PME : Déphasage gouvernemental

En analysant les derniers propos du chef du gouvernement et ceux du patron des patrons concernant les petites et moyennes entreprises du pays, on relève des contrastes saisissants.

Par Mohammed Zainabi

Lors de la réunion ministérielle, tenue vendredi 14 décembre 2018 à Rabat, autour du «Programme national relatif à la politique gouvernementale en matière des petites et moyennes entreprises», Saâd-Eddine El Otmani semblait encore vouloir prendre son temps avant de s’attaquer aux problèmes de ces piliers de l’économie nationale. Pourtant, il l’a lui-même répété, ces entreprises représentent 90% du tissu entrepreneurial marocain.

Le chef de l’exécutif a lancé l’idée «d’organiser au moins une réunion annuelle sur les PME, en concertation avec le ministre de l’Industrie, de l’investissement, du commerce et de l’économie numérique, afin de définir une stratégie d’appui, examiner toutes les nouveautés les concernant, étudier les conditions de leurs activités et suivre et évaluer régulièrement la mise en œuvre de ces politiques et les retombées sur le tissu des entreprises».

Ces déclarations montrent que le gouvernement El Othmani, qui bouclera sa deuxième année en avril prochain, ne dispose pas encore d’une stratégie pour les PME. Pire, en affirmant vouloir étudier les «conditions de leurs activités», il reconnaît sa totale ignorance de leur dossier. Pis encore, le chef de l’exécutif n’avance aucune date ni pour la tenue de la réunion annuelle sur les PME, ni pour l’étude sur leurs conditions d’activités. Ces propos ne portent donc aucun engagement. Les chefs des petites et moyennes entreprises ne peuvent rien en attendre.

Les entreprises se meurent en silence

Du côté patronal, pour SalaheddineMezour, il y a péril en la demeure. Interrogé dernièrement par Oxford Business Group, Salaheddine Mezouar a crié à qui voudrait

l’entendre que le fort taux de mortalité d’entreprises constaté en 2017 est un signal d’alerte. «Si l’on ne règle pas le problème rapidement, le reste n’a pas de sens», a-t-il martelé. Dans cet entretien que le cabinet d’intelligence économique publiera dans la prochaine édition dans «The Report: Morocco 2019», le président de la CGEM lance un appel urgent pour une accélération des réformes au Maroc, notamment en ce qui concerne les délais de paiement et la simplification des procédures administratives. Deux problèmes cruciaux dont se plaignent les patrons des PME-PMI.

Mezouar estime que le problème récurrent des délais de paiement demeure au sommet des priorités de la CGEM. La Confédération témoigne d’un fort taux de fermetures d’entreprises causées par l’assèchement des trésoreries en 2017.

Quand on entend El Othmani dire dans sa réunion interministérielle que le soutien des PME «est une priorité gouvernementale permanente», on peut lui demander de le prouver dans les faits. Surtout que certaines mesures ont été déjà annoncées. Exemple : le plan d’accélération industrielle prévoit à travers son 5eaxe stratégique 10 mesures d’intention (non détaillées et non fixées dans le temps) pour accélérer la transformation industrielle, l’amélioration de la compétitivité des PME et le renforcement des dispositifs de soutien et d’accompagnement. Ces bonnes idées doivent être appliquées et vite, c’est tout ce que demandent les patrons des PME-PMI. Mais que le chef du gouvernement laisse entendre qu’il ne connaît pas encore leurs problèmes, cela risque de les pousser au suicide…économique.

Article paru dans Le magazine L'Observateur du Maroc et d'Afrique du 21 décembre 2018