OPINIONS : Le PJD et la déconfiture de l’enseignement public marocain 

Par Mohamed Lmoubariki *

Le Maroc est gouverné, depuis 2011, par une majorité pjdiste qui, année après année, n’a cessé de briller par son inefficacité et par ses orientations socio-politiques désastreuses. Et malheureusement, l’enseignement public est LE DOMAINE où la politique de ce parti d’apprentis sorciers a jeté dans les abîmes des millions de famille. Cet échec abyssal restera à jamais gravé sur le fronton de cette famille politique qui, en dépit de ses initiales trompeuses, est loin d’être attachée à la justice et au développement.

Certes la descente aux enfers de l’enseignement marocain n’a pas commencé avec le PJD car l’approximation et l’improvisation sont les principaux traits de la politique de l’État marocain en la matière, depuis des décennies. Mais force est de constater que la situation s’est dégradée d’une façon sans précédent depuis 2011.

Le lecteur me répliquerait que c’est la traduction majoritaire du vox populi et que, par conséquent, les citoyens doivent assumer les conséquences de leur choix. Ceci est vrai lorsque le parti met en œuvre le programme qu’il a vendu aux électeurs ! Ce n’est pas le cas du PJD. Il a pu, opportunément, jouer sur la corde religieuse et tirer profit des mouvements qui ont traversé le monde arabe lors du fameux printemps pour prendre les rênes du pouvoir. Ce parti appartient, idéologiquement, à une droite dure qui n’a de religieux que la fine couche sucrée qui cache l’amertume indigeste des comprimés !

Comme beaucoup de citoyens marocains, j’aurais voulu voir le PJD, qui s’appuie sur un référentiel religieux exhaustif, faire de l’enseignement son cheval de bataille du moins par fidélité au vieil adage rapporté par les livres de fiqh et qui insiste sur la nécessité de l’apprentissage du berceau à la tombe. Hélas, les gouvernements pjdistes successifs ont transformé l’enseignement en un business juteux qui a mis hors-jeu des millions de familles marocaines.

Il est superflu de rappeler que l’enseignement est une mission régalienne et une responsabilité immuable de l’État. Il est même le critère essentiel du développement d’un pays. Le devenir d’un peuple est inséparablement lié au socle commun d’un enseignement de qualité, gratuit et ouvert à tous les citoyens quelques soient leurs niveaux de vie et leurs lieux de résidence.

Hélas, depuis 2011, nous assistons à une mise en pièces sans précédent de l’enseignement marocain à tel point que la scolarité des enfants est devenue un fardeau insupportable pour de trop nombreuses familles.

La porte grandement ouverte par le gouvernement a convaincu tous ceux qui souhaitent s’enrichir facilement et sans risque de se lancer dans cette activité fort rentable. Il suffit, alors, d’avoir un compte bancaire bien fourni pour ouvrir une école privée et ce peu importent les compétences de l’entrepreneur !

Je tiens à préciser ici que la marchandisation de l’offre éducative au Maroc n’a rien à avoir avec l’enseignement privé en France, le pays avec lequel on se compare ou que l’on singe souvent.

L’enseignement privé français est l’héritier de l’enseignement religieux. Cependant, la seule différence entre le privé et le public se limite dans la possibilité d’avoir, dans le premier, des classes moins chargées, des activités extra scolaires plus variées et surtout quelques heures d’éducation religieuse (ou catéchisme) par semaine. La même règle s’applique, bien évidemment, aux écoles juives et musulmanes ou sans obédience religieuse. Il faut préciser ici que les élèves payent dans, le pire des cas, une centaine d’euros par mois pour couvrir les frais de cantine, souvent plus élevés que dans le public.

Par ailleurs, il existe deux statuts d’établissements privés : hors contrat ou sous contrat.  Les écoles hors contrat doivent assumer elles-mêmes les charges de fonctionnement, dont le salaire des enseignants. Et il faut que ces écoles remplissent des conditions bien précises pour devenir des écoles sous contrat ce qui leur permettrait de voir le ministère de tutelle prendre en charge les frais du corps enseignant.

Mais dans le privé comme dans le public, les élèves suivent le même programme avec les mêmes manuels. C’est l’une des expressions de l’égalité des citoyens en droit.

Cette réalité française est à des années lumières du cas du Maroc où les parents paient, dans le privé, des milliers de dirhams par mois. Ils se font saigner à blanc, année après année, pour permettre à leurs enfants de suivre une scolarité dont seul le montant de la mensualité est gage de qualité !

Face à cet enseignement privé qui fait miroiter un avenir meilleur à des familles soucieuses du futur de leurs enfants, l’État marocain laisse sciemment sombrer l’enseignement public. Les locaux sont de moins en moins entretenus, les classes débordent d’élèves et les programmes changent au gré de décideurs sans vision et peu, osons le mot, concernés par la destinée de la jeunesse marocaine. Ils ont même osé précariser le métier d’enseignant en créant, sous le gouvernement du PJD, le statut de professeur contractuel ! C’est une vraie insulte au professeur, qui devrait quasiment avoir le statut d’un messager (terme pioché sciemment dans le lexique du PJD),et aussi à une jeunesse assoiffée de savoir pour sortir du cercle vicieux de l’inactivité et ses corollaires inévitables : les addictions, les incivilités et les inégalités.

Je n’ai pas trop envie de parler des baghrirs, briouates et autres melouis introduits dans les manuels scolaires de l’école publique marocaine cette année. C’est tout simplement un scandale, une attaque honteuse contre ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir des études payantes. Malheureusement, nombreux sont les « intellos » qui sont tombés dans le piège en rentrant dans des débats anachroniques sur l’apport de la darija et sa place dans la langue arabe. Il est évident que toute langue littéraire ou docte est une entité vivante qui s’enrichit sempiternellement des dialectes et des autres langues. C’est ce qui garantit sa temporalité et sa pérennité. Mais le problème que pose l’introduction de ces mots dans les manuels scolaires dépassent ce débat pour toucher aux droits de tous les élèves marocains d’accéder à un enseignement riche et ouvert sur le monde. Je donnerais ma main à couper que les enfants de ceux qui ont osé commettre cette ânerie ne fréquentent en aucun cas les écoles publiques et n’étudient même pas en Arabe !

La richesse du Maroc n’est pas dans ses matières premières ! Elle est dans son potentiel humain. Notre histoire commune est d’abord celle d’un peuple fier de son indépendance et de son rayonnement. Et c’est la jeunesse d’aujourd’hui qui fera le Maroc de demain. Et si on s’acharne à la détruire, à l’abêtir, c’est toute la société marocaine qui risque fort de se disloquer.

Il n’y a nul besoin d’être sorti de la fameuse école de Saint-Cyr pour savoir que le chômage,qui frappe de plein fouet des centaines de milliers de marocains,et le douloureux désir de partir et de courir des risques insensés en jouant sa vie sur les pateras des passeurs ne sont, en grande partie, que le fruit des politiques nationales en matière d’enseignement.

La responsabilité des « troncs de palmiers » pjdistes est engagée dans l’échec absolu de l’école publique marocaine. Il est grand temps de mettre l’intérêt général au cœur des choix gouvernementaux. Le Maroc a plus besoin d’écoles modernes et accessibles à tous, d’hôpitaux de qualité que de voies ferrées à grande vitesse. Le progrès est une question de priorité et de choix judicieux. L’école est une priorité vitale et un pari gagnant sur l’avenir.

 

* Mohamed Lmoubariki est docteur en histoire contemporaine.