Tawfik Hammoud: "Le monde est en mutation, mais le Maroc se distingue"
Tawfik Hammoud, président du Boston Consulting Group (BCG).

Tawfik Hammoud, président du Boston Consulting Group (BCG), livre sa vision sur le positionnement de l’économie marocaine dans un contexte mondial en pleine mutation.

« Les transformations profondes que traverse le monde aujourd'hui posent de nombreux défis, mais le Maroc s'impose comme un acteur majeur, capable de s'adapter à ces nouvelles dynamiques mondiales. Le pays est idéalement positionné pour accélérer sa croissance », a affirmé Tawfik Hammoud, président du Boston Consulting Group (BCG), lors d'une récente conférence organisée par la CGEM autour des conseils d'affaires. L'expert marocain, basé à New York, a souligné la rapidité avec laquelle le contexte mondial évolue. « Il y a à peine mille jours, nous n'avions pas encore vu l'essor de l'intelligence artificielle générative, et les nations souveraines ne s'envahissaient pas les unes les autres », a-t-il déclaré. Ce « grand reset » pousse chaque pays, y compris le Maroc, à réévaluer sa position et ses intérêts sur la scène internationale.Souveraineté. Une priorité incontournableHammoud a mis en avant cinq clés pour comprendre le monde actuel, dont la notion centrale de souveraineté. « Il est désormais impératif de voir le monde sous l'angle de la souveraineté », a-t-il expliqué, insistant sur l'importance d'établir des partenariats solides et de mener des stratégies avec rigueur. « Cette approche est essentielle pour le Maroc, qui, grâce à son équilibre diplomatique et à ses relations internationales robustes, a su se démarquer », a-t-il ajouté. Naviguer dans la complexité géopolitique mondiale requiert des décisions stratégiques et prudentes, un défi que le Maroc semble prêt à relever. L'essor de l'intelligence artificielleUn autre enjeu majeur abordé par Hammoud est le développement rapide de l'intelligence artificielle (IA). « Si des progrès technologiques ont marqué les 40 dernières années, l’IA représente une révolution sans précédent, accélérant les avancées humaines et économiques de façon exponentielle, un phénomène difficile à appréhender pleinement avec un esprit fonctionnant de manière linéaire », a-t-il noté. L'IA transformera des secteurs cruciaux tels que la santé et la sécurité nationale. « Elle permettra notamment de démocratiser l'accès aux soins via des outils tels que les smartphones, facilitant des diagnostics précoces de maladies comme le diabète ou le cancer, tout en favorisant des interventions anticipées », a-t-il expliqué. « L'IA jouera également un rôle stratégique dans la sécurité nationale et la productivité. » Tandis que les États-Unis et la Chine dominent ce domaine, des pays comme les Émirats arabes unis émergent aussi grâce à des initiatives ambitieuses. Hammoud estime que le Maroc, en investissant dans l'innovation et les technologies émergentes, a l’opportunité de se positionner en leader régional.Enjeux climatiques et énergétiquesLe changement climatique, en lien avec les questions d’énergie et de souveraineté, est également au cœur des préoccupations de Hammoud. « La planète se réchauffe, et le coût de l'inaction devient insoutenable », a-t-il averti, estimant à 9 000 milliards de dollars le montant nécessaire pour relever le défi climatique. Pour lui, « les fonds existent, mais sont souvent concentrés dans des mains privées, comme les fonds souverains ou de private equity ». Il considère que la lutte contre le changement climatique est avant tout une question de sécurité nationale, et doit être traitée en conséquence. Cependant, Hammoud se montre optimiste face aux progrès technologiques. « L'hydrogène, le solaire et l’éolien sont proches d’une adoption massive », a-t-il indiqué, avant de souligner que le Maroc dispose d’un potentiel important dans ces domaines. Il a même suggéré que « le nucléaire est une option qui mérite d’être explorée » par le Maroc.Un atout démographique de tailleHammoud a également abordé la question de la démographie, en soulignant le paradoxe auquel font face certaines démocraties occidentales, comme les États-Unis, où malgré leur puissance, une majorité de la population pense que les conditions de vie de leurs enfants seront moins favorables. Par ailleurs, le vieillissement rapide de la population mondiale est un autre défi, avec une augmentation notable du nombre de centenaires. Hammoud a mis en exergue le potentiel de l’Afrique, qui comptera 2,5 milliards d'habitants d'ici 2050, dont la majorité sera jeune et en début de carrière, offrant ainsi un marché en pleine expansion. Bien que l’environnement des affaires en Afrique soit perçu comme difficile, il estime que les entreprises et les pays qui choisissent d’ignorer cette opportunité commettent une grave erreur stratégique.Pour le Maroc, cet atout démographique est une opportunité. « Le pays doit capitaliser sur sa population jeune pour renforcer son développement et attirer les talents », a-t-il insisté. Hammoud reste convaincu que le Maroc doit maximiser ce dividende démographique pour consolider sa position sur la scène internationale.