Viggo Mortensen : « Green Book est un film politiquement engagé, porteur d’espoir ! »

Venu présenter son dernier film « Green Book sur les routes du sud » à la 17e édition du FIFM, l’acteur américano-danois revient sur les raisons qui l’ont poussé à accepter le rôle de Tony Lip au côté de Mahershala Ali dans une œuvre poignante et drôle sur le racisme signée Peter Farrelly. Le film revient sur l’histoire vraie du grand pianiste noir et chic Dr Don Shirley et sa rencontre avec Tony Vallelonga dans les années 60 pendant que la ségrégation fait rage aux USA.

 

Vous êtes venus défendre il y a 4 ans « Far from Men », vous pensez vraiment que le cinéma peut éduquer les gens,  les fédérer et construire des ponts entre les cultures ?

 

 Ça peut aider ! C’est sûr que le cinéma ne résout pas tous les problèmes mais si l’histoire est bien racontée, et nous invite à penser et ressentir, alors elle peut nous toucher. J’ai justement comparé ce film à Green Book quand je faisais la promo du film aux USA, malheureusement, la distribution n’était pas très bonne, ce film aurait dû être vu par la majorité des gens, c’était aussi une histoire de deux personnes qui semblaient très différents. Green Book raconte aussi l’histoire de deux hommes qui viennent de la même région, pourtant, ils ont l’air de venir de planètes différentes parce qu’ils ont du mal à se comprendre ! Quand l’histoire est bien racontée, vous retenez la leçon de comment combattre l’ignorance à travers les expériences, en passant du temps ensemble, écouter l’autre, parler et dépasser les choses ensemble, puis, vous réalisez que vous n’êtes pas si différents. Et je crois que le message de Green Book est très simple : Si Tony Lip et Dr Shirley peuvent se respecter mutuellement, malgré leurs différences, alors n’importe qui peut le faire ! L’ignorance peut être dépassée par le partage d’expériences. C’est une histoire à propos de dépasser les limites de vos premières impressions.

 

Dans la plupart des scènes avec Mahershala, il est derrière vous, dans la voiture, c’était difficile pour vous de tourner sans avoir ce contact avec les yeux ?

 

Oui, la caméra se trouvait dans le rétroviseur, donc, pour les deux plans, je ne le regarde pas et lui non plus. Au début, on s’est dit : mince, on va devoir tourner 5 jours sans se voir ! Mais, c’était un bon exercice, parce qu’on perdant un sens, l’autre est plus accentué, du coup, comme je ne voyais pas sa réaction, je me concentrais plus sur le ton de sa voix. Quand j’ai vu le film à Toronto, sa réaction face à mon ignorance, ses mimiques, … j’étais tordu de rire. La scène du dîner où on se voit enfin, ressemble à un court métrage avec 3 situations drôles et lorsque je le regardais droit dans les yeux, des fois, j’avais envie d’éclater de rire ! Vous savez, un film qui se passe dans une voiture avec deux personnages peut être très ennuyant, à moins que vous ayez une bonne alchimie, que vous vous écoutez mutuellement et que vous ayez le rythme pour l’humour. Je me suis rendu compte que ce n’est pas si différent d’une autre façon de jouer, ça dépend du temps et de l’écoute. Si vous répondez tard ou que vous réagissez tôt, ce n’est pas très drôle, mais, il était génial, ses réactions par rapport à mes trucs ridicules rendaient les choses plus drôles. Quand j’ai lu le scénario au début, je trouvais certains passages un peu drôles mais sans plus, mais quand j’ai vu le film, je me suis tordu de rire même si je l’ai vu 5 ou 6 fois, à chaque fois, je me marre comme pas possible !

Certains critiques ont reproché  au film de ne pas être plus engagé que cela ?

 

C’est marrant, parce que certaines personnes dans le milieu n’ont pas saisi le message du film et vous disent que certaines scènes ne sont pas assez tranchantes, où manquent de militantisme ! C’est une histoire vraie et s’il y a une fin heureuse c’est parce que ça correspond à la réalité. Le fils de Tony Vallelonga a vraiment rencontré Don Shirly pour la 1ère fois pendant le dîner de Noël. Le film ne s’adresse pas à un petit groupe d’activistes, à un segment politique limité, ou à une partie de la société, c’est un film que tout le monde peut voir et apprendre quelque chose. Il ne vous dit pas ce qu’il faut faire, et donc, il n’est pas juste adressé aux critiques qui aimeraient voir un film engagé. Ce film est très politiquement engagé, d’ailleurs, quoi de plus tranchant qu’un message qui stipule que l’ignorance peut être combattue par le partage d’expérience ? Si ces deux personnages peuvent s’accepter et se respecter mutuellement, alors, tout le monde peut le faire ! Le film est vraiment porteur d’espoir ! En plus, il est drôle, divertissant, l’histoire est bien structurée et les dialogues sont supers ! Les gens ne vont pas aller voir ce film juste parce qu’il est un road movie drôle, ou parce que c’est un nouveau film à propos du racisme, c’est aussi une oeuvre sur la discrimination, mais beaucoup de gens vont le voir parce qu’il y a un message derrière, et même s’il est vu par une poignée de personnes, ça ne veut pas dire que la façon dont on l’a fait est inférieure, comme l’affirment certains !

 

Vous l’avez ressenti quand vous avez lu le script ? Vous avez dit oui immédiatement ?

 

Non, du tout. J’avais peur de jouer ce rôle parce que je ne suis pas un italo-américain, mes racines sont de l’Europe du Nord. En fait, je me suis dit il y a beaucoup d’acteurs italo-américains qui sont très bons pour incarner ce personnage, mais le réalisateur m’a dit qu’il me voulait moi pour interpréter ce rôle alors j’étais assez nerveux mais je suis ravi d’avoir accepté et de l’avoir joué. J’ai beaucoup lu à propos de cette histoire, c’est une très belle l’histoire qui est super bien écrite, de plus, j’avais beaucoup entendu parler du boulot fantastique du réalisateur et de Mahershala.

 

 Quelles ont donc été vos sources d’inspiration pour ce rôle ?

 

C’était surtout la famille Vallelonga, le fils qui a écrit cette histoire. C’est Nick Vallelonga qui m’a ouvert les portes de sa maison et m’a fait découvrir sa famille, j’ai mangé avec eux, j’ai appris à les connaitre, ils m’ont donné de enregistrements de du père, j’ai vu les rôles qu’il a joué, puisqu’il a été comédien pendant un moment, j’ai vu comment il vivait, il parlait, ses gestes….

 

Vous vous attendez à recevoir un prix pour ce film ?

 

Vous savez, si on reçoit des prix mérités, c’est bien, mais si on a zéro prix, ceci ne changera en rien ce que je pense du film. C’est un film excellent et je suis persuadé que les gens qui vont le voir dans 5 ou 10 ans, y trouveront une valeur dedans ; parce que le problème du racisme et de la discrimination ne datent pas d’aujourd’hui, que ça soit aux USA ou en Europe… Je trouve que c’est un bon moment pour sortir ce genre de film mais il sera bon n’importe quand. Le langage et le visage de la discrimination changent et chaque génération doit résoudre et dépasser ses propres problèmes, c’est humain, tribal, ça sera toujours là, ce film est immortel qu’il ait une nomination ou pas.

 

Etes-vous fier de votre interprétation, parce que vous crevez l’écran ?

 Oui, merci. J’ai adoré le faire, c’est rare de voir un film plusieurs fois ! Ça fait 3 mois que je fais la promotion de ce film et à chaque fois je le revois, je me dis je vais voir 5 ou 10 mn puis je finis par voir le film en entier, et c’est ce qui m’est arrivé, je me marre à chaque fois et ça c’est un bon signe.