« Contrôler les petits commerçants va coûter plus cher que ce que nous allons percevoir».

L’Observateur du Maroc et d’Afrique: la facturation électronique a suscité l’ire des commerçants qui se sont lancés dans des mouvements de grève et de contestation. Malgré les explications fournies, le malentendu ne semble pas réellement levé. D’où vient le problème ?

Omar Faraj : Pour le moment, il n’y a plus de grèves. Nous avons fourni les explications nécessaires et les choses sont très claires. En fait, il était prévu, aux termes de la loi de Finances 2018, la mise en service de la facturation électronique à compter du 1er janvier 2019. Certes, il y a certains secteurs et structures qui sont assez matures pour ce genre de pratique. Mais, les modalités qui fixent, entre autres, les catégories ciblées par cette mesure, devraient être définies par un décret d’application qui n’a jamais vu le jour. Parmi les autres doléances le volet douanier. La douane a intensifié les contrôles au niveau des dépôts de produits alimentaires et dont certains disposent de machines qui falsifient les dates de péremption. Les commerçants ne veulent pas que la douane intervienne pour contrôler notamment sur les routes. Alors que cela a toujours été le cas. A la base, le problème n’est pas la facturation électronique mais plutôt l’ICE et non pas celui de l’acheteur, puisque ce dernier est une ineptie. Ceux qui sont derrière ce « buzz », sont les commerçants qui sont obligés de délivrer des factures mentionnant obligatoirement leur ICE. Ils ont créé la polémique en voulant l’imposer à l’acheteur. Concrètement, c’est comme si on impose au consommateur de fournir sa carte nationale pour l’achat d’un simple bouquet de menthe. Dans la réalité des choses, le vendeur qui détient une comptabilité est obligé de donner une facture avec son ICE à l’acheteur.

Dans ce cas, quelle est la catégorie ciblée ?


Sont ciblés les commerçants qui sont obligés d’avoir une comptabilité. En chiffres, tout commerçant dont le chiffre d’affaires dépasse 1 million de dirhams et ou dont la TVA est de plus de 2 millions de dirhams de CA. Donc, concrètement, les petits commerçants comme le stipule la loi, sont dispensés de la détention d’une comptabilité et sont donc exclus du champ d’application. Ils sont soumis plutôt au régime forfaitaire. L’ironie et que ce sont ces forfaitaires qui ne sont concernés ni de près ni de loin par ces mesures qui contestent et sont incités par d’autres à entamer des mouvements de grève.

Donc, peut-on dire qu’il y a une manipulation derrière ?


C’est le ministre de l’industrie et du commerce qui l’a affirmé. Je ne peux pas me prononcer dans ce sens. Par contre, une chose est sûre, les commerçants qui protestent ne font pas partie de notre cible. Non seulement ils sont hors comptabilité, mais ne sont même pas soumis à notre contrôle. Contrôler ces petits commerçants va coûter plus cher que ce que nous allons percevoir. J’ai l’impression que pour certains cette facturation ne doit pas exister. Ils ne veulent pas de traçabilité. Pour eux, cette facture n’a d’utilité que sur le plan fiscal. Alors qu’en réalité c’est un moyen de protection contre toute pratique frauduleuse comme la vente d’une marchandise défectueuse ou autre...Donc en dehors de toute considération fiscale, la facture est avant tout un garant de protection pour l’acheteur notamment le petit consommateur. En gros, toute cette affaire de grève des commerçants est le fruit de la volonté de certains qui sont conscients qu’ils doivent passer prochainement à la caisse.

Quel est le coût pour l’Etat de la
non application du principe de facturation ?


Quand un consommateur achète un produit il paie automatiquement la TVA. L’absence de facture donne la possibilité au vendeur de garder indûment le montant de la taxe payée par le consommateur. Donc avant de voler les caisses de l’Etat, c’est le consommateur qui est ruiné. La DGI estime le manque à gagner entre 30 et 40 MMDH par an, soit l’équivalent de ce que nous percevons. Si l’Etat arrive à capter cet argent, il peut avoir de la marge pour baisser la pression fiscale sur les autres catégories qui sont obligées de payer. C’est le principe de l’équité fiscale qui est en jeu.

Que comptez-vous faire alors ?

Il faut être déterminé à épargner les petits. Mais, il y a des principes constitutionnels qu’on doit appliquer. Quand certains ne s’acquittent pas de leurs taxes alors que nous en avons la preuve, et on ne réagit pas, on devient complice. La DGI ne crée pas les lois. Mais quand ces dernières sont votées par le législateur, elle doit les appliquer. Sinon elle est sanctionnée. Pour le moment, nous sommes revenus à la situation où ceux qui vont payer les impôts sont ceux qui n’ont pas le choix. Donc, ce n’est pas un problème de la DGI si certains paient plus que d’autres. C’est plutôt un problème de pacte social et d’application de principes constitutionnels et de la loi.

L’accord signé entre la DGI, la
Douane et les représentants des commerçants, est toujours contesté. Pourquoi ?


En principe, l’accord signé le 15 janvier entre la DGI, la Douane et la coordination des commerçants devait mettre fin à la grogne de ces derniers et aux menaces de grèves. En réalité, l’objet des réunions est de faire comprendre aux participants qu’il y avait confusion autour des points de la facturation électronique et l’ICE. Une bonne partie du PV de la réunion a servi à clarifier ces évidences. La représentativité des syndicats invités au tour de table a été par la suite contestée par d’autres commerçants. Nous ne pouvons nous réunir avec chacun des 600.000 petits commerçants. Maintenant, si cette représentativité ne plait pas à tout le monde, nous sommes prêts à dialoguer avec les autres qui s’estiment exclus. Notre porte est toujours ouverte. Ensuite, il faut dire que d’autres réunions de concertation sont prévues au niveau régional. L’objectif est d’expliquer et de mettre les choses encore une fois au clair pour lever le malentendu et la confusion ✱