Le mieux est l’ennemi du bien
Vincent HERVOUET

Lundi 22/09, Londres «Le mieux est l’ennemi du bien ». Commentaire désabusé d’un ancien ambassadeur britannique croisé dans un salon d’aéroport, alors que sur l’écran de la télévision apparait la photo de William Ruto et que le commentateur explique que le vice-président kenyan est autorisé par la Cour Pénale internationale à regagner Nairobi pour gérer la crise ouverte par l’attaque des Shebab somaliens. Les magistrats de la CPI lui ont accordé une semaine. Le délai écoulé, il est censé revenir à La Haye et le procès reprendra son cours. En novembre, ce sera au tour du Président Kenyatta de s’installer dans le box et de rendre des comptes. Bien sûr, les deux rivaux de l’élection de 2008 qui ont fini par cohabiter ont leur part de responsabilité dans les massacres inter-ethniques qui ont endeuillé le pays au lendemain du scrutin. Ils ont les mains pleines du sang des mille victimes, tombées après de vraies chasses à l’homme. Leur responsabilité morale est écrasante. Leur faute politique, évidente. Sur le plan judiciaire, elle sera plus difficile à établir. Le Kenya est un géant fragile.

Les coups de boutoir que viennent de lui porter les shebabs somaliens sont de nature à l’ébranler. Le drame du Westgate est aux Kenyans ce que le 11/09 est aux Américains. Un traumatisme national. Un défi aux institutions. Un pays se découvre en guerre et prend conscience de sa vulnérabilité. Dépasser ce genre d’épreuve réclame plus de trois jours de deuil. La Cour Pénale Internationale a été fondée pour que les crimes contre l’humanité ne restent pas impunis et que les dirigeants cessent de se retrancher derrière la raison d’Etat. C’est évidemment un progrès du droit. Mais au moment où le Kenya a besoin de se rassembler pour dépasser l’horreur que cherchent à susciter les terroristes qu’il faut le décapiter.

Mardi 23, New-York

Hassan Rohani en vedette américaine. Le président iranien savoure l’attention dont il est l’objet. Toute la journée, les médias ont spéculé en vain sur une poignée de mains avec Barack Obama qui mettrait symboliquement fin à trois décennies d’hostilité déclarée entre les deux pays. Les temps ne sont pas tout à fait mûrs et Obama est un politicien trop prudent pour gâcher une occasion sous prétexte de faire la une des journaux. La Maison Blanche trouve un prétexte, le rendez-vous n’aura pas lieu. En revanche, François Hollande est sur le carnet de bal de l’Iranien. Les conseillers du président français répètent qu’il l’a accepté mais qu’il n’aurait pas rencontré son prédécesseur, Mahmoud Ahmadinejad. Et qu’il va expliquer à Hassan Rohani que son soutien à Bachar el Assad est contraire aux intérêts de l’Iran et de la paix… Les conseillers sont jeunes. Ils étaient à peine nés au moment de la révolution islamique. Ils ont oublié l’attentat contre le Drakkar à Beyrouth où périrent une soixantaine de parachutistes français. Les pasdarans inventaient l’attentat suicide à la voiture piégée, chassaient les Occidentaux du pays et cela constituait l’acte fondateur du Hezbollah. C’était en octobre 1983. Trente ans après, la milice chiite règne sur le Liban.

Les Iraniens ont mis aussi la main sur l’Irak, grâce à George Bush. En une génération, Téhéran a forgé un arc chiite qui court de Kaboul à la Méditerranée. Bien joué. Sa capacité de nuisance est intacte dans le Golfe et terrifie ses voisins. « Last but not least », malgré les sanctions occidentales qui les ruinent, les Iraniens ont obstinément poursuivi l’enrichissement de l’uranium. En mettant en sourdine les diatribes apocalyptiques contre Israël, les mollahs au pouvoir montrent qu’ils sont prêts à discuter. Difficile d’y voir un aveu de faiblesse. Ils ont gagné la course au nucléaire. Ils sont en passe de gagner la sale guerre en Syrie. Déjà incontournables. Bientôt, reconnu comme une grande puissance. Francois Hollande a commencé l’entretien avec l’Iranien en faisant la tête. Il est ressorti ravi de l’entretien. Il reste obsédé par le dossier syrien. Il s’imagine qu’au Levant, trente ans après, l’histoire va repasser les plats. Mais c’est en Centrafrique que la France peut jouer un rôle décisif et qu’elle est attendue. Croire qu’il est possible de façonner l’avenir du Moyen Orient est une illusion cruelle. Le mieux est l’ennemi du bien реклама турагентства