ENSEIGNEMENT: Les ennemis de la réforme

Par RAJAE OUMALEK

La faillite du système éducatif est officiellement actée et la réforme, la vraie, est une urgence nationale. Pourtant, depuis les années 60, toutes les tentatives de réforme ont échoué, ce qui tendrait à justifier un certain scepticisme. Il faut identifier les goulots d’étranglement, les forces d’inertie qui ont empêché les différentes réformes. Si l’école publique a pleinement joué son rôle jusqu’à la fin des années 70, les responsables ont essayé de faire de la prospective. Dès les années 60, le dilemme était posé : comment généraliser l’enseignement gratuit tout en maintenant la qualité ? Deux ministres de l’Education ont dû démissionner suite à des grèves très virulentes contre les projets de réforme.

Idéologisé à mort, le corps enseignant mobilisait même les collégiens contre la réforme. C’est un ministre istiqlalien qui va imposer la sienne, catastrophique, criminelle : arabisation tous azimuts, exclusion de la philosophie, ouverture des CPR aux non bacheliers, réduction de la durée de la formation pédagogique. Les enseignants ont été amadoués par l’ouverture des possibilités d’heures supplémentaires hors école. Tous les ingrédients de l’échec ont été mis en place par Azzedine Laraki qui, en sa qualité de professeur en médecine, disait aux étudiants issus des familles pauvres : « Pourquoi choisir des études longues au lieu d’aider vos parents ? ». Le corps enseignant luttait contre la sélection. Aujourd’hui, pour entrer dans certains cursus valorisés, il faut 18 de moyenne. Ce n’est plus une sélection, c’est une élection divine.

La déqualification des diplômes sur le marché du travail est une réalité qui confirme le niveau très faible de qualifications. Le corps enseignant se sait responsable du niveau, mais rejette toute la responsabilité sur « les conditions de travail», alors qu’un enseignant travaille moins et gagne plus qu’un fonctionnaire du même grade. Sans compter les extras. Le plan Akhchichène a été mis en pièces par le grand corps malade. Seule une reprise en main musclée des « moallims » peut sauver l’école. Mais l’école a besoin d’une défense sociale. Parce qu’elle n’est plus un ascenseur social, ni un facteur d’intégration, elle ne forme que des chômeurs. Les parents qui en ont les moyens s’adressent donc au privé. Les autres ne s’en préoccupent pas. En fait, les parents d’élèves sont les grands absents. Ils ne participent plus à la vie de l’école et se désintéressent absolument de la scolarité de leurs enfants. Aucune charte, aussi élaborée soit-elle, ne peut passer dans les faits si le corps enseignant et les familles n’y adhèrent pas, ne jouent pas leur rôle. C’est un enseignement de l’Histoire qu’il nous faut retenir si l’on veut redonner à l’école publique des chances de renaître. important french translation