Née en 1988 à Taza (village de Tizi Ousli), la jeune Bouchra, dernière d'une fratrie de cinq enfants, commence à jouer au football, en catégorie minimes, dans une petite équipe de sa ville. En 2001, alors âgée de 14 ans, une nouvelle opportunité se présente à elle lorsque le club propose à ses adhérentes de suivre une formation d’arbitrage. « J’adorais le foot, mais je me suis dit : pourquoi pas ? Cela me permettait de ne pas renoncer à ma passion, d’apprendre les règles du jeu, … », même si ses frères réagissent de façon négative. Et puis, dit-elle « Je vivais dans une ville où c’est hchouma (honteux) qu’une fille se mette en short pour aller sur le terrain et côtoyer des hommes … j’ai beaucoup aimé l’univers de l’arbitrage et j’ai constaté qu’on pouvait bénéficier d’énormément d’opportunités en tant qu’arbitre», se rappelle-t-elle.

En 2007, le Maroc créé un championnat national féminin de football. Elle devient arbitre nationale, s’installe à Meknès et commence à arbitrer dans les première et deuxième divisions féminines marocaines, à 19 ans. Dix ans plus tard, en 2016, elle monte en grade et devient arbitre internationale. Un statut qui lui permet d’officier lors de prestigieuses compétitions, notamment en Afrique. En 2018, elle participe à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) féminine au Ghana, puis elle est convoquée lors de la CAN des moins de 17 ans (U17) masculine, annulée pour cause de pandémie.

Elle est aussi désignée à l’époque pour arbitrer la première édition de la Ligue des champions de la CAF (plus importante compétition interclubs africaine de football féminin), en Égypte. Elle ira par la suite jusqu’en finale de la dernière CAN masculine au Cameroun où elle a officié en tant qu’assistante vidéo à l'arbitrage (VAR).

Sérieux, rigueur et professionnalisme

Grâce à son travail acharné, sa rigueur et son professionnalisme, l’arbitre marocaine est sélectionnée par les plus grandes instances sportives selon des critères bien précis : niveau technique et physique, personnalité, connaissances en langues étrangères, régime alimentaire strict, entraînement intensif…

Devenue inspectrice de police au sein de la Direction générale de la Sûreté nationale, elle continue d’exercer en tant qu’arbitre. «J’ai toujours voulu être policière, confie-t-elle. Et j’ai la chance de vivre ma passion, l’arbitrage, car j’aime tout ce qui tourne autour du football».

Le 10 octobre 2020, elle arbitre son premier match de première division marocaine masculine. Deux ans plus tard, elle deviendra la première femme dans le monde arabe à officier en tant qu’arbitre principale lors d’une finale de première division.

Puis elle est désignée membre du staff arbitral lors de la finale de la CAN 2022, en février, entre le Sénégal et l’Égypte, au Cameroun, et arbitre également la finale de la Coupe du trône.

Retenue parmi les arbitres de la Coupe d'Afrique des nations 2023, elle est devenue le 22 janvier 2024 la première femme nord-africaine et du monde arabe à diriger une rencontre de CAN masculine en étant au sifflet du match entre la Guinée-Bissau et le Nigeria comptant pour la 3e journée de phase des groupes. Elle est 4e arbitre lors de la finale opposant la Côte d'Ivoire au Nigéria.

Bouchra Karboubi a reçu le Prix Mohammed Bin Rashid Al Maktoum des sports créatif de « Meilleur arbitre arabe de football » le 10 janvier dernier à Dubaï. Elle a également officié lors de la Coupe du monde féminine de football 2023 qui se déroulait en Australie et Nouvelle-Zélande, notamment lors des rencontres Costa Rica-Zambie et Etats-Unis-Vietnam.

Devenue un véritable modèle pour de nombreuses femmes, Bouchra Karboubi espère transmettre sa passion et voir davantage d’arbitres féminines sur le terrain. Aujourd’hui, grâce au soutien de son mari, elle continue de concilier sa vie de maman, de policière et d’arbitre.