je pense que je suis un bon réalisateur, mais quand tu es un acteur, c’est difficile de s’imposer en tant que réalisateur parce que les gens vous mettent dans une certaine catégorie. Ceci étant, je pense que je suis béni, parce que j’ai déjà une belle carrière.

Vous avez joué dans le nouveau film « Haunted Heart » (suspense romantique) du réalisateur espagnol Fernando Trueba (2023). Vous aimez tourner à l’étranger ou avec des réalisateurs étrangers ?

Je ne mets de frontières géographiques pour me dire si un sujet est bon ou pas. Je pense que j’ai vu de bons films du monde entier, donc, je ne me pose pas de limites. J’aime tourner en Europe, les journées de tournage sont courtes (rires), contrairement aux Américains qui bossent beaucoup plus. J’ai déjà présenté à Marrakech mon film « La Cité des Fantômes » en 2002, j’ai tourné aussi au Cambodge « City of Ghosts », j’aime essayer de nouveaux trucs dans des espaces différents, nouer une relation avec des espaces, des lieux, et pas juste être se retrouver comme un touriste en vacances.

Vous allez incarner Dostoïevski dans « The Gambler wife », une comédie noire de Malgorzata Szumowska. Qu’a ce rôle en commun avec celui de Marlon Brando ?

On doit encore travailler certains détails dans le scénario, la réalisatrice est superbe, elle a une énergie incroyable. Dostoïevski avait une vie folle, d’après ce que j’ai lu et je suis vraiment ravi de faire partie de ce projet et de travailler avec Malgorzata pour donner vie à cet incroyable personnage.

Connaissez-vous un peu la musique marocaine ?

Un jour, j’étais invité à dîner chez un ami à Marrakech, on était assis dans sa cour, et je me rappelle, il y avait cette troupe du haut Atlas qui se produisait devant nous : les musiciens avaient de super instruments, les rythmes étaient époustouflants … c’était super et je pense que la musique marocaine est incroyable.