Drame : Quand des pères tuent leurs enfants
D'un père à un tueur, le terrible basculement

En trois jours, trois hommes tuent les membres de leurs familles. Si deux s’attaquent uniquement à leurs femmes, le troisième extermine sa famille en tuant son épouse et ses quatre enfants. Des crimes atroces et des tragédies familiales qui laissent perplexe. Comment peut-on en arriver à ce stade ? Eléments de réponse avec la psychologue.

Comment un père de famille peut-il en arriver au point de tuer ses propres enfants, lui qui est censé les protéger ? Comment peut-il mettre fin aux jours de sa progéniture et de compagne en commettant un crime d’une telle violence ? En trois jours, trois pères de famille : Le premier à Tétouan, le deuxième à Mohammedia et le troisième à El Hajeb se sont attaqués à leurs propres familles. Pourquoi ?

Massacres en série

Avec une extrême violence, le père de Tétouan résidant en périphérie de la ville avait égorgé sa femme, ses filles et ses fils, âgés entre deux et douze ans, en exterminant, d’un seul coup, toute une famille. Après avoir commis ce massacre, il a pris la fuite avant d’être arrêté, deux jours plus tard, par la gendarmerie royale.

Celui de Mohammedia s’est attaqué à sa femme, suite à une dispute familiale en la laissant pour morte. Tandis que le tueur d’El Hajeb, lui, a mis fin aux jours de sa femme aux toilettes de leur domicile avant de prendre la fuite. Une grande histoire d’amour, selon les premiers témoignages, qui a mal fini. D’après les premiers éléments des trois enquêtes, les auteurs de ces crimes souffraient vraisemblablement de troubles mentaux et certains suivent même des traitements. Des tragédies qui rappellent le drame récent d’Essaouira lorsqu’un enseignant, souffrant de troubles psychiques, égorge sa jeune épouse quelques jours seulement après leur mariage.

Troubles mentaux

Qu’est ce qui a poussé donc ces hommes à commettre l’irréparable ? « Chaque cas de parricide est unique et complexe. Chaque cas nécessite donc une évaluation approfondie des facteurs individuels, familiaux et environnementaux par des professionnels de la santé mentale », nous explique Nadia Mouâtassim, psychologue clinicienne. D’après la spécialiste lorsqu'un père tue ses enfants ou /et sa femme, on soupçonne de prime abord des troubles mentaux chez l’auteur du crime.

Ils tuent leurs enfants pour les "protéger" de la souffrance

« En tant que psychologues et psychiatres, on examine souvent la possibilité que le père ait des troubles mentaux graves tels que la psychose, la dépression sévère ou encore d"autres troubles psychiatriques altérant son jugement et ses capacités cognitives », détaille la psychologue. Cette dernière nous affirme que ce type de troubles peut parfois conduire à des comportements extrêmes et violents.

Pressions et conflits, mix explosif

Un facteur psychique important qui peut s’ajouter à d’autres conditions « favorisant » le triste basculement. « Les pressions économiques, les conflits familiaux, le stress chronique ou les traumatismes non résolus peuvent être des facteurs déclencheurs. Si le cas est pris en charge l’on peut alors étudier comment ces facteurs ont pu exacerber les tensions au sein de la famille en contribuant à la détérioration de la santé mentale du père », ajoute Nadia Mouâatassim.

Avec son rôle primordial dans l’équilibre et la stabilité de la famille, le père subit une forte pression socio-économique. Des responsabilités que certains pères n’arrivent pas à assumer ou assument avec beaucoup de mal. Cette pression devient dangereuse lorsqu’elle est doublée de dysfonctionnements familiaux. Décryptage ?  « Les dynamiques familiales perturbées, y compris les relations toxiques ou abusives, peuvent jouer un rôle critique. Les interactions familiales et les schémas de comportement à l’intérieur de la famille pourraient conduire à des niveaux élevés de conflit et de détresse en entrainant « l’explosion »», analyse la clinicienne.

Exterminateurs familiaux

Des propos qui sont par ailleurs confirmés par les recherches épidémiologiques sur les infanticides commis par les pères. Baptisés les « exterminateurs familiaux », ces pères auraient un profil psycho-social commun. D’âge mûr, ce sont de bons pourvoyeurs. Pour leurs connaissances, ce sont des pères dévoués et des maris aimants.

Une image impeccable qui cache souvent un sentiment persistant d’incompétence et d’inconfort social. Ils sont décrits comme des êtres plutôt isolés avec peu d’amis. Les chercheurs les décrivent comme des hommes immatures, extrêmement possessifs et souffrant d’un sentiment lancinant d’insécurité affective. Plusieurs parmi eux, auraient été maltraités dans leur jeune âge.

Leur famille constitue par conséquent l’essentiel de leur réseau de soutien. Une sorte de « bouée » sociale et affective. C’est leur principal « investissement émotionnel ». Cet équilibre délicat est fondamentalement menacé  lorsqu’une séparation, un divorce ou une infidélité survienne. La blessure est dévastatrice. "Un portrait psychologique qui fait qu’ils en veulent fréquemment à leurs femmes. Ces dernières sont identifiées comme « la cause de leur souffrance intolérable », de leur rêve brisé. Ils veulent donc se venger", note la psychologue.

Considérant leurs familles et leurs enfants comme une extension d’eux même, ils les tuent pour les protéger et leur épargner la souffrance. Ils conçoivent leur mort comme une délivrance. Dans la plupart des cas, ils se tuent après avoir commis leur meurtre.