Trafic d'organe: Ils traquent leurs proies sur facebook
Un trafic lucratif, bien organisé et très discret qui échappe souvent aux radars

Nouveau terrain de chasse pour les trafiquants d'organes. Ils traquent leurs victimes sur les groupes facebook et repèrent les personnes en détresse pour mieux les exploiter.

Les trafiquants d'organes redoublent d'ingéniosité pour repérer des victimes potentielles. Leur dernière trouvaille ? Chercher leurs prochaines victimes parmi les personnes en détresse partageant leurs problèmes sur les groupes des réseaux sociaux. C'est ce qui est arrivé à ce jeune homme membre du groupe facebook marocain " Vie privée et personnelle des fonctionnaires".

L'oeil du chasseur

Comptant plus de 170.452 membres, ce groupe est un espace actif où l'on partage souvent des SOS et des problèmes familiaux et professionnels de personnes en détresse cherchant conseil et compassion. " Chers amis, ce post est une tentative d'alléger le fardeau pesant sur mes épaules. Mon père est accro aux jeux du hasard et nous a tous noyé dans une spirale sans fin de crédits. Ma mère est gravement malade tandis que ma soeur et mon frère sont toujours à l'école. J'ai travaillé un certain temps dans une autre ville pour subvenir aux besoins de ma famille mais ça fait quelques mois que je suis en chômage ", raconte le jeune homme dans un post publié il y a cinq jours.

Au bout du rouleau, il explique comment il en est arrivé à avoir des idées noires et comment parfois il pense " à rentabiliser sa mort en vendant un rein pour sauver sa famille ", désepère-t-il. Une perche tendue qu'un membre du groupe n'a pas raté, comme l'explique l'administrateur du groupe quelques jours après. " Imaginez qu'au lieu de venir en aide à ce pauvre garçon, une personne malfaisante a osé le contacter pour passer une commande malsaine et marchander à propos de son rein !!! ", s'insurge l'administrateur dans une publication scandalisée.

Hameçon

Preuves à l'appui, ce dernier poste par ailleurs les captures d'écran de la dite conversation. L'on découvre alors comment ce membre a approché le jeune homme en feignant au début la compassion. Il lui fait croire ensuite qu'il va l'aider à sortir de sa crise financière. Sans trop tarder, il lui demande s'il fume, boit de l'alcool ou prend des drogues. Le jeune homme, qui n'a rien soupçonné jusqu'à maintenant, lui affirme que bien qu'âgé de 26 ans, il n'a jamais rien touché de tel.

La prise de contact

N'attendant que cette affirmation, " le chasseur de reins " dévoile rapidement des desseins. En miroitant le gain et la vie aisée qu'il peut offrir à sa famille, il lui propose de vendre son rein contre une bonne somme. " Il y a un médecin demandeur. Il suffit que l'on passe chez lui faire des analyses pour s'assurer de la bonne santé de tes reins et l'on peut conclure. Tu gagneras beaucoup d'argent avec lequel tu peux lancer un bon projet qui te fera vivre toi et tes proches dans la propsérité ", tente l'intermédiaire de l'enrôler. Prévenant tout de même, il rassure sa victime et tente de dissiper toute inquiétude en lui affirmant que " beaucoup de gens ont déjà fait cette opération chez ce médecin et ils se portent très bien ", assure-t-il.

Récidiviste

Un aveu clair de cet intermidiaire qui n'en est pas à son premier coup d'essai selon ses propres dires. " Si tu t'attends à ce que les gens t'aident gratuitement tu te trompe largement. Regarde les commentaires des membres du groupe sur ton problème ; aucune valeur ajoutée ! Par contre moi je te propose du concret. J'ai d'ailleurs déjà aidé un autre membre de ce groupe à faire la même chose et à s'en sortir ", ajoute-t-il en tentant de manipuler sa victime et à l'isoler davanatge dans sa détresse.

Manipulation, isolement, fragilisation et belles promesses

Une peine perdue vu que sa cible s'est vite ressaisie en déclinant l'offre et en refusant de conclure cette transaction. La réaction du trafiquant a été d'une violence verbale remarquable. Traitant le jeune homme de tous les noms, il l'encourage à se suicider "car sa vie ne vaut rien". Prudent, l'intermédiaire aurait effacé son commentaire sur le post initial, bloqué et fermé le compte par lequel il a contacté le jeune homme, comme l'explique l'administrateur. Ce dernier a par ailleurs mis en garde les autres membres contre les " criminels opportunistes qui profitent de leur détresse pour les exploiter ". 

Ca tombe à l'eau

Un cas alarmant qui en cache peut être beaucoup d'autres si l'on croit les propres affirmations de l'intermédiaire. Combien d'autres personnes ont-elles succombé aux belles promesses ? combien d'autres intermédiaires se cachent encore parmi les membres des groupes à attendre la bonne victime pour la piéger ? Qui est ce médecin qui se cache derrière pour mener son business douteux ? Plein d'interrogations en suspens après la perte de la trace de ce " chasseur de reins ".

Un business lucratif

A noter que le trafic d'organe est une forme de la traite d'êtres humains. Selon un rapport d’Interpol, datant de 2021, l’Afrique du Nord et de l’Ouest seraient le terrain d’action de bandes organisées pratiquant la traite des êtres humains, notamment aux fins de prélèvement d’organes. « À l’échelle mondiale, lorsqu’il n’est pas possible de répondre à la demande d’organes au moyen de pratiques de transplantation éthiques, l’approvisionnement s’effectue souvent grâce à des organes obtenus illégalement " explique le rapport.

Les chiffres de l'OMS dévoilent également l'ampleur de ce trafic. Cette dernière estime que « 5 à 10 % des greffes d’organes réalisées dans le monde résultent du trafic d’organes, soit environ 15.000 greffes par an ». Un autre document du ONUDC évalue les profits liés au trafic d’organes à 600 millions de dollars par an.

Au Maroc, la Commission nationale de lutte et de prévention contre la traite des êtres humains déploie de grands efforts en application du Plan d’action stratégique national 2023-2030. La prévention, la sensibilisation aux dangers de la traite des êtres humains ( y compris le trafic d"organe ) et le signalement des cas potentiels restent des éléments clés de cette lutte.