« C’est maintenant à l’ensemble des acteurs de jouer ! »
Driss El Yazami, Pru00e9sident du CNDH.

L’Observateur du Maroc. Parmi les nombreuses mesures proposées par le CNDH dans son dernier rapport concernant les migrants, quelles sont celles que vous jugez prioritaires et qui devraient donc être appliquées dans l'immédiat ?

Driss El Yazami. Il y a des mesures urgentes comme la délivrance d’un titre de séjour aux réfugiés statutaires, le lancement d’un programme d’insertion en leur faveur, la protection des migrants irréguliers interpellés contre tout mauvais traitement, la garantie à ceux qui sont détenus provisoirement d’un accès effectif à la justice, la protection des groupes vulnérables et notamment les femmes et les enfants, etc. Mais au delà, l’objectif central du rapport est une double prise de conscience, par les autorités et l’ensemble des acteurs sociaux, que nous sommes depuis longtemps une terre d’accueil et que nous le sommes encore plus en raison de mutations indéniables que tous les pays du sud connaissent, mais que nous connaissons peut-être de manière plus aigüe. C’est ce qu’ont rappelé les deux communiqués du Cabinet Royal, qui ont clairement affirmé l’engagement personnel du souverain sur ces problématiques, la nécessité d’une approche globale, humaniste et conforme aux dispositions constitutionnelles et au droit international. C’est maintenant à l’ensemble des acteurs de jouer : les pouvoirs publics, mais aussi l’ensemble de la société. Il y a à cet égard de nombreux signes d’espoir, comme le montrent l’action diverse et dynamique de la société civile ou une initiative comme celle de la RAM, dont le PDG, M. Benhima, nous a approchés bien avant la publication de notre rapport, pour une formation à ces nouvelles réalités de l’ensemble du personnel, du top management au personnel au sol.

Nous ne voulons désavouer personne. Nous voulons que nos recommandations soient sérieusement discutées et mises en oeuvre si elles sont pertinentes.

La politique menée jusque là dans ce domaine a été mise en place par les gouvernements précédents et a été poursuivie par le gouvernement actuel. Ce n’est donc absolument pas ce gouvernement seul qui est responsable. C’est évident si l’on fait l’historique de l’action publique. En 2003, une loi sur l’entrée et le séjour des étrangers, l’émigration et l’immigration irrégulière avait été adoptée, suivie en 2007 de la signature d’un accord de siège avec le HCR, lui déléguant l’examen et l’octroi des demandes d’asile. Sur une forte insistance et avec le soutien de l’Union européenne, une politique de contrôle des tentatives d’émigration irrégulière a été mise en place, à la grande satisfaction des divers pays européens, même si elle débouchait sur des violations de droits fondamentaux. La dernière initiative fut la signature, en juin 2013, entre le Maroc, l’Union européenne et six Etats membres d’une Déclaration conjointe établissant le partenariat de mobilité. Cette politique a été menée sans qu’il y ait une prise en compte des mutations historiques en matière de migrations humaines, faisant du Maroc une terre d’immigration.

Votre rapport confirme que beaucoup reste à faire en matière de protection des migrants et de demandeurs d'asile au Maroc, n'est-ce pas là un franc désaveu pour le gouvernement actuel ?

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