Le Maroc combat l’islam djihadiste
Mireille DUTEIL

L’Observateur du Maroc. Le Mali revient de loin. L’Etat est à reconstruire, les populations doivent se réconcilier. Par où Ibrahim Boubacar Keita devrait-il commencer ?

Alain Antil. Le premier défi demeure la réconciliation avec les populations du Nord coupées du reste du pays par l’occupation des groupes armés. La commission mise en place pour cette réconciliation n’a jamais fonctionné, elle n’était constituée que de personnes originaires du Sud. Il faut trouver une nouvelle enceinte pour que tous se parlent.

Le président est un « sudiste ».Est-il le mieux placé pour la réconciliation ?

Certes, les gens du Sud ont une grande ignorance de leurs concitoyens du Nord, ils croient, par exemple, que tous sont des Touaregs. Mais il y a une forte pression internationale pour que la médiation réussisse… Le problème est de trouver un fédérateur, la société est tribalisée et c’est très difficile. Il ne suffit pas de nommer tant de Touaregs, tant de Songhais… En outre, l’insécurité demeure. Les djihadistes se regroupent sous la houlette de Mokhtar Belmokhtar et du Mujao. Ils se déplacent entre le sud de la Libye, le nord du Niger et font des incursions au Mali.

Ce sera donc là le deuxième défi ? Incontestablement, c’est la réforme du secteur de la sécurité. L’armée s’est effondrée en 2012, minée par la corruption. Des officiers supérieurs participaient aux trafics de drogue. Le président sera-t-il assez fort pour les écarter ?

Ce sera difficile pour un président dont la candidature a été soutenue par l’armée ?

Beaucoup l’ont soutenu. Si son parti fait un bon score aux législatives, il ne sera pas prisonnier de ses alliances. La nomination du capitaine putschiste Sanogo au grade de général n’est pas un bon signe.

Que peut faire le Maroc dans cette situation ?

Le Maroc entretient déjà une coopération avec le Mali, le Sénégal, le Niger, la Mauritanie. Le Mali est une zone de projection économique dans le secteur de la banque, des télécommunications, mais aussi dans le « soft power ». Former des imams comme le Maroc vient de le proposer, c’est à la fois éviter la propension d’un islam djihadiste et diffuser l’influence marocaine. De plus, le Maroc ne souhaite pas laisser le Mali sous la seule influence de l’Algérie, même si entre les deux pays, il y a toujours eu des hauts et des bas. L’ex-président Touré reprochait beaucoup à l’Algérie de ne rien faire contre Aqmi. Il avait nommé Soumeylou Boubeye Maïga aux Affaires étrangères, car il a de bonnes relations avec Alger. Le nouveau président vient de le nommer à la Défense.

La question du Sahara a-t-elle joué dans ce voyage au Mali ?

Il y avait quelques Sahraouis parmi les chefs du Mujao. Certains sont repartis dans les camps de Tindouf. Mais le Maroc a compris qu’il ne doit plus regarder les pays du Sud à travers le seul prisme du Sahara, il doit se créer une zone d’influence. Ce voyage est peut-être la preuve que le roi, qui s’était investi en Afrique au début de son règne, en particulier dans le règlement de la question du fleuve Mano, veut que le Maroc y revienne. купить планшет м видео цена