Interview excluisve - James Gray : « C’est le temps qui permet le mieux de juger un film ! »

Connu pour son style élégant et sombre, le réalisateur et scénariste new-yorkais et Président du Jury du FIFM 2018 nous parle de sa manière de juger les films, et de la difficulté de trouver un consensus tout en prenant en considération la sensibilité de chaque membre du jury.

 

 

Ce n’est pas votre première fois à Marrakech. Vous revenez au festival en tant que président du jury. Quel est votre sentiment ?

 

C’est un pays incroyable, je suis ravi et honoré d’être ici tout de suite, mon seul regret, c’est que ma femme et mes enfants n’ont pas pu m’accompagner, j’ai regardé au cinéma des films très inspirants mais je n’ai pas eu le temps de visiter le pays comme j’aurais aimé le faire, c’est un endroit fantastique, je ne sais pas pourquoi ils m’invitent mais ils l’ont fait et je suis heureux qu’ils l’aient fait.

 

Peut être vous êtes le meilleur dans ce que vous faites ?

 

Le meilleur ? je ne crois pas ! En fait, ça ne doit pas exister dans l’art, ce n’est pas comme le sport, où vous pouvez être le plus performant ou le plus rapide…, dans l’art c’est différent, qui peut prétendre être le meilleur ?

 

Mais vous devez avoir votre touche personnelle et singulière qui les séduit ?

 

J’espère que j’en ai, et si c’est le cas, ça veut dire que je mets de mon être dans tout ce que j’entreprends, c’est tout ce que vous pouvez faire. C’est juste une vision, le cinéma, c’est la meilleure façon de prendre la parole, donc plus vous vous exprimez, plus votre travail est unique, j’espère en mieux. C’est la seule façon que nous avons de voir la conscience de la personne, si je peux me révéler à travers mon travail, peut être ça serait intéressant.

 

Est-ce qu’il y a un des films de la compétition qui vous plait déjà ?

 

Je ne peux pas vous dire cela, ce que je peux dire en revanche, c’est que tous les films que j’ai vu jusqu’à maintenant m’ont plu, je suis un peu stupéfait par la qualité des films sélectionnés, il y a plusieurs moments dans chaque film où on a un plan qui est juste « wow » et je suis jaloux de cela, dans le bon sens bien sûr, et c’est très plaisant.

 

Vous avez dit qu’un bon film est un film sincère. Quel genre de films vous touche personnellement ?

 

Oui, c’est ce que je crois, vous savez, j’ai un goût très particulier, donc, si je peux voir dans la conscience de l’autre, et que ça m’est révélé avec honnêteté, alors je suis touché. Si le travail est tellement clair qu’il devient ambigu, alors je suis touché, si la voix est claire, je suis touché. Je suis plutôt une personne facile à qui on peut montrer un film, c’est plutôt difficile pour moi de détester un film si l’idée derrière n’est pas cynique, pour gagner beaucoup d’argent, à ce moment là seulement, je suis négatif. Mais si l’idée est de réaliser quelque chose d’honnête, je suis souvent preneur.

 

En tant que président de jury, quel est votre plus grand challenge surtout que vous devez composer avec des artistes aux différentes sensibilités ?

Oui, c’est une excellente question. Je pense que les réalisateurs sont très mauvais pour juger des films, je pense la même chose pour les critiques, et le public aussi. Pour moi, le temps est le meilleur juge. Mon boulot est d’exprimer mes propres sentiments de la manière la plus honnête possible, et de ne pas être un dictateur et essayer d’influencer les opinions des autres, parce que ça serait ridicule ! Je vais juste dire mon point de vue, voir ce que chacun ressent et essayer de parvenir à une sorte de consensus. Vous savez, il y a un côté un peu niaiseux d’attribuer un prix au meilleur film, on n’a pas encore délibéré mais j’ai eu de très bons enseignants comme Isabelle Huppert et John Boorman qui étaient géniaux dans leur façon de travailler, donc, je vais voir ce qu’ils ont fait et comment ils se sont comportés et j’essaierais de suivre leurs pas.

 

En tant que réalisateur, êtes-vous du genre à laisser vos acteurs improviser ou voulez-vous contrôler chaque détail sur le tournage ?

 

Vous savez, l’improvisation sans une sorte de structure est excellente. Je pense que l’idée de vouloir tout contrôler est révolue le jour où le style de jeu des acteurs a changé. Si vous prenez les films de Hitchcock par exemple, lui qui contrôlait tout, une fois que le style qu’on appelle une méthode est apparu, Hitchcock commençaient à avoir des problèmes parce que  les acteurs commençaient à apporter des éléments sensoriels dans leur façon de jouer. Je pense que maintenant, on doit essayer d’embrasser les erreurs, les choses magnifiques et s’assurer qu’elles soient captées dans le contexte que vous essayez de faire, votre job est par la suite essayer d’embellir la situation. Le moment où vous voulez contrôler les choses, ça vous achèvera. J’adore l’improvisation, je pense que c’est important de nos jours.

 

Vous vous êtes attaqués à un nouveau genre avec « Ad Astra » qui est un film de science-fiction (dont la sortie est prévue en 2019), comment était l’expérience ? Est ce que c’était différent des autres ?

 

C’était très différent à cause des problèmes techniques, mais je crois que ça va être bon. Je suis très excité de pouvoir le projeter. Brad Pitt a été juste magnifique dans le rôle, je suis super optimiste. J’ai encore un énorme travail à faire au niveau des effets spéciaux, du coup, ça n’a pas été facile de réaliser ce film, c’était plus dur, et c’est qui fait toute la différence par rapport aux autres films que j’ai pu tourner. Mais j’ai de grands espoirs !