SYRIE L’illusion russe
Vincent HERVOUET

Drôle de guerre que celle que la France et les Etats-Unis font à la Syrie. Paris, toujours à contre temps. Washington, toujours à contre coeur. La diplomatie française fait des moulinets avec son sabre de bois et ne semble rien apprendre des déconvenues que lui inflige la Maison Blanche. François Hollande avait promis une punition à Bachar El Assad, les Rafales se tenaient prêts à décoller avec leurs missiles Scalp pointés sur des sites symboliques quand Barack Obama a jugé qu’il était urgent d’en référer d’abord au Congrès. L’Elysée a avalé la couleuvre et juré que le tyran syrien ne perdait rien pour attendre... Dix jours plus tard, le G20 expédié et un front européen ayant été vaguement rassemblé pour prouver que le tandem franco-américain n’était pas seul au monde, le ministre Laurent Fabius a tonné, dégainant un projet de résolution au Conseil de sécurité qui équivalait à un ordre d’arrestation et à un arrêt de mort pour Bachar El Assad…

Un coup de menton qui s’est terminé en coup d’épée dans l’eau. Barack Obama a de nouveau fait un discours solennel, estimant qu’il fallait se donner du temps et laisser une chance à la proposition russe de désarmement. Nul ne sait comment l’arsenal chimique syrien peut-être identifié, neutralisé, détruit dans un pays en pleine guerre civile, avec les menaces d’attaque d’Al Qaida et les risques de provocation de l’armée syrienne mais tout le monde fait semblant de croire que Serguei Lavrov a sorti « une solution russe » de sa chapka. Abracadabra, la pensée magique en action ! Alléluia, les médias chantent dans un choeur unanime. Et l’on voit le faucon John Kerry se rendre à Genève pour éviter à son Président de donner l’ordre de bombarder un pays que les Américains n’ont pas envie de bombarder… La solution russe est d’abord une solution pour sauver la face. En attendant, la guerre en Syrie continue et s’étend.

Pendant que les diplomates sculptent des phrases et que la Navy astique les cuivres, les combats redoublent dans la banlieue même de Damas et jusqu’à Idlib. Sur la route de Homs, Maaloula était signalé dans tous les guides touristiques comme la ville qui parle la langue du Christ, l’araméen. Ces temples troglodytes ne l’ont pas protégée. C’est désormais une ville martyre qui a été conquise, perdue, reprise par les djihadistes qui se réclament d’Al Qaida. Elle a changé de main à cinq reprises en l’espace de dix jours ! A Londres, quelques Frères Musulmans sous la bannière trompeuse d’une Organisation syrienne des droits de l’homme font l’inventaire : 110 000 morts au moins, deux millions de réfugiés, autant de déplacés. Et la guerre fait des petits alentours : après les Libanais du Hezbollah, les pasdarans iraniens, les Palestiniens dissidents, voici le tour des chiites irakiens de s’enrôler par milliers comme supplétifs du régime baas.

Chacun sait bien que la ligne rouge imprudemment tracée par Barack Obama concernait l’usage répété et massif des armes chimiques et pas les massacres ordinaires de civils, la sauvagerie qui se généralise et dont témoigne les prises d’otages crapuleuses, l’influence grandissante des djihadistes enragés venus du Caucase, du Golfe, du Maghreb et d’Europe, les seuls à véritablement combattre le régime et qui sont décidés à faire la guerre jusqu’au dernier des Syriens. L’important, c’est que Barack Obama et François Hollande sortent la tête haute d’une surenchère où ils se sont hasardés. Leur drôle de guerre en Syrie a déjà fait beaucoup de dégâts : la crédibilité américaine, la solidarité européenne, l’unité de l’Otan, la légalité internationale incarnée par le conseil de sécurité de l’ONU en sortent affaiblis. L’idée même d’Occident s’y est altérée, le Japon, l’Australie, le Canada, l’Union européenne étant aux abonnés absents. Le 11 septembre, on se tient sur le qui-vive.

On a raison. L’an dernier, des furieux avaient célébré l’anniversaire fatal en tuant l’ambassadeur des Etats-Unis en Libye. Cette année, ils n’ont pu recommencer puisqu’il n’y a plus d’ambassadeur américain sur place. Ils se sont rattrapés en faisant sauter les locaux du ministère libyen des Affaires étrangères à Benghazi. Benghazi, capitale de la révolution, terre promise de l’après-Kadhafi. Le dictateur est mort mais la vérité impose de dire qu’il y a désormais des centaines de Kadhafi en Libye. De quoi faire hésiter les élus du Congrès comme ont hésité les députés de la Chambre des Communes à Londres. Le 11 septembre, c’est aussi l’anniversaire de Bachar el Assad. Cela ne s’invente pas. Le tyran a 48 ans. Il devrait en profiter, sa vie ne tient qu’à un fil. Cependant chacun sait désormais que la Syrie décapitée risque d’être livrée à des centaines de petits Bachar. раскрутка сайта yandex