Libre cours
Naim KAMAL

Un peu curieux cet Istiqlal dans la rue dimanche 22 septembre pendant que ses ministres démissionnaires sont toujours en poste. Curieux d’ailleurs aussi qu’aucun de ces ministres n’a jugé nécessaire ou utile d’aller arpenter l’avenue Mohammed VI avec ses camarades. C’est vrai, leur participation aurait fait brouillon et surtout aucunement gentil à l’égard d’un chef du gouvernement qui fait tout, par impuissance ou maladresse, à retarder l’échéance de leur sortie. Aucune importance de toute façon, l’essentiel étant que l’opposition a décidé d’occuper la rue hors saison. C’està- dire en dehors du premier mai et des manifestations de solidarité avec les Palestiniens ou les Irakiens quand manifester en leur faveur avait encore l’illusion d’un sens. C’est nouveau.

En 1981 et 1990, les protestations contre le gouvernement se sont terminées dans le sang et se sont poursuivies par des procès et des peines de prison. Celle de dimanche dernier s’est déroulée dans une ambiance bon enfant. Le secrétaire général de l’Istiqlal, Hamid Chabat, alors seulement militant syndicaliste local qui avait dû en 1981 se mettre un temps au vert, a pu plastronner tranquillement et rentrer chez lui prendre une douche tiède, ou froide, ou chaude. Abdalilah Benkirane et ses amis auraient dû en profiter pour se faire prévaloir de leur démocratisme. Mais non, comme d’habitude, ils ont puisé dans leur besace d’injures déniant aux autres le droit à la contestation. Ce qui m’amène à croire que si ça ne tenaient qu’à eux, ils auraient envoyé la troupe. Maintenant, il faut admettre que l’opposition istiqlalienne n’a pas fait dans la nuance. Inviter les ânes à s’exprimer ou à représenter la politique du gouvernement n’est pas d’un raffinement certain.

D’autant plus que la pauvre bête de somme, n’a rien demandé. Elle aussi a droit à un dimanche de repos. Un syndicaliste normalement devrait comprendre ça. L’opposition dans la rue après plus de quinze ans de gouvernement, a fait probablement un échauffement pour préparer une année qu’on nous promet chaude. C’est bien et même parfait qu’elle se bouge et prenne des couleurs. Néanmoins, elle n’est plus seule maître de la rue. La contestation, la vraie, celle qui fait peur, se fait en dehors des partis et en leur absence. Elle se déclenche pour un rien et pour un tout. Ici et là. Elle peut être le fait des réseaux sociaux lancée par des jeunes qui veulent que beaucoup de choses changent, comme elle peut émaner d’une tribu égarée dans un coin perdu du Maroc qui réclame des terres ou des droits sur l’exploitation d’une richesse régionale. Elle peut être ethnique, culturelle, politique, économique ou tout cela à la fois. Un jour, ces mouvements disparates et dispersés finiront par converger et générer de nouveaux leaderships. Si j’étais l’opposition, je cesserai de m’occuper de Benkirane, et si j’étais Benkirane, je cesserai de m’occuper de Chabat pour réfléchir à cette situation et agir sur elle. translation from portuguese to spanish